Une mère confiant son enfant à un "tour d'abandon." Au-dessus d'elle, une poignée pour actionner la clochette destinée à prévenir la sœur tourière... Gravure anonyme XIXème siècle.
Dans l’article Quelques compléments à l’histoire du prieuré du saint Esprit de Rouffach, le dernier paragraphe évoquait Marie Elisabeth, une petite orpheline confiée aux religieux de l’Ordre du Saint Esprit. A Rouffach, Marie Elisabeth, n’est pas un cas isolé d'enfant confié à la charité publique: les protocoles des sessions du conseil relèvent régulièrement des cas d’abandon d’enfants « exposés ».
Au XVIIIème siècle, l’abandon d’enfants était devenu un fait de société qui dépassera rapidement les possibilités d’accueil des maisons, incapables de rétribuer des nourrices compétentes. L'accueil et la prise en charge de ces délaissés aurait dû empêcher l’infanticide et l’avortement, mais eurent pour conséquence malheureuse la multiplication des abandons. Les structures d’accueil se trouvèrent dans l’incapacité d’absorber l’afflux des orphelins et, à la mortalité infantile des nouveau-nés, s’ajoutera celle des enfants recueillis…
Rouffach ne semble pas avoir disposé d’un tour d’abandon, cette sorte de boite rotative dans laquelle les mères laissaient de manière anonyme leur bébé qui était pris en charge, de l’autre côté du mur… L’enfant était déposé, simplement, emmaillotté, sur un banc ou sur le seuil d’une porte.
Fragment du Plan local du ci-devant couvent des Récollets à Rouffach
18 Messidor de l'An II de la République A.D.H.R. 1Q / 455
Rappel: pour agrandir les images, il suffit de cliquer une fois sur l'image. Un second clic permettra de voir encore plus de détails.
Le plan ci-dessus a été dressé le 6 juillet 1794 par Ritter pour la vente aux enchères publiques des domaines nationaux de Rouffach. Un premier dessin, très complet, représente un plan au sol du site des Récollets, avec l'église, le cloître et sa cour, le réfectoire, la cuisine, la pharmacie, la cave, etc. Un second représente l'étage, avec les "chambres", les anciennes cellules des religieux et une coupe de la galerie du cloître et de l'étage...
L'église Sainte Catherine du couvent des Récollets, les maisons, dépendances, jardins et cimetière, déclarés Domaines nationaux avaient fait l'objet d'une première vente le 11 mai 1792 à l'issue de laquelle l'ensemble fut adjugé à Ignace Schneider pour 14.500 livres. Mais faute d'avoir acquitté les premiers à-comptes de vingt pour cents, le bien sera vendu "à la folle enchère" et adjugé définitivement, le 7 mai 1793 pour 14.500 livres à Joseph Riss et joseph Frey.
Le peuple ployant sous la charge des impôts Musée Carnavalet, eau forte colorée 18ème siècle
… adjudication au plus offrant et dernier enchérisseur, des droits et revenus des revenus de la Ville…
Les fermiers dont il sera question dans cet article ne sont pas des agriculteurs ou des éleveurs, mais des collecteurs d’impôts. La perception de l’impôt, taxes, amendes, droits, ... dus par la communauté, est amodiée à un fermier, qui avance, sur ses fonds propres, la somme totale des impôts à recouvrer. Puis, ce fermier collecte lui-même, avec l’aide de commis, les impôts affermés, pour récupérer son avance : ce système procure à la ville des liquidités immédiates et permet, on s’en doute, des bénéfices substantiels pour le fermier, qui ne se prive pas de surtaxer les contribuables.
La maison de Melchior Ginter, bourreau de Rouffach
Bien qu’il jouisse de certains privilèges et bénéficie de conditions matérielles meilleures que celle des basses classes, l’ostracisme vécu au quotidien par l’exécuteur des hautes et des basses œuvres et sa famille était puissant. Le bourreau était logé en marge de la ville, à l’écart de la société et exclu de la vie sociale et bourgeoise. Haï et redouté de tous, sa fonction en a fait un intouchable craint par la société.
Cet isolement du bourreau et de sa famille a conduit progressivement à des alliances entre familles de bourreaux, donnant naissance à de véritables dynasties et la charge est devenue héréditaire.
A Rouffach s’est formée une telle dynastie qui remonte à la fin du 16ème siècle, celle des Ginter ou Günter (souvent également orthograhié Ginther ou Günther) qui s’éteindra peu après la Révolution avec le dernier bourreau de la ville, Gervais Seitler.
Récolte de pommes de terre, huile sur toile, Jules Bastien LEPAGE 1879,
National Gallery of Victoria Melbourne. (image Wikipedia)
Si la pomme d’Or fut dans l’Antiquité une source de discorde qui conduisit à la guerre de Troie, les pommes de Rouffach, qui n’étaient pas d’Or mais de simples pommes de terre, n’en causèrent pas moins un sacré remue-ménage dans la cité !
De quoi s’agit-il ?
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
Cette page contient des liens vers des outils et sites partenaires autour de la paléographie, l'histoire et l'Alsace.
© 2023 Obermundat