Enseigne de vigneron, rue Knechtlin Rouffach
Le document qui suit est l'un des derniers items d’un règlement daté du 23 décembre 1625, titré Ordnung der Taglohner und des geringen Dienstvolckhs, auch der Verdingten Arbeiten halben angesehen…, c’est à dire: Règlement concernant les journaliers et les domestiques de basse condition, ainsi que du travail à la tâche...
Il s’agit d’un édit seigneurial qui établit les règles de travail dans différentes tâches, un document d’un intérêt considérable puisqu’il nous fait entrer dans le quotidien des travailleurs de la terre : les Karcher, charretiers payés selon leur âge, leur force, le nombre de chevaux qu’ils mènent, Eselbuebe le garçon ânier, la Viech Magd, meneuse de bétail, payée selon ne nombre de bêtes qu’elle est capable de maîtriser, etc. Des salaires qui varient également selon le moment de l’année, et la nature du sol à travailler…
L’essentiel de ce volumineux règlement est évidemment consacré aux multiples travaux de la vigne, et aux salaires journaliers des différentes tâches.
Mais n’anticipons pas, ce règlement et quelques autres feront l’objet d’articles ultérieurs, et une conférence sur
est programmée courant d’octobre 2025, dans le cadre des Conférences Rubiacum.
Voyons cet item de plus près:
La vigne a besoin de bras et occupe une grande partie de l’année une masse de journaliers, hommes, femmes, filles et garçons. La ville abritait alors une population d’oisifs, vivant de mendicité et de rapines mais qui font la sourde oreille quand il s’agit de travailler. Et même, ils manœuvrent pour dissuader les journaliers de se rendre au travail !
L’une des sources importantes pour l’historien qui s’intéresse au passé de Rouffach est sans conteste la lecture attentive des comptes-rendus des délibérations du Magistrat. Ses conseillers se retrouvent plusieurs fois dans la semaine, y compris les dimanches, pour débattre et délibérer de sujets très divers. Une partie importante des délibérations de ces assemblées est consacrée aux procédures de justice civile et de police municipale et les 15 membres du Conseil, élus issus de la bourgeoisie de la cité, sont également appelés à être jurés dans les affaires criminelles. Par ailleurs, les Conseils du Magistrat règlent les affaires courantes de la Ville, comme le fait aujourd’hui un Conseil Municipal.
A ce conseil de quinze élus, se joignent deux non élus, désignés par le bailli et agréés par la Régence épiscopale de Saverne, le Schultheiss (le prévôt, représentant l'autorité seigneuriale) et le greffier municipal, chargé de rédiger les procès-verbaux des séances. Un grand nombre de ces procès-verbaux, soigneusement reliés, sont conservés aux archives municipales de Rouffach et constituent une documentation quasi inépuisable pour le chercheur.
Je vous propose un extrait d’une de ces séances hebdomadaires « ordinaires », tenue à l’hôtel de Ville, le mardi 24 novembre 1615.
Un Conseil houleux autour d’une « prise de bec » entre le prévôt et les conseillers... De quoi s’agit-il ? Le débat s’anime après la lecture d’un courrier adressé au Prévôt par « son grand patron », le prince-évêque de Strasbourg. Ce dernier, semble-t-il, hausse le ton au sujet de travaux urgents à réaliser à l’église Saint Etienne de Suntheim. Le ton est sérieux et même menaçant, ce n’était pas la première fois que l’affaire était évoquée mais était restée sans suite, le prévôt n’ayant peut-être pas été suffisamment persuasif avec les conseillers de Rouffach. Et bien entendu, c’est sur eux que retombe la responsabilité et la colère du prévôt…
Mais les gens de Rouffach se défendent : ils avaient bien entendu parler de ces travaux à l’église de Suntheim et ils avaient inspecté les lieux pour en mesurer l'ampleur et les dépenses à entreprendre. Mais d’autres travaux attendaient : l’orgue de l’église paroissiale, un chemin à créer pour l’accès au château d’Isenbourg, la création d’une fontaine en Ville…
Mais avec quels moyens allait-on entreprendre ces travaux ? Où trouver les fonds nécessaires ?
L'église de Suntheim attendra...
