L'effroyable chasse aux sorcières n'a pas épargné les enfants. Dans son article des Saisons d'Alsace n° 75 du printemps 2018, Louis SCHLAEFLI rapporte que trente enfants originaires de Molsheim ou qui y résidaient, furent sacrifiés: douze garçons et cinq fillettes entre 8 et 11 ans, neuf garçons et une fille entre 13 et seize ans. L'âge de trois autres victimes n'est pas précisé.
Rouffach n'a pas été en reste, mais dans une bien moindre mesure: nous n'avons trouvé, pour l'instant, que cinq dossiers dans lesquels sont impliqués des enfants et des adolescents, tous des garçons. Nous avons choisi de présenter dans cet article les cas de Jacob KNORHAUWER, onze ans, celui de Paulus GERTLER quatorze ans et celui d'Adam MONER quinze ans.
Ces enfants, ces femmes et ces hommes, victimes d'un des plus dramatiques épisodes de notre histoire, méritent qu'on ne les oublie pas, qu'on entretienne leur souvenir et pourquoi pas, comme le suggère Jacques ROERIG, auteur de plusieurs ouvrages sur les procès de sorcellerie en Alsace et en Lorraine, qu'on les réhabilite...
Dans les commentaires sur les procès de sorcellerie, il est dit souvent que ces femmes avaient été condamnées parce qu’elles disposaient d’un savoir que les hommes leur jalousaient : c’était certainement vrai pour les sages-femmes, dont beaucoup sont mortes sur les bûchers. Pour les autres, on dit qu’elles connaissaient les vertus des plantes, des racines : si elles pouvaient guérir, elles pouvaient aussi, par jalousie, esprit de vengeance ou pure méchanceté utiliser leur savoir pour nuire aux hommes et aux animaux. Ceux qui les ont interrogées, d’abord guetlich puis peinlich, c’est-à-dire d’abord sans avoir recours à la violence puis en les soumettant à la torture, auraient donc pu avoir une réponse sensée lorsqu’ils souhaitaient savoir quels produits, quels ingrédients magiques elles avaient mélangés pour concocter les poudres, crèmes ou onguents qu’elles avaient utilisés pour perpétrer les méfaits dont on les accusait.
Maria SCHLOSSER est originaire de Müstelbrunn, dans le Bade-Wurtemberg, principauté de Fürstenberg. Veuve de Michaël DÜRINGER, de son vivant bourgeois de Eguisheim, elle est soupçonnée de sorcellerie, arrêtée et emprisonnée en mars 1630. Elle livrera ses premiers aveux le 4 avril 1630 et d’autres suivront le 13 avril 1630. Son procès eut lieu sans doute le 23 avril 1630 et elle sera exécutée le jour même sur le bûcher, comme sorcière …
Dans ses premiers aveux, elle déclare que trente deux ans auparavant, elle vivait à Müstelbrunn et était encore célibataire. Elle était au service de Jacob WALFF.
Un soir, dit-elle, elle était allée danser avec plusieurs autres jeunes de son âge et elle n’était rentrée chez elle que tard dans la nuit, vers une heure du matin.
Elle avait en ce temps là un petit ami, un certain MARX, lui aussi valet dans une maison voisine de celle où elle logeait. Elle lui avait déjà à plusieurs reprises accordé ses faveurs sich unehlich vermischt, mais ce Marx ne l’avait apparemment pas accompagnée ce soir là.
Sur le chemin du retour, à son retour du bal, elle est abordée par un homme qu’elle a d'abord pris pour ce MARX : ils se laissent un peu distancer par le reste du groupe et là, derrière un bosquet, arrive ce qui devait arriver : die Unzucht mit demselben verricht…
Le bourreau est l’exécuteur des hautes œuvres : il est chargé d’exécuter les peines capitales et corporelles ordonnées par la justice criminelle. Cette justice s’appuie sur un code de procédure criminelle Halsgerichts Ordnung, ou Carolina qui fixe de manière très réglementée et codifiée les peines encourues selon la nature du crime : sévices corporels, mise à mort par noyade, bûcher, enfouissement, décapitation, écartèlement, pendaison, etc. Le bourreau pouvait également être amené à mutiler ses victimes, en les marquant au fer rouge ou encore en les amputant d’une partie du corps.
L'image qui illustre cet article est la "note" de frais déposée par le bourreau de la ville, Scharpfrichter, pour ses services lors de la détention de l'épouse de Benedict SPENGLER. Au bas, la signature de Meister Melchior GINTHER.
Le compte rendu de ce procès tenu le mardi 4 septembre 1630, a été traduit en langue française le 17 janvier 1698 et réemployé le premier février 1710. Pour quelle raison s’est-on intéressé à ce procès, 80 ans plus tard ? Les archives ne donnent pas de réponse, mais on peut supposer qu’à la suite de l’inventaire, de l’estimation et du partage des biens de l’une des victimes il y ait eu une contestation en justice et que ce document ait servi de pièce dans le dossier d’une procédure qui s’éternisait…
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
Cette page contient des liens vers des outils et sites partenaires autour de la paléographie, l'histoire et l'Alsace.
© 2024 Obermundat