Première intervention sur le terrain, 22 juillet/3 août. Dix jours, dix maisons – ce fut un véritable marathon d’archéologie du bâti pour notre équipe Rubiacum, et qui nous a réservé bien des surprises...
Raffinage du salpêtre, Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, 1768.
Westhalten, cité pour la première fois dans une charte en 1103, était auparavant partagée entre la ville de Rouffach (3/5ème) et Soultzmatt, (2/5ème). Un petit cours d’eau traversait le village et séparait la Stattseite, partie appartenant à la Ville de Rouffach et à l’évêque de Strasbourg, de la Thalseite, partie du côté de la Vallée appartenant à Soultzmatt et au chapitre de Lautenbach.
En 1788, les habitants déclarèrent Westhalten commune autonome et élurent leur propre assemblée, mais le village n’obtint son titre de commune qu’en 1818.
Lorsque, avant la Révolution, un document évoque Westhalten, le nom du village est toujours suivi de la mention Stattseite ou Thalseite … Les affaires concernant la partie rattachée à Rouffach sont instruites et jugées par Rouffach.
Eglise Notre-Dame de Rouffach dans KAUTZSCH, Der romanische Kirchenbau im Elsass (1944)
A DD 28 / 1-c (1776-1777)
La première campagne de Rubiacum est terminée et est au stade de l’analyse et de l’exploitation des résultats. Une dizaine de maisons ont été prospectées et les résultats s’avèrent extrêmement intéressants, ouvrant de nouvelles perspectives sur la topographie historique de la Ville .
Parallèlement, les chercheurs, archéologues du bâti médiéval, historiens, historiens de l’art et dendrochronologues se sont également intéressés à la charpente et la toiture de l’église Notre-Dame, au moment où les échafaudages extérieurs le permettaient. Une partie de cette recherche portait sur la datation de la tour octogonale surmontant la croisée du transept, datation qui jusqu’à présent ne faisait pas l’unanimité parmi les chercheurs : Dieter Graff date les assises intérieures de la tour de croisée ainsi que la voûte d’ogives de la première moitié du XIIIème siècle, Théobald Walter date la tour du début du XVIème siècle… Les résultats de cette prospection devraient permettre, enfin, une datation précise.
La lecture et l’étude de documents d’archives apportent également leur part à cette recherche. Je propose au lecteur quelques paragraphes d’un dossier conservé aux A.M.R. aux sujet des travaux urgents entrepris sur la toiture de l’église. En 1776, la flèche de la tour octogonale, minée par les infiltrations et la pourriture, menace de s’effondrer et d’importants travaux sont entrepris, dans l’urgence. La flèche (torse ?) de la tour sud de la façade est également vérifiée et réparée. Les deux flèches étaient alors couvertes de tuiles plates sur lattis, et tuiles creuses pour les arêtiers de chêne. Les archives municipales de Rouffach ont conservé les devis et le procès-verbal de réception et de conformité de ces travaux :
Dans le registre des lettres N°59 du Conseil de Nuremberg, conservé aux archives du district de Nuremberg, on trouve au folio 165 le brouillon (projet) d'une lettre datée du 26 juin 1507, adressée au prieur du monastère bénédictin de Rouffach. Cette lettre, remise à un citoyen démuni de Nuremberg nommé Michel MURNER, avait pour but de lui obtenir l'admission dans l’hôpital rattaché à ce monastère. Cet hôpital, fondé en l'honneur de saint Valentin, accueillait grâce à de pieuses fondations les personnes atteintes d'épilepsie.
Elsässisches Wallfahrtsbild um 1480
Personne n'ignore, au moins l'espère-t-on, qu'il existait à Rouffach jusqu'à la fin du 18ème siècle, au pied du château d'Isenbourg, un prieuré bénédictin mentionné pour la première fois en 1183, mais probablement plus ancien, qui devint rapidement un lieu de pèlerinage célèbre à travers l’Europe d’alors : il accueillait les épileptiques et leur famille qui venaient prier et implorer la guérison de leur mal devant les reliques de saint Valentin. Au 15ème siècle, on construisit un hôpital spécialisé pour l'accueil et les soins de épileptiques qui aurait même été le premier de ce type. L'hôpital ferma au siècle suivant et le site disparut avec la Révolution française. Il n'en reste aujourd'hui que le souvenir : une rue, la rue du Prieuré, un grand vitrail représentant saint Valentin dans l'absidiole du transept sud de l’église paroissiale et, dans la même absidiole, un buste-reliquaire en bois doré du 18ème siècle, représentant saint Valentin, provenant de l'ancien prieuré. Sans oublier une grande toile en attente de restauration, Saint Valentin et l'épileptique, provenant elle aussi du même prieuré.
Buste reliquaire de saint Valentin, évêque et martyr, église Notre-Dame de Rouffach
Au moment de la fondation du pèlerinage, les moines avaient obtenu de l’évêque de Strasbourg l’autorisation de recueillir des aumônes, soit sur place à la chapelle, soir au cours de tournées de quêtes dans le diocèse. Des moines quêteurs parcouraient ainsi les villes et villages du diocèse de Strasbourg et progressivement étendirent leur tournée aux diocèses de Bâle et même celui de Constance. Ces expéditions procuraient au prieuré les ressources nécessaires et faisaient connaître au loin les miracles et les guérisons d’épileptiques.
La notoriété du pèlerinage était telle que l'empereur Frédéric III avec son fils Maximilien et plusieurs princes électeurs, avait lui-même fait un pèlerinage à Rouffach pour vénérer Saint-Valentin. L'empereur Maximilien lui-même, le 18 mars 1507, prit sous sa protection spéciale le monastère et l'hôpital de Rouffach et se rendit lui-même en pèlerinage avec sa cour en 1511.
Le lecteur trouvera ci-dessous un article du Dr. Louis Pfleger (1932) sur le sujet des quêteurs de Saint Valentin de Rouffach. L'article est en allemand, j'en propose un traduction en français qui sera suivie du texte original en allemand.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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