Dans le registre des lettres N°59 du Conseil de Nuremberg, conservé aux archives du district de Nuremberg, on trouve au folio 165 le brouillon (projet) d'une lettre datée du 26 juin 1507, adressée au prieur du monastère bénédictin de Rouffach. Cette lettre, remise à un citoyen démuni de Nuremberg nommé Michel MURNER, avait pour but de lui obtenir l'admission dans l’hôpital rattaché à ce monastère. Cet hôpital, fondé en l'honneur de saint Valentin, accueillait grâce à de pieuses fondations les personnes atteintes d'épilepsie.
Elsässisches Wallfahrtsbild um 1480
Personne n'ignore, au moins l'espère-t-on, qu'il existait à Rouffach jusqu'à la fin du 18ème siècle, au pied du château d'Isenbourg, un prieuré bénédictin mentionné pour la première fois en 1183, mais probablement plus ancien, qui devint rapidement un lieu de pèlerinage célèbre à travers l’Europe d’alors : il accueillait les épileptiques et leur famille qui venaient prier et implorer la guérison de leur mal devant les reliques de saint Valentin. Au 15ème siècle, on construisit un hôpital spécialisé pour l'accueil et les soins de épileptiques qui aurait même été le premier de ce type. L'hôpital ferma au siècle suivant et le site disparut avec la Révolution française. Il n'en reste aujourd'hui que le souvenir : une rue, la rue du Prieuré, un grand vitrail représentant saint Valentin dans l'absidiole du transept sud de l’église paroissiale et, dans la même absidiole, un buste-reliquaire en bois doré du 18ème siècle, représentant saint Valentin, provenant de l'ancien prieuré. Sans oublier une grande toile en attente de restauration, Saint Valentin et l'épileptique, provenant elle aussi du même prieuré.
Buste reliquaire de saint Valentin, évêque et martyr, église Notre-Dame de Rouffach
Au moment de la fondation du pèlerinage, les moines avaient obtenu de l’évêque de Strasbourg l’autorisation de recueillir des aumônes, soit sur place à la chapelle, soir au cours de tournées de quêtes dans le diocèse. Des moines quêteurs parcouraient ainsi les villes et villages du diocèse de Strasbourg et progressivement étendirent leur tournée aux diocèses de Bâle et même celui de Constance. Ces expéditions procuraient au prieuré les ressources nécessaires et faisaient connaître au loin les miracles et les guérisons d’épileptiques.
La notoriété du pèlerinage était telle que l'empereur Frédéric III avec son fils Maximilien et plusieurs princes électeurs, avait lui-même fait un pèlerinage à Rouffach pour vénérer Saint-Valentin. L'empereur Maximilien lui-même, le 18 mars 1507, prit sous sa protection spéciale le monastère et l'hôpital de Rouffach et se rendit lui-même en pèlerinage avec sa cour en 1511.
Le lecteur trouvera ci-dessous un article du Dr. Louis Pfleger (1932) sur le sujet des quêteurs de Saint Valentin de Rouffach. L'article est en allemand, j'en propose un traduction en français qui sera suivie du texte original en allemand.
L'église Notre-Dame de Rouffach en 1868
Dessin de l'architecte Maximilien Mimey
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Un des plus purs exemples de l’art des empereurs saliens, entre 1024 et 1125…
Au XIème siècle Rouffach possédait une église romane remarquable, un des plus purs exemples de l’art des empereurs saliens [1] Conrad II [2] et Henri III [3]. En cette fin du XIème siècle, la ville était prospère et densément peuplée. Le futur Henri V [4] qui s’était révolté contre son père [5] en 1106, s’installa dans la cité avec toute sa suite et ses soldats. Les bourgeois de Rouffach, mécontents du mauvais comportement de ces hôtes encombrants, se révoltèrent et forcèrent Henri V à fuir la ville, abandonnant dans sa hâte les insignes de sa royauté. Le roi, furieux, jura de détruire la ville. On ignore s’il y est parvenu et si l’église, du dernier quart du XIème siècle, a été épargnée.
L’appel a produit son effet : un lecteur a conservé le premier article publié dans le journal L’Alsace du samedi 15 octobre 1977 et me l’a communiqué ! Merci à Remy Moyses et son inépuisable bibliothèque ...
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Lors des travaux autour de l’église Notre-Dame de Rouffach, des découvertes ont été faites dont l’importance pour la connaissance du passé lointain de la ville mérite d’être soulignée. Depuis un bon nombre d’années, M. Paul Faust, archiviste de la ville, surveille et fouille chaque fois que l’occasion se présente. On soupçonnait bien la très haute antiquité de cette cité, ne serait-ce qu’en analysant son nom. Mais de soupçonner à prouver, il y a un grand pas qu’il n’est pas aisé de franchir. M. Faust réussit peu à peu à démontrer, grâce aux vestiges sortis du sol, que le site de la plus ancienne cité rubéacienne a une origine culturelle bien plus lointaine qu’on a pu le démontrer jusqu’à ce jour.
L’Alsace du mardi 18 octobre 1977
Un ami m'a communiqué cette page du journal L'Alsace que je partage avec les lecteurs d'obermundat.org
Cet article de Hugues Walter fait suite à un premier, sur le même sujet : un lecteur d'obermundat aurait-il conservé le premier article et pourrait-il en faire parvenir une copie pour publication sur obermundat.org ? Merci ... J'ai retranscrit le texte, in extenso, pour une meilleure lisibilité.
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2. Des vestiges à fleur de terre
Disons tout de suite que ce que nous avons mis à jour sur les lieux de fouille dépasse largement ce que nous pensions trouver. Il est inutile de revenir longuement sur l’origine de la découverte dont il a déjà été question dans ces colonnes. Après la restauration de l’ancien hôtel de ville et de ses beaux pignons, il s’agissait de rénover la place (d’r Plàtz) entre Notre-Dame et l’hôtel de ville. C’est une aire de 100 mètres de côté. Dès le début des travaux, le bulldozer mit à jour des pierres tombales. L’archiviste, M. Faust, alerta le maire qui fit immédiatement arrêter les travaux et manifeste depuis lors une extrême compréhension pour les fouilles.
Les services officiels furent également avertis : la Commission départementale des antiquités historiques et le service des monuments historiques à Colmar et Strasbourg qui déléguèrent sur place MM. Pétry, Brunnel et Meyer, auxquels se joignirent des équipes spécialisées. Ils sont évidemment assistés dans leurs recherches par M. Faust, qui veille sur le chantier, éloignant les enfants et tous ceux qui risqueraient de s’aventurer sur le lieu de fouilles en abimant de ce fait des objets ou des tessons.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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