Découvrez l'Alsace d'autrefois avec l'histoire de Rouffach, capitale de l'Obermundat.
Contrepoids de pressoir (chevet de l'église de Rouffach)
Depuis quelques années je prends note, au hasard de mes déplacements, des « trottstein » que je rencontre de plus en plus souvent depuis que j’y prête attention.
La forme est en effet facilement reconnaissable. Ce sont des pierres taillées en cône tronqué, hautes le plus souvent de 75 cm à 100 cm, le diamètre à la base autour de 130 cm. Deux, parfois quatre, entailles en queue d’aronde sont pratiquées sur le pourtour tandis qu’un orifice vertical y est ménagé. La fonction de ces objets est connue : ce sont des pierres contrepoids de pressoir à arbre (Trott = pressoir en Alsace, dans la région du lac de Constance). Les dénominations pressoir « à levier », « à balancier », « à arbre » sont considérées ici comme équivalentes, la dernière citée étant la plus proche du terme dialectal Oberbaumtrotte.,
image Wikipedia
Journal l’Alsace mercredi 22 février 1989
L'ancienne splendeur de Rouffach se reflète dans son patrimoine architectural. Ancienne capitale des possessions des princes- évêques de Strasbourg en Haute-Alsace on ne s'étonnera pas d'y trouver quelques édifices dignes de son rang. L'art de bâtir de ses maîtres d’œuvre vaut à notre cité le surnom de « Ville de la Renaissance », Renaissance qui fut en effet l'âge d'or de Rouffach. Parmi les témoins de cette époque l'ancien hôtel de ville est le plus marquant. Situé favorablement dans le cadre monumental qui entoure la place de la République, entre la tour des Sorcières et l'ancienne maison de recette du grand chapitre de la cathédrale de Strasbourg (presbytère), il capte le regard du visiteur par ses pignons à volutes. A première vue il semble appartenir à une même époque. Cependant, près d'un siècle et demi sépare les deux éléments qui forment le bâtiment actuel.
Page du carnet de notes de P.P. Faust dans lequel il avait relevé les marques de tailleurs de pierre qu'il avait découvertes dans l'église de Rouffach...
Dans mon travail pour le projet Rubiacum, je me suis attelé à la lecture, la transcription, la traduction et l'analyse des documents d'archives se rapportant aux métiers du bâtiment, maçons, charpente et taille de pierre. Dans cet article, je propose aux lecteurs quelques courts textes, conservés aux archives de Rouffach, dans lesquels il est question de la réception des apprentis, des compagnons et des maîtres dans les corporations de l'Obermundat.
Sources:
A.M.R. HH 38 (1688- 1719)
Protocoles de la corporation des maçons, tailleurs de pierres et charpentiers, contenant les réceptions à l’apprentissage, au compagnonnage et à la maîtrise, ainsi que des procès-verbaux de fin d’apprentissage…
A.M.R. HH 41 (1725-1751)
Règlement et statuts des maîtres maçons, charpentiers et tailleurs de pierre de Rouffach et de l’Obermundat.
L’entrée en apprentissage, pour une durée de trois ans, et la fin de l’apprentissage, suivent un rituel immuable qui se déroule en présence du maître et de représentants de la corporation, maîtres, assesseurs et trésorier. Dans ce protocole d’entrée en apprentissage, sont signifiés au postulant ses devoirs et ses obligations. Au préalable, la profession a exigé son certificat de baptême, et a vérifié ses origines et l’honorabilité de sa famille (pas de bâtards ni de fils de professions honteuses comme celle de bourreau ou d’éboueur…). Le jeune homme s’engage pour trois années d’apprentissage, il est logé chez son maître et son épouse qui le surveillent étroitement : « il est signifié à l'apprenti qu'il doit se comporter en tout temps de manière fidèle, honnête et assidue, vivre dans la crainte de Dieu et ne pas s'absenter de la maison à l’insu du maître ou à celui de son épouse, que ce soit de jour ou de nuit, ni fréquenter les mauvaises compagnies et s'adonner aux jeux et autres vices ». Le maître, quant à lui, s’engage à lui apprendre le métier. A l’issue de ses années d’apprentissage, le jeune homme sera libéré de ses engagements et déclaré compagnon, au cours d’une autre cérémonie officielle, die Ledigsprechung par laquelle le maître et l’apprenti se déclarent libérés des engagements qu’ils ont contractés au moment de l’Aufdingung, la cérémonie d’admission à l’apprentissage.
Les frais d’apprentissage sont réglés en livres « stebler », c’est-à-dire en monnaie bâloise. La livre Stebler vaut 20 schillings ou 240 pfennig.