Le 31 décembre 1615, l'affaire est remise à l'ordre du jour et le prévôt rappelle l'insistance de l'évêque dans son courrier du mois précédent:
Le prévôt (Schultheiss) a rappelé au Conseil qu'il avait reçu un ordre strict du prince de rénover l'église " ein starcks unndt scharpffes Bevelch Schreiben "
Le Conseil a soulevé des questions sur le financement des travaux, mais a accepté de commencer la construction.
Il a été décidé que le Burgmeister (le comptable de la Ville) ferait abattre 150 pièces de bois dans la forêt pour les travaux.
Des corvées (Frönungen) ont été ordonnées pour le transport du bois, avec la menace de sanctions pour ceux qui ne les accompliraient pas.
Finalement, ces travaux ont-ils été réalisés? Affaire à suivre...
L'église Saint Etienne de Suntheim sur la vue de Sebastian Münster
Pressoir: Domaine Muré Clos Saint Landelin Rouffach
Ce catalogue, renseigné au gré des découvertes et de communications d'amis et connaissances, n'a pas la prétention d'être exhaustif: l'auteur serait reconnaissant à toute personne qui lui fournirait des adresses ou des images de trottstein qu'il aurait découvertes, par le biais de obermundat.org ou sur son blog: marc.grodwohl.com
g.m.
Contrepoids de pressoir (chevet de l'église de Rouffach)
Depuis quelques années je prends note, au hasard de mes déplacements, des « trottstein » que je rencontre de plus en plus souvent depuis que j’y prête attention.
La forme est en effet facilement reconnaissable. Ce sont des pierres taillées en cône tronqué, hautes le plus souvent de 75 cm à 100 cm, le diamètre à la base autour de 130 cm. Deux, parfois quatre, entailles en queue d’aronde sont pratiquées sur le pourtour tandis qu’un orifice vertical y est ménagé. La fonction de ces objets est connue : ce sont des pierres contrepoids de pressoir à arbre (Trott = pressoir en Alsace, dans la région du lac de Constance). Les dénominations pressoir « à levier », « à balancier », « à arbre » sont considérées ici comme équivalentes, la dernière citée étant la plus proche du terme dialectal Oberbaumtrotte.,
Egbert van Heemskerck Le maître d'école Huile sur bois 1687
Photo: Musée national de l'Éducation, Rouen
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Les documents concernant l'instruction des enfants au Moyen-Âge et aux premières années des temps modernes restent rares dans les réserves des archives. Le plus ancien que nous ayons trouvé jusqu'à présent à Rouffach date de 1521 et a fait l'objet d'un article dans les pages d'obermundat.org sous le titre Le règlement de l'école latine de Rouffach 11 mars 1521, le ..........
L'article que je propose aujourd'hui concerne un document de janvier 1584, conservé aux archives départementales de Colmar. Il y est question de la nomination de Conrad Schwender, à sa demande, aux fonctions de maître d'école à Rouffach. Ce poste lui est concédé par Jean de Manderscheid - Blanckenheim, prince-évêque de Strasbourg et seigneur de l'Obermundat, après consultation, avis et accord du bailli, du Schulheiss et du curé de la paroisse.
Les archives de Rouffach conservent d'autres documents, des seize et dix-septièmes siècles, des pages des comptes-rendus du Magistrat dans lesquelles il est question de litiges, pour comportements incompatibles avec la fonction de maître d'école, pour niveau insuffisant (sait à peine lire!), pour licenciement abusif... L'un de ces maîtres d'école, également musicien, s'est vu interdire par le curé et les conseillers du Magistrat de jouer de son instrument lors de fêtes publiques et de mariages ! Devoir de réserve imposé à un "agent public", déjà ! Un autre est licencié pour ne pas fréquenter assidument les messes à l'église ou de mal s'y comporter lorsqu'il y assiste ! Les plus savoureux de ces textes feront l'objet de d'un ou plusieurs billets à venir.
Mais revenons à la lettre de nomination de Conrad Schwender, nouveau maître d'école:
Ce courrier est daté: am Mittwochen den vierten Januarii novo stylo, im thausendt fünffhundert vier unnd achzigsten Jahr, c'est à dire du mercredi quatrième janvier, novo stylo, dans la mille cinq cent quatre vingt quatrième année. Novo stylo précise que la date est donnée selon le calendrier grégorien, adopté en France en 1582. Avant cette réforme, le calendrier julien était utilisé, qui entraînait un décalage progressif des dates par rapport aux saisons.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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