La maison de Melchior Ginter, bourreau de Rouffach
Bien qu’il jouisse de certains privilèges et bénéficie de conditions matérielles meilleures que celle des basses classes, l’ostracisme vécu au quotidien par l’exécuteur des hautes et des basses œuvres et sa famille était puissant. Le bourreau était logé en marge de la ville, à l’écart de la société et exclu de la vie sociale et bourgeoise. Haï et redouté de tous, sa fonction en a fait un intouchable craint par la société.
Cet isolement du bourreau et de sa famille a conduit progressivement à des alliances entre familles de bourreaux, donnant naissance à de véritables dynasties et la charge est devenue héréditaire.
A Rouffach s’est formée une telle dynastie qui remonte à la fin du 16ème siècle, celle des Ginter ou Günter (souvent également orthograhié Ginther ou Günther) qui s’éteindra peu après la Révolution avec le dernier bourreau de la ville, Gervais Seitler.
Récolte de pommes de terre, huile sur toile, Jules Bastien LEPAGE 1879,
National Gallery of Victoria Melbourne. (image Wikipedia)
Si la pomme d’Or fut dans l’Antiquité une source de discorde qui conduisit à la guerre de Troie, les pommes de Rouffach, qui n’étaient pas d’Or mais de simples pommes de terre, n’en causèrent pas moins un sacré remue-ménage dans la cité !
De quoi s’agit-il ?
Grandes Chroniques de France, Robinet Testart enlumineur 1471
image Bibliothèque Nationale de France (BnF)
Les archives municipales de Rouffach conservent plusieurs documents relatifs aux corporations et confréries. Les plus anciens sont rédigés sur parchemin, comme le rotulus de 1499 qui renouvelle les statuts et le règlement de la tribu des vignerons, A la Fleur de Lys. Le système des corporations restera en place jusqu’à la suppression de celles-ci à la Révolution française. Je vous propose dans cet article les règlements et statuts de la corporation des maîtres maçons, tailleurs de pierre et charpentiers, rédigés en novembre 1749 signés par Armand, prince de Rohan Soubise, dans leur version en langue française, traduite de l'original en allemand, par l'avocat secrétaire interprète au Conseil Souverain d’Alsace, REUBEL, le 25 juin 1751. Jean Reubel est le père de Jean François Reubell, l'"Alsacien de la Révolution Française", (1747-1807), né et mort à Colmar.
Le texte paraîtra peut-être un peu long, mais il se lit bien. Les articles de ce règlement de la fin du 18ème siècle, à quelques années près, la fin de l'ancien régime, rappellent les premiers règlements que le lecteur a pu lire dans les pages d'obermundat.org, ceux du quinzième et du seizième siècle: peu de choses ont changé au cours des siècles, on retrouve dans les uns et les autres de très nombreux articles similaires... Organisation professionnelle à l'origine, créée pour structurer, définir les règles et défendre une profession, la corporation deviendra, au fil du temps, une force sociale, politique et militaire qui ne cessera de s'accroître ...
J'ai reproduit le texte dans son intégralité, j'ai rajouté les titres et les notes en caractère gras et italique.
Bonne lecture!
Gérard Michel
Dans un article publié le 12 juillet 2018 intitulé Confrérie des compagnons boulangers, cordonnier et meuniers 1492, j'avais proposé en fin d'article, sous le paragraphe ' Pour les amateurs de paléographie les photographies des 4 pages du document original. Récemment, une lectrice, Madame M-F. K. m'a contacté pour me demander si je pouvais lui faire parvenir la transcription de ce texte. Comme tout devoir mérite une correction, voici la transcription de ce document, qui pourra ainsi profiter à tous les lecteurs.
Le lecteur retrouvera le texte original avec les photos du document, dans l'article mentionné ci-dessus, en cliquant sur le lien en rouge.
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Un peu de vocabulaire avant de commencer :
La compagnie des tireurs est à Rouffach une institution ancienne dont on trouve les premières traces dans les archives en 1539, mais qui remonte sans doute à bien plus loin. Rappelons que pour être bourgeois à Rouffach il fallait pouvoir justifier la propriété d’une pièce d’armement, maintenue en parfait état, pour pouvoir assurer la défense des portes et des murs en cas de nécessité. Celui qui pouvait s’acheter une arquebuse, un mousquet ou un fusil peut avoir envie de s’en servir… et de nombreux règlements édictés par le Magistrat rappellent l’interdiction de se servir des armes à feu lors de festivités telles des baptêmes ou des mariages, à cause du danger que ces tirs représentent. On conçoit aisément que pour canaliser l’enthousiasme des tireurs, les autorités ont permis, voire encouragé, la création d’associations qui allaient pouvoir s’adonner à leur passion de manière réglementée.
Car c’est bien de passion qu’il s’agit et cette compagnie n’est pas une milice qui ne s’entraînerait que pour la seule défense de la ville. Les textes nous présentent une association de compagnons, Gesellen, qui se retrouvent sur leur terrain d’exercice pour mesurer leur adresse entre eux, au tir bien sûr, mais aussi à des jeux auxquels les règlements de police de la ville les autorisent, comme les jeux de quilles et les jeux de dés ! Un privilège rare, puisque ces jeux étaient habituellement sévèrement réglementés et même interdits !
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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