Des travaux urgents, mais l'église de Suntheim attendra son tour...

L’une des sources importantes pour l’historien qui s’intéresse au passé de Rouffach est sans conteste la lecture attentive des comptes-rendus des délibérations du Magistrat. Ses conseillers se retrouvent plusieurs fois dans la semaine, y compris les dimanches, pour débattre et délibérer de sujets très divers. Une partie importante des délibérations de ces assemblées est consacrée aux procédures de justice civile et de police municipale et les 15 membres du Conseil, élus issus de la bourgeoisie de la cité, sont également appelés à être jurés dans les affaires criminelles. Par ailleurs, les Conseils du Magistrat règlent les affaires courantes de la Ville, comme le fait aujourd’hui un Conseil Municipal.  

A ce conseil de quinze élus, se joignent deux non élus, désignés par le bailli et agréés par la Régence épiscopale de Saverne, le Schultheiss (le prévôt, représentant l'autorité seigneuriale) et le greffier municipal, chargé de rédiger les procès-verbaux des séances. Un grand nombre de ces procès-verbaux, soigneusement reliés, sont conservés aux archives municipales de Rouffach et constituent une documentation quasi inépuisable pour le chercheur.

Je vous propose un extrait d’une de ces séances hebdomadaires « ordinaires », tenue à l’hôtel de Ville, le mardi 24 novembre 1615.

Un Conseil houleux autour d’une « prise de bec » entre le prévôt et les conseillers... De quoi s’agit-il ? Le débat s’anime après la lecture d’un courrier adressé au Prévôt par « son grand patron », le prince-évêque de Strasbourg. Ce dernier, semble-t-il, hausse le ton au sujet de travaux urgents à réaliser à l’église Saint Etienne de Suntheim. Le ton est sérieux et même menaçant, ce n’était pas la première fois que l’affaire était évoquée mais était restée sans suite, le prévôt n’ayant peut-être pas été suffisamment persuasif avec les conseillers de Rouffach. Et bien entendu, c’est sur eux que retombe la responsabilité et la colère du prévôt…

Mais les gens de Rouffach se défendent : ils avaient bien entendu parler de ces travaux à l’église de Suntheim et ils avaient inspecté les lieux pour en mesurer l'ampleur et les dépenses à entreprendre. Mais d’autres travaux attendaient : l’orgue de l’église paroissiale, un chemin à créer pour l’accès au château d’Isenbourg, la création d’une fontaine en Ville…  

Mais avec quels moyens allait-on entreprendre ces travaux ? Où trouver les fonds nécessaires ?  

L'église de Suntheim attendra...

Finalement, elle ne devrait pas attendre ...

Le 31 décembre 1615, l'affaire est remise à l'ordre du jour et le prévôt rappelle l'insistance de l'évêque dans son courrier du mois précédent: 

• Le prévôt (Schultheiss) a rappelé au Conseil qu'il avait reçu un ordre strict du prince de rénover l'église " ein starcks unndt scharpffes Bevelch Schreiben "

• Le Conseil a soulevé des questions sur le financement des travaux, mais a accepté de commencer la construction.

• Il a été décidé que le Burgmeister (le comptable de la Ville) ferait abattre 150 pièces de bois dans la forêt  pour les travaux.

• Des corvées (Frönungen) ont été ordonnées pour le transport du bois, avec la menace de sanctions pour ceux qui ne les accompliraient pas.

Finalement, ces travaux ont-ils été réalisés? Affaire à suivre...

 L'église Saint Etienne de Suntheim sur la vue de Sebastian Münster

Conseil hebdomadaire tenu mardi 24 novembre 1615

Traduction:

Tout d'abord, le prévôt a lu une lettre de Sa Grâce (le prince-évêque de Strasbourg), dans laquelle elle ordonne sérieusement, en menaçant de sanctions, de poursuivre les travaux à l'église Saint-Étienne de Suntheim. Le prévôt a déclaré publiquement qu'il avait déjà présenté cette affaire et d'autres auparavant, mais qu'il n'y avait pas eu de suite. 

Ensuite, les membres du Conseil ont répondu qu'ils se souvenaient bien que le prévôt avait présenté diverses affaires sur ordre de Sa Grâce, comme la réparation de l'orgue de l'église, la remise en état du chemin menant à une porte de la Ville, la construction d'une fontaine,  près de la rue de la famille Ackermeister, le Jeune.  

Le Conseil a également mentionné qu'ils avaient inspecté le site de l'église Saint-Étienne pour estimer ce qu’il y avait à y faire, mais que depuis deux on avait utilisé beaucoup de bois, de pierre et autres matériaux nécessaires pour la construction au château d'Isenburg. De plus, le receveur du baillage avait contracté un prêt d’argent auprès de la Ville, promettant de le rembourser en quatre semaines, mais cela n'a pas encore été fait. Il a également fallu fournir 1500 florins pour la Caisse de guerre et on a également approuvé récemment une nouvelle taxe pour trois ans, dont le premier terme est dû pour Noël prochain. Les bourgeois de la Ville ont également dû fournir, en plus du bois d’œuvre, beaucoup de bois de chauffage, de vin et de céréales, et ont souvent été réquisitionnés pour des Corvées. La communauté de la Ville n'a pas pu obtenir de matériaux à la briqueterie depuis un an, alors que jamais autant de briques n'avaient été produites. La ville a fait refaire l'orgue il y a environ neuf ans, ce qui a coûté plus de 900 livres, et une nouvelle horloge pour 500 livres. Ils doivent également refaire le chemin qui mène de la Porte Neuve au château, ce qui coûtera cher. De plus, certains citoyens ont été contraints de faire cultiver leurs champs par des paysans venus de la Hardt, comme eux-mêmes étaient réquisitionnés pour des Corvées pour les affaires de l'évêque...