Une autre monnaie qu’on trouve dans les documents ci-dessous est Wax, une orthographe de Wachs qui désigne la cire d’abeille. Cette cire, produit rare et cher, peut payer une amende, peut servir de monnaie d’échange mais elle servira surtout aux célébrations religieuses des corporations et des confréries, assemblées générales avec messes, vêpres et vigiles à l’église paroissiale, messes anniversaires pour les défunts, …
Le lecteur trouvera ci-dessous quelques exemples de procès-verbaux, suivis à chaque fois de leur traduction… Pour les traductions, je me suis servi de l’I.A. gemini, qui ne connait évidemment pas Wax, Bixengesell, ni Aufdingung, Mitgelith ou Ledigsprechung… mais il apprend très vite et retient bien ce qu’il apprend !
L'Ombach en juin 1962 (photo G.M.)
A.M.R. DD 28 26 juillet 1752
Extrait du greffe de la ville de Rouffach
Note : j’ai conservé l’orthographe du document original…
Un article sur le même sujet et documenté par le même extrait du greffe de la Ville de Rouffach a été publié dans ces pages le 28 décembre 2017.
Pourquoi republier le même article ? D’abord parce que sept ans et quelque mois c’est long, qu’on a eu le temps d’oublier et qu’il est toujours bon de se rappeler. Ensuite, parce que j’ai complété le texte avec d’autres documents sur le même sujet conservés aux A.M.R. qui ont permis d’ajouter quelques informations intéressantes.
Enfin, cet inventaire descriptif des bâtiments, des maisons, ponts, portes, murs, fontaines… pourrait inviter les rouffachois et visiteurs de passage à une flânerie printanière dans les rues et ruelles de leur cité à la recherche de son passé, une espèce de restitution virtuelle du Rouffach du milieu du 18ème siècle : suivre le tracé des remparts, suivre le tracé de l’Ombach et passer les ponts qui l’enjambaient, découvrir l’animation du marché, aux grains, aux oignons, aux chevaux… s’attarder devant les étals sous les arcades du Kauffhaus ou de la Halle aux grains, découvrir les riches sculptures du tympan de l’église, passer les portes de la Ville… Rouffach dévoile ses secrets, au fil d’une promenade chargée d’histoire.
Nostalgie ? Non, pas du tout. Se nourrir du passé et du patrimoine est essentiel pour construire un présent riche de sens et de créativité : l’histoire véhicule des valeurs, des savoirs et des savoir-faire qui peuvent orienter nos choix présents et futurs…
Qui s'intéresse à l'histoire de l'Alsace, chercheur ou amateur, se heurte rapidement à un obstacle de taille: la langue. L'histoire de notre province fait qu'une grande partie des documents et ouvrages qui lui serviraient dans ses recherches sont rédigés en allemand. Avec de surcroit, des spécificités paléographiques, depuis les écritures médiévales dites "gothiques" jusqu'à la Sutterlin Schrift de la première moitié du 20ème siècle.
Je m'intéresse depuis quelque temps à Suntheim, village disparu au sud de Rouffach, dont il a été souvent question dans ces pages. Outre les documents originaux conservés aux archives municipales de Rouffach (A.M.R.) je consulte également la bibliographie sur le sujet, dans laquelle figurent les ouvrages incontournables de Théobald Walter. Th. Walter a travaillé sur l'histoire des ordres religieux implantés à Rouffach et en particulier sur celle des Chevaliers de l'Ordre teutonique de Suntheim-Rouffach pour son ouvrage publié en 1898, ... en allemand.
Les moyens informatiques actuels et les possibilités de l'I.A. permettent aujourd'hui de lire les documents imprimés et de les traduire dans la langue qu'on souhaite. Je propose ici au lecteur peu familier de la langue allemande, une traduction réalisée avec l'I.A. Gemini de Google, soigneusement relue et corrigée: l'intelligence artificielle n'est pas infaillible, le lecteur voudra bien me signaler d'éventuelles coquilles que j'aurais oubliées.
Ce texte est une approche du sujet, Walter est clair sur ce point, et il faut le replacer dans son époque. D'autres ont traité le sujet depuis, en particulier Pierre Paul Faust, archiviste et historien de Rouffach, qui en était devenu un grand spécialiste...
Der Deutsche Orden im Elsaß, Geschichte und Spuren der elsässischen Ordensniederlassungen, besonder der Kommende Rouffach-Suntheim
Faust Pierre Paul (1996) in Der Deutsche Orden und dei Ballei Elsass- Burgund p. 245-270
Le texte sur lequel j'ai travaillé est un scanner de l'ouvrage complet de Walter, réalisé par une université de ... Californie et publié sur le Web: c'est dire la renommée transatlantique de Rouffach, Suntheim et Th. Walter ...
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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