En fouillant dans mes classeurs, je suis tombé sur une copie d’une photo ancienne, en noir et blanc, de l'intérieur de l’église Notre-Dame de Rouffach. Je ne me souviens pas de sa provenance et la date de la prise de vue n'y figure pas.
Photo banale à première vue, mais en m’y attardant, il s’est avéré qu’elle n’était pas si banale que cela. La qualité de la reproduction permettant l'agrandissement, j’ai découvert quelques détails qui méritent d’être retenus : observons attentivement...
La croix de saint André image H. Walter Das steinerne Andreaskreuz im Rufacher Münsterchor,
En guise d'introduction à ce billet sur une particularité intéressante du chœur de notre église, je propose une traduction d'un court extrait de l'article que Hugues Walter a consacré à ce sujet dans l'Annuaire de la Société d'histoire des régions de Thann-Guebwiller années 1951-52:
Le revêtement de sol de l'église de Rouffach est d'une beauté toute particulière et mériterait d'être représenté en couleur. Il est essentiellement composé de dalles de grès rouge et blanc, dont la distribution souligne les particularités architecturales du plan. Le chœur est traité comme un échiquier avec une alternance de dalles carrées rouges et blanches. Dans cet échiquier, à environ 4,70 m du transept, se trouve un étonnant monolithe en grès blanc, qui a la forme d'une croix de Saint-André. Cette pierre remarquable a été brièvement mentionnée dans un article de l'annuaire de la Société historique de Thann-Guebwiller, 1951 ; on y soulignait que cette pierre semblait revêtir une signification toute particulière dans le plan d’ensemble de l’édifice.
Hugues Walter
Pose de la première pierre de la Tour Nord-Ouest
La photo ci-dessus d’Adolphe Braun, représente la façade ouest de l’église Notre-Dame de Rouffach telle qu’elle se présentait encore en 1859 avant les grands travaux de consolidation, de restauration et d’achèvement qui commenceront en 1866. L’église est alors fermée au culte et les offices seront célébrés dans l’église des Récollets. Elle sera rendue au culte le matin de Noël 1873, lors du premier office célébré, à cinq heures du matin, dans l’église restaurée. Un chantier gigantesque qui aura duré sept ans. Le budget initial, 358.712, 61 francs, voté et approuvé pas la municipalité le 17 août 1866 n’avait pas prévu les grands travaux de reprise des fondations de l’église ni la totale démolition et la reconstruction complète de la tour de gauche depuis ses fondations. Il a fallu reprendre les fondations de piliers de la tour centrale, à la croisée du transept et surtout celles de la tour Nord-Ouest, alors inachevée. Un dessin de l’architecte A.Mimey, montre parfaitement la nature des fondations de cette tour en 1867 : le mur reposait sur un hérisson de pierres de 80 cm. d’épaisseur, posé sur une couche de terre glaise de 1, 50 mètres, elle-même posée sur le « bon sol ». Ces fondations furent excavées et remplacées, depuis le niveau du « bon sol » par une épaisse couche de béton de près de 2 mètres d’épaisseur sur laquelle fut posée une semelle (libages) de moellons de pierre sur près de 2 mètres également … Les mêmes travaux furent nécessaires, à l’intérieur de l’église cette fois, pour notamment consolider des colonnes du chœur. Ce qui augmenta considérablement le montant du devis initial : le devis supplémentaire du 6 août 1869, d’un montant de 305.106,49 francs doublait la facture !
La reconstruction de la tour de gauche fut marquée par un événement important, la pose de la première pierre, le 14 novembre 1887.
Pour toute demande d'information concernant directement le projet Rubiacum, le lecteur pourra prendre contact par courriel aux adresses ci-dessous.
Jeune femme au touret Grès jaune des carrières de grès de Rouffach
La carrière du Strangenberg (image Lithothèque d’Alsace)
Depuis le Moyen-Âge, les carrières du Strangenberg fournissent les calcaires à grain fins, dits « grès lattorfiens » utilisés pour la construction de l’église Notre-Dame, de nombreuses maisons de Rouffach, de monuments à Colmar et de la cathédrale de Thann. Le site a été ré-exploité en 1954 pour la restauration de l'église Saint Martin de Colmar. Laissée à l'abandon, elle fut régulièrement pillée par les chasseurs de fossiles et collectionneurs de pierres.
La jeunesse de Rouffach, rêvant de Western, aimait s'y retrouver, à l'insu des parents, dans un décor sauvage qui offrait en plus un lieu de baignade dans une eau claire aux surprenantes couleurs vertes… Les anciens ont encore le souvenir des mémorables bagarres entre jeunes de quartiers de Rouffach qui s'y sont déroulées... la "Guerre des boutons", à leur manière ! Commençant à poser de sérieux problèmes de sécurité, le site fut clos et interdit d’accès. Il est aujourd’hui un site protégé offrant un espace naturel remarquable qui accueille une flore et une faune exceptionnelles.
L’histoire de cette carrière reste à faire, elle est régulièrement mentionnée dans les textes au Moyen-Âge, mais les sources sont rares. Celle que vous propose cet article est une charte de 1508 conservée aux archives municipales de Rouffach : il s’agit d’un contrat de location passé entre Rouffach et l’œuvre Saint Thiebaut de Thann pour l’’exploitation d’un secteur bien délimité de la carrière de grès jaune du Strangenberg. La pierre extraite devait servir à la construction de la flèche de la collégiale Saint Thiebaut, une dentelle de pierre haute de 78 mètres. Commencée en 1506, elle fut achevée en 1516 et fait depuis la fierté de la ville de Thann.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
Cette page contient des liens vers des outils et sites partenaires autour de la paléographie, l'histoire et l'Alsace.
© 2024 Obermundat