Dans une vie, on n'a que rarement la possibilité de s'approcher de très près d'un détail architectural, d'une clé de voûte ou des sculptures d'un chapiteau pour en examiner les moindres détails. On m’a offert cette possibilité de suivre le chantier de restauration du chœur de notre église. C'est une merveilleuse occasion de rencontrer les artisans de cette magnifique entreprise et de voir de près ce que je n'avais pu apercevoir jusque-là que de loin aux jumelles ou au téléobjectif.
La restauration extérieure du chevet est désormais terminée et les travaux portent maintenant sur la restauration intérieure. D’imposants échafaudages et une vaste plateforme permettent l’accès à toutes les parties de l’édifice. Les quatre consoles du chœur, les décors peints de la voûte sont à portée de mains des restauratrices et restaurateurs qui s’emploient à les dépoussiérer et à les débarrasser des badigeons et des enduits antérieurs.
J’ai pu m’entretenir avec Carla Labouré Almeida, créatrice avec son époux Martin Labouré de Mescla Patrimoine, tous deux experts en restauration du patrimoine. Sur la plateforme, au sommet des échafaudages, Maxime (décor peint), dépoussière le décor peint de la voûte (la couleur bleue des voûtains). Carla quant à elle, termine le nettoyage des quatre consoles basses et vient d'entamer la minutieuse restauration de la première clé de voûte ouest du chœur.
Il n’est évidemment pas possible d’ouvrir cet espace au public. Aussi, je partage avec plaisir avec les lecteurs d’obermundat.org les découvertes que l’on m’a permis de faire et les quelques commentaires qu’elles m’inspirent : on ne peut pas garder de tels moments de découverte et de bonheur pour soi !
Moine cellérier goûtant le vin / fin XIIIème siècle © Britisch Library Londres
Cet article complète un premier article paru sur le même document : Règlement de la Ville de Rouffach sur la manière de cultiver la vigne Le premier texte qui donne des renseignements précis sur les travaux dans les vignes et les techniques de culture se trouve dans un cahier des droits et coutumes de la ville 1343 - 1527 Ordnung der Stat Rufach die Reben zu buwen daté de 1511(?). Ce règlement précise les salaires qui doivent être versés aux ouvriers pour les travaux à effectuer dans les vignes aux différents moments de l’année. Ces salaires varient selon les travaux, selon la saison et aussi selon qu’il s’agit d’un Knecht ou d’un Knabe [1]:
Saint Urbain bas-relief n° 23 rue C.I. Callinet
En vue d'un Master II, à l’Institut d’histoire d’Alsace en 2013, j’avais entrepris une recherche sur la viticulture en Alsace et bien sûr, je me suis intéressé à la vigne et au vin à Rouffach. J’ai repris ce travail plus tard et j’ai présenté, en juin 2015, une causerie à un « Stammtich » à Rouffach et en septembre 2017 une conférence pour les Mémoires du Kukuckstein, sous le titre Du cep à la cruche, histoire du vin et du vignoble dans le bailliage de Rouffach. Depuis, le dossier s’est encore étoffé, et je voudrais en partager quelques pages avec les lecteurs d’Obermundat…
De tout temps les limites des propriétés communales ont été sources de conflits entre communautés voisines. Les archives des communes forestières débordent de procès-verbaux d’arpentages, de plaintes, de recours, de jugements et d’appels au sujet d’usurpations de propriété, de droit de glandée ou de pâturage, de droits de passage, déplacement de bornes, etc. Le domaine forestier de Rouffach n’y échappe pas. Au cours des siècles, au gré des acquisitions, héritages, échanges, donations, les limites de propriété changent, et des parcelles, parfois importantes, se trouvent enclavées et dépourvues de voies d’accès appropriées.
Pour limiter les contestations, les forêts communales font l’objet de visites régulières auxquelles sont conviés des représentants des communautés riveraines. Les bornages sont vérifiés et refaits ou corrigés, de nouvelles bornes sont posées, si nécessaire. Souvent, les limites sont marquées par des arbres remarquables ou des arbres-lisières, Loch Bäume, frappés du marteau forestier. Tout est soigneusement relevé et noté dans des procès-verbaux, parfois accompagnés d’un rapide croquis ou de plans plus élaborés.
La cour dimière épiscopale de Rouffach
Avant l'ère du plastique, de la fibre de verre et de l'acier inox qui s'est installée dans beaucoup de nos caves, les corporations faisaient une distinction extrêmement sévère entre les artisans qui fabriquaient les différents contenants utilisés par les vignerons: les dictionnaires des frères Grimm et celui d'Adelung font ainsi la distinction entre Küeffer, Bötticher, Böttcher, Kübler, Fassbinder, Grossbinder, Schwartzbinder, Kleinbinder, etc. Le vin était, avec les céréales, une denrée précieuse, une part importante dans la consommation quotidienne des gens du peuple et une source de revenus importante pour ceux qui en prélevaient la dîme, le seigneur du lieu et les nombreuses maisons religieuses qui étaient possessionnées à Rouffach. Il était donc essentiel de veiller soigneusement à son élaboration et à sa conservation et la bonne qualité des tonneaux, cuves, bottiches, fûts, foudres jouaient là un rôle primordial.
Le sujet de l'article est un règlement qui fixe les droits et les devoirs du Zehenthoff Küeffer, un titre conféré par la haute autorité de l'Obermundat, l'évêque de Strasbourg à l'homme qui sera chargé d'une fonction essentielle, celle d'entretenir les tonneaux de la cave dimière de l'évêque, mais aussi et surtout de surveiller la maturation et l'évolution du vin, denrée précieuse, s'il en est. Une fonction multiple, celle de tonnelier de la cour dîmière, certes, mais aussi et surtout celle de responsable de cave, caviste, maître de chai, dirions-nous aujourd'hui.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
Cette page contient des liens vers des outils et sites partenaires autour de la paléographie, l'histoire et l'Alsace.
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