La tradition populaire rapporte que ces profondes rainures creusées, à hauteur d’homme, dans le grès du mur sud du chœur de l’église de Rouffach et de celle de Pfaffenheim, seraient les traces laissées par les vignerons « aiguisant » leur outil pour leur garantir une bonne récolte ! La sainteté du lieu et la proximité des reliques saintes devaient assurer le succès de l’opération. Mais comment un vigneron pouvait-il espérer affuter sa serpette ou un autre outil tranchant en les frottant dans ce dispositif ? C'est rigoureusement impossible, à moins de vouloir sacrifier le tranchant de l'outil !
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Bon nombre de lecteurs d’Obermundat se souviennent sans doute de l’éclipse de Soleil du 11 août 1999. Elle fut totale dans le Nord de l’Alsace et presque totale à Rouffach, mais là, les conditions météorologiques n’étaient pas tout à fait optimales. Certains d’entre nous avaient anticipé ces circonstances et se sont déplacés vers la Champagne où un ciel plus dégagé leur a permis d’apprécier dans tout son déroulement le spectacle de la Lune cachant petit à petit le Soleil en fin de matinée.
Parmi les astronomes, on trouve des chasseurs d’éclipses : ceux-là n’hésitent pas, lorsqu’une éclipse de Soleil est annoncée, à prendre l’avion pour se rendre sur l’étroite bande que parcourt l’ombre de la Lune portée sur la surface de la Terre. Ils y déploient alors leur matériel optique et photographique avec l’espoir de capturer quelques belles images du rendez-vous céleste.
L’astronome rouffachois Johannes Remus Quietanus était un chasseur d’éclipses du XVIIe siècle. N’ayant pas les facilités de déplacement de nos contemporains, il collectionnait les comptes-rendus d’éclipses observées par d’autres astronomes de son époque et il s’évertuait aussi à prévoir les éclipses pour les années à venir. Dans son Restitutio universalis motuum caelestium de 1615, on trouve les descriptions de dix éclipses de Lune et dix éclipses de Soleil, dont certaines sont fameuses : en voici quelques morceaux choisis…
Dans son Restitutio universalis motuum caelestis, Remus Quietanus présente un tableau des coordonnées géographiques de diverses villes d’Europe ou au-delà qui sont liées à ses activités astronomiques, soit parce qu’il y a résidé, soit parce qu’il dispose de comptes-rendus d’observations notoires qui y ont été faites. La confrontation de ces chiffres avec les valeurs actuelles fournies par le GPS nous permettra de revenir sur l’histoire de la difficile détermination des longitudes. Nous évoquerons aussi quelques questions relatives à la cartographie qui nous ramèneront à l’énigme de la carte géographique du cadran solaire des Récollets de Rouffach.
Le Restitutio universalis de Remus Quietanus
En 2016 un échange avec l’archiviste de la Ville de Rouffach m’a conduit à m’intéresser de plus près à la biographie de notre astronome local Johannes Remus Quietanus.
Nous avions là sur le cadran solaire du couvent des Récollets une représentation peu courante du Système solaire qui devait, croyait-on, commémorer une éclipse de Lune, et à l’intérieur de l’église Ste Catherine de ce même couvent, la tombe de l'épouse de celui qui (c’était une première mondiale) a observé un transit de Mercure en 1631 à Rouffach.
Depuis lors, j’ai vainement essayé de trouver une connexion entre ces deux sujets d’étude : la fresque astronomique des Récollets et la biographie de l’astronome local, mais hormis cette coïncidence géographique et chronologique, je n’ai pas trouvé d’autre relation jusqu’ici. Dans cette quête, je demandais à la Ville d’acquérir une copie numérisée d’un manuscrit que Remus Quietanus avait rédigé en 1615, alors qu’il était élève de Christoph Grienberger au Collège de Rome : le Restitutio universalis motuum caelestium. Le déchiffrage de ce fascicule, le plus scientifique que Quietanus nous ait laissé, ne m’a pas permis de valider mon hypothèse, mais il nous donne l’occasion de faire plus ample connaissance avec l’auteur et de mesurer ses connaissances et compétences en Astronomie. Quelques autres articles reviendront sur cette étude.
Jacques Mertzeisen
Illustration : Simulation de la position de la Comète de Halley le 2 octobre 1607 (ou 22 septembre du calendrier julien), © logiciel Stellarium 0.20.1.
La « Gründliche Beschreibung des Montrosischen Sternes… » (description précise de l’étoile monstrueuse…) est le premier écrit connu de Remus Quietanus. Il date de 1607, bien avant que l’auteur ne vienne s’établir à Rouffach [1]. C’est le seul écrit qu’il signe de son nom de naissance, Rudrauf. En 1607, Johann vit en Thuringe, un pays protestant. Le fils du pasteur Rudravius a évidemment bénéficié d’une éducation luthérienne, aussi ne faudra-t-il pas s’étonner si dans son premier traité, l’Église catholique et le Pape seront vilipendés. Johann est âgé de 19 ans quand cette comète apparaît dans le ciel de l’été. Il rédige ses observations et leur interprétation astrologique sur un ton péremptoire, voire sentencieux, fortement influencé par les écrits de Paracelse qu’il a dû étudier.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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