Page du carnet de notes de P.P. Faust dans lequel il avait relevé les marques de tailleurs de pierre qu'il avait découvertes dans l'église de Rouffach...
Dans mon travail pour le projet Rubiacum, je me suis attelé à la lecture, la transcription, la traduction et l'analyse des documents d'archives se rapportant aux métiers du bâtiment, maçons, charpente et taille de pierre. Dans cet article, je propose aux lecteurs quelques courts textes, conservés aux archives de Rouffach, dans lesquels il est question de la réception des apprentis, des compagnons et des maîtres dans les corporations de l'Obermundat.
Sources:
A.M.R. HH 38 (1688- 1719)
Protocoles de la corporation des maçons, tailleurs de pierres et charpentiers, contenant les réceptions à l’apprentissage, au compagnonnage et à la maîtrise, ainsi que des procès-verbaux de fin d’apprentissage…
A.M.R. HH 41 (1725-1751)
Règlement et statuts des maîtres maçons, charpentiers et tailleurs de pierre de Rouffach et de l’Obermundat.
L’entrée en apprentissage, pour une durée de trois ans, et la fin de l’apprentissage, suivent un rituel immuable qui se déroule en présence du maître et de représentants de la corporation, maîtres, assesseurs et trésorier. Dans ce protocole d’entrée en apprentissage, sont signifiés au postulant ses devoirs et ses obligations. Au préalable, la profession a exigé son certificat de baptême, et a vérifié ses origines et l’honorabilité de sa famille (pas de bâtards ni de fils de professions honteuses comme celle de bourreau ou d’éboueur…). Le jeune homme s’engage pour trois années d’apprentissage, il est logé chez son maître et son épouse qui le surveillent étroitement : « il est signifié à l'apprenti qu'il doit se comporter en tout temps de manière fidèle, honnête et assidue, vivre dans la crainte de Dieu et ne pas s'absenter de la maison à l’insu du maître ou à celui de son épouse, que ce soit de jour ou de nuit, ni fréquenter les mauvaises compagnies et s'adonner aux jeux et autres vices ». Le maître, quant à lui, s’engage à lui apprendre le métier. A l’issue de ses années d’apprentissage, le jeune homme sera libéré de ses engagements et déclaré compagnon, au cours d’une autre cérémonie officielle, die Ledigsprechung par laquelle le maître et l’apprenti se déclarent libérés des engagements qu’ils ont contractés au moment de l’Aufdingung, la cérémonie d’admission à l’apprentissage.
Les frais d’apprentissage sont réglés en livres « stebler », c’est-à-dire en monnaie bâloise. La livre Stebler vaut 20 schillings ou 240 pfennig.
Une autre monnaie qu’on trouve dans les documents ci-dessous est Wax, une orthographe de Wachs qui désigne la cire d’abeille. Cette cire, produit rare et cher, peut payer une amende, peut servir de monnaie d’échange mais elle servira surtout aux célébrations religieuses des corporations et des confréries, assemblées générales avec messes, vêpres et vigiles à l’église paroissiale, messes anniversaires pour les défunts, …
Le lecteur trouvera ci-dessous quelques exemples de procès-verbaux, suivis à chaque fois de leur traduction… Pour les traductions, je me suis servi de l’I.A. gemini, qui ne connait évidemment pas Wax, Bixengesell, ni Aufdingung, Mitgelith ou Ledigsprechung… mais il apprend très vite et retient bien ce qu’il apprend !
Nous sommes nombreux à avoir suivi les différentes phases du chantier de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Un chantier hérissé de grues, enveloppé de centaines de tonnes de tubes d’acier des échafaudages, et nous nous sommes tous posé la même question : mais comment avaient-ils fait il y a 850 ans pour construire un tel édifice ? Le pari était, dès le lendemain du terrible incendie du15 avril 2019 , de rendre la cathédrale à sa ville et à ses fidèles en cinq ans, - il avait fallu deux siècles pour la terminer -, en utilisant, le plus souvent possible, les matériaux, les techniques et parfois les outils utilisés par les bâtisseurs du Moyen-Âge… Il a fallu redécouvrir et s’approprier les gestes des tailleurs de pierre, sculpteurs, maçons, charpentiers, couvreurs… médiévaux. L’incendie de Notre-Dame et sa reconstruction ont permis aux scientifiques, chercheurs, architectes et archéologues du bâti d’accéder à des secteurs qui n’avaient jamais été étudiés, et de découvrir des secrets de la construction de la cathédrale, comme l’utilisation massive du fer, dès le début du chantier en 1163.
Les maîtres bâtisseurs du Moyen-Âge ont laissé peu de témoignages sur la construction de nos églises et cathédrales : de rares plans et dessins comme ceux conservés de la cathédrale de Strasbourg (du 13eme siècle au 16eme siècle), des carnets de croquis, des devis et des marchés, mais très peu sur les techniques mises en œuvre...
Les archives consultées n’ont pas permis jusqu’à ce jour de percer des secrets de constructions inédits dans notre église de Rouffach. D’importants travaux de reconstruction et de construction y ont été effectués au cours du XIXème siècle, mais les architectes d’alors, n’ont pas laissé, semble-t-il, de rapports sur d’éventuelles découvertes… Les travaux actuels, eux, font l’objet de relevés et d’études qui devraient être communiqués à l’issue des différentes tranches.
Mais un regard attentif permet, en nous promenant autour de notre église et en levant les yeux, non pas de découvrir des secrets, mais de retrouver quelques traces de l’époque de la construction de l’église, aux 13ème et 14ème siècle par ceux qui l’ont érigée : des trous ...
Les échafaudages ont disparu, les espaces du chœur et de l’abside sont libérés et les voûtes restaurées s’offrent à nouveau à la vue… La tenture trompe - l’œil qui fermait le chœur a disparu et l’édifice a retrouvé son acoustique d’avant.
Il reste encore à décrasser, réparer, consolider et fixer le décor peint du bas du chœur et à combler les lacunes, dues aux infiltrations, au salpêtre et à de multiples accidents. A certains endroits, la peinture s’écaille et une curiosité toute naturelle a poussé les restaurateurs à découvrir ce qui pouvait apparaître sous la couche picturale des décors du dix-neuvième siècle…
Des surprises les attendent, peut-être…
La seconde partie du registre détaille les dépenses liées aux réparations de bâtiments de l’ordre, de l’église et à la construction d’un « thürnlein », littéralement petite tour sur l’église, que je traduis par clocheton plutôt que tourelle, et qui abrite une cloche et porte un bouton doré surmontée d’une croix dont les branches sont décorées d’un croissant de lune et d’une étoile.
Il ne nous est parvenu aucune représentation de cette église et les quelques détails que nous livrent les comptes de Jacob Anshelm et ceux d’une nouvelle campagne de travaux en 1614 qui s’élèveront à 1140 livres, 2 schillings et 2 deniers (GG 58) ne permettent malheureusement guère d’imaginer à quoi pouvait ressembler cette église.
Mais peut-être trouvera-t-on un jour une gravure ou un document décrivant le site?
Les travaux de la voûte sont terminés, toute la structure en pierre apparente a été nettoyée et le grès des carrières de Rouffach, débarrassé des couches de crasse accumulées au long des années, a retrouvé sa lumineuse blondeur d'origine. Le décor sculpté, celui des quatre consoles, du jubé et de l'armoire eucharistique a été minutieusement restauré. Les échafaudages seront démontés courant février et il ne reste plus qu'à nettoyer, consolider et restaurer le décor peint de la partie basse du chœur.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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