Le conseil se déclare prêt à effectuer les travaux qui lui incombent, à cette l'église et à d'autres projets, mais demande un peu de patience, car la ville et les citoyens ne peuvent pas tout faire. Ils ne savent pas où trouver les fonds nécessaires, car l'église est pauvre et n'a pas de revenus. Une nouvelle inspection est prévue...

Transcription du document en allemand:

Wochenrath gehalten, Zinstags den 24 novembris 1615

Alda vorderist Her Schultheiß ein Schreiben von Ir dht: abgangen

darin sie uf St: Steffans Kirchen Erpawung nochmalen

ernstlich, mit Betrauwung erfolgender Straf Meldung thuen

fürgewiesen, so verlesen worden.

Sonsten hat er, Schultheißen, sich offentlich erklärt, habe dies

und anders schon hiebefür fürbracht, dieweilen nun nichtz

erfolgt, und Ir Dht. abermahlen, mit ernst anmahnen, so wölle

er solches nochmahlen hiemit anbracht haben, beschehe die Gebür

wol und gut, wo nit, so wölle er hiemit protestiert werden

haben.

# Darauf hat ein Rhat sich (ungefar) also zu verantworten erklärt

wüssten sich wol zuerindren das ermelt Schultheiß uf Ir Dht.

[.]Befelch underschiedliche Sachen fürbracht, als

1. diesen jezigen St: Steffans Paw
2. die Orgel wider zueverpessern
3. der Weg vor der Thüren auszupessern
4. ein Springpronnen in der Stat, bei jung Ackermeister Gassen hinzufüeren

Darauf hab ein Rhat domahlen uf den ersten Befelch den Augenschein

alsbalt eingenommen, zusehen wie derselb Paw möchte angriffen

werden, dieweilen aber der frst:dht. Paw uf

Ysenburg inmittels und vor 2 Jahren angefangen, dazu man wie meinglich bewüst

an Holtz, Stein und andern vil Frönen müessen / Zu dem so habe der

Amptschaffner domahlen innamen Ir dht: etlich Gelt bei der

Stat entlehenen wöllen, mit Vermelden es beschehen I: dht: doran ein

[.]stes Wolgefallen und werde solches in 4 Wochen wider erlegen denn

dan domahlen 700 f. gelühen worden, so aber noch nit gar wider erlegt.

Item, man habe jüngst zu Kriegs Cassen 1500 [f] lüffern müessen,

und dan so habe man erst kürtzlich die Schatzung wider 3 Jahrlang

zugeben bewilligt, da dann der Anfang uf Weÿnachten nechst künfftig, schon

gemacht werden muess. Ferners, so hetten die Burger bisher nit allein

das frstl. Pawholtz, sonder auch vil Prennholtz, it. Wein und Frucht hin und wider

und dazu gar offt frönen müessen. Weiters hab die Gemein

Burgerschafft nun ein Jahr hero, uss der Ziegelscheuren kein Zeug

oder anders bekhommen mögen/ unangesehen das sovil in Mans

Gedenkhen niemahlen gebrent worden.

Ferners, hab die Stat bej ungefahr 9 Jahren die Orgel von

newem in Irem Costen machen lassen, so über 900 lib. gelösset

Item die newe Uhr damit auch 500 lib. verthon worden.

Über das, so muess man jetz frühe Jahrs den Gang vom newen Thor

bis ufs Schloss auch machen lassen. Und dazu alles frönen, und

auszahlen, so nit wenig costen würdt.

Neben dem, so haben diese 2 oder 3 Jahr hero etliche Burger Ire

Ackher (wegen vilfeltigen Frönens) von den Hartbauren pawen

lassen müessen.

Sonsten, sei ein Rhat urbietig, das Irig beÿ dieser Kirchen und

anderem gern zuthun, allein dass man noch ein Zeitlang

Gedult damit hätte, dan es der Stat und Burgerschafft

schier nit alles müglich sein wölle. Zu dem, wisse man nit, wo der

Uncosten zuenemen, das die Kirch armb und kein einkhommen. Soll aber der Augenschein noch malen be[.]

Nach solchem hat der besagte Schultheiß seines jeweils gethonen Fürbringens

ein Extract uss dem Prothocoll begert. So ich fertigen lassen

wie bej dem Schreiben, wegen St. Steffan abgangen zu sehen.

A.M.R. BB 34 24 novembre 1615 page 60 verso

 Gérard Michel

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