Un château de plaine à Rouffach? Où ça? Ça se saurait !
Et pourtant, il existe, ou plutôt, il a existé. Son nom figure même sur la fameuse représentation de la Ville que Sebastian MÜNSTER propose dans sa Cosmographie. Un plan daté de 1548, sur lequel Munster n'a pas représenté le château, et pour cause: en 1548, ce château n'existait plus.
Une motte castrale...
C'était un château posé sur une motte, un tertre de forme circulaire, fait de terre rapportée, entouré de douves. S'agissait-il d'une construction en bois ou d'un château construit en dur, l'histoire ne le dit pas...
Si l'on observe attentivement l'agrandissement ci-dessus, le nom Spiegelburck est inscrit en bas, à gauche, face à la Tour dite des sorcières, dans les jardins de l'actuel Lycée agricole, et sous le moulin Schliffmühle également appelé Spiegelmühle, sur le cours de l'Ombach. Ce moulin se trouvait là où se trouve l'actuel bâtiment technique de la piscine. Dans le haut de l'agrandissement, on distingue la maison de l'ordre teutonique, Teütsch Haus, dans le village disparu de Suntheim. Tout en haut de l'image, au-dessus du Teutsch Haus, l'église Saint Etienne de Suntheim, St.Steffan.
Voilà ce que dit Jean Daniel Schoepflin de cette Spiegel Burg dans son ouvrage L'Alsace Illustrée, 1851:
Près de Rouffach, était le château de Spiegelburg, qui fut détruit une première fois par les ennemis et une seconde par les gens de Rouffach eux-mêmes, qui craignaient qu'il ne devint un danger pour la ville. Materne Berler a vu combler, du temps de l'évêque Albert, les fossés qui l'entouraient.
Materne Berler, notre chroniqueur local est plus précis:
1478 - 1506. Von dem Schloss Spiegelburg.
Es ist auch vor Zitten ein schon Schloss gelegen an der Statt Ruffach vor dem Rheyngraven Thor, genant Spygelburg, welches durch die Fyndt verhergt, nachgentz durch Forcht das die Statt darauss nytt beschedigett wurdt ab gebrochen. Die Greben und der hoch Buhel darauff der Schloss Thurn gestanden was, ist in Juncker Clausen von Schwowenburg Kryeg under Byschoff Albrecht ab gebrochen worden, als ych dan selbs daran als ein Knab von zehen Jaren gearbeitt hab.
folio 369
Autrefois s'élevait à proximité de la ville de Rouffach, devant la porte des Rhingraves, (Rheingrafen Thor) un beau château appelé Spiegelburg. Ce châteaua été pris par les ennemis et plus tard, de peur qu'il soit utilisé pour assiéger la ville, les gens de la ville l'ont démantelé. Les fossés qui l'entouraient et la haute butte (motte) sur laquelle était construit le donjon du château furent arasés [pendant la guerre du noble (écuyer) Claus von Schauenburg] sous l'évêque Albert, et moi-même, comme garçonnet de dix ans, j'ai participé à ces travaux.
Il s'agit donc bien d'un château élevé sur une motte, un tumulus de terre, autour d'un donjon central, entourée d'une cour. Vraisemblablement une construction en pierre, sinon les gens de Rouffach n'auraient pas eu peur que l'ennemi puisse s'en servir comme d'une base avancée qui pouvait menacer la ville.
Le petit Materne Berler, né en 1487, a donc encore connu cette motte et les douves de ce château alors qu'il avait dix ans, peu avant 1500.
Les archives et la documentation sont très pauvres au sujet de ce château, l'un des deux châteaux de plaine du ban de Rouffach, l'autre étant celui de Sommerau, le long de la vieille Thur, dans le Niederwald.
Une anecdote savoureuse au sujet du meunier de la Spiegelmühle, le moulin voisin de la Spiegelburg:
Comme tous les offices de la ville, celui de meunier du moulin communal est renouvelable chaque année, après accord du Magistrat. Cette année là, en 1626, Michel Leismann, meunier de Spiegelmühle, appelée aussi Schliffmühle, sollicite auprès du Magistrat le renouvellement de son office de meunier. Il se présente donc devant le Conseil et présente sa demande pour l'année à venir.
Réponse du Magistrat: il est notoire qu'il entretient chez lui une femme suspecte et que par ailleurs il ne serait rien de bon. Il faut se débarrasser de lui!
S'est présenté également Andres Ruedolff, le tisserand de laine, qui sollicite la charge de meunier pour son beau-frère, Burckardt Sattler. Andrès Ruedolff se porte caution et payera les frais.
Réponse du Magistrat: la charge de meunier lui est accordée...
Verleÿhung der Spiegelmühle
Michel LEISSMANN, der bisher geweste Schlüffmiller, erscheindt und begehrth man wölle Ihme die Mühl noch ein Jahr lang vergünstigen
# Ist erkhandt weil er ein verdechtige Fraw beÿ sich haltet und sonsten nicht vil guets seÿe, dass man Ihnen abschaffen solle.
Hingegen erscheindt Andres RUEDOLFF, der Wollenweber, innammen seines Schwagers Burckhardt SATTLER […] und haltet umb die Mühlin ahn, will Andres RUEDOLFF Bürg und Bezahler sein.
# Ist Ihme zugesagt auf sein Wohlhalten hin. A.M.R. BB 39 1626
Gérard MICHEL Juillet 2018
Donjon du château de Gisors, une motte castrale