Dans l’article intitulé Soirées chaudes à Rouffach, publié le 23 juin 2021, je m’interrogeais sur ce que pouvait bien être la tradition de l’abent tannz, littéralement danse du soir, qu’une décision du conseil de novembre 1549, le mardi qui précède la fête de Saint Othmar, interdisait sous peine d’une punition exemplaire. J’ai retrouvé dans le même registre, quelques pages plus loin, une autre occurrence de cette expression.
A la taverne Adriaen Brouwer (1605 - 1638) Alte Pinakothek Munich
La culture de la vigne et le commerce du vin représentent depuis le Moyen-Âge une activité essentielle de Rouffach : les livres censiers décrivent un ban viticole considérable et détaillent des centaines de cantons et lieux-dits dont la plupart des noms sont encore en usage de nos jours.
Le vin produit par les vignes de nos collines s’exporte au-delà des frontières de l’Obermundat où il se retrouve sur les marchés de Suisse ou sur les riches tables de l’Empire. Mais l’essentiel de la consommation reste local, dans les maisons et les familles où on en consomme des quantités importantes. (en moyenne près de trois litres à 6 / 7 degrés d'alcool, par jour et par personne, hommes comme femmes !) Il alimente les nombreux établissements de la ville, permanents ou occasionnels qui détaillent du vin : auberges, tavernes, poêles des corporations, où l’on boit généreusement, si l’on se fie aux nombreux jugements prononcés par les Conseils du Magistrat qui sanctionnent l’ébriété et ses excès, et aux imprécations de l’Eglise contre la fréquentation des tavernes, antichambres de l’enfer.
Générateur d’importants revenus pour la Ville, pour l’évêché et le Grand Chapitre, par de multiples impositions dont la plus importante est l’Umgelt, le commerce du vin, notamment dans les auberges et les tavernes, est très réglementé et étroitement surveillé.
Le présent article a pour objet trois items du règlement des aubergistes et gourmets-jurés Wurt und winsticher Ordnung de 1545, un règlement qui apportera du nouveau dans les habitudes des clients : désormais, dans les auberges, le consommateur aura le choix du vin et ne sera plus obligé de s’en tenir à celui que voudra bien lui servir l’aubergiste ! Ce n’est pas encore une carte des vins très fournie, mais l’aubergiste devra lui proposer au moins deux vins vieux et un vin de la vendange de l’année.
Aura-t-il le choix également entre rouge et blanc ? Le document ne le précise pas…
Illustration: Pieter Bruegel l'aîné: la danse des paysans 1568
La danse, les jeux de hasard, les cabarets, les bains publics, faisaient partie des divertissements qui permettaient d'oublier, pour quelques instants, un quotidien difficile, mais entraînaient souvent, le vin aidant, des excès condamnés par le clergé ou interdits par les règlements du Magistrat.
Nous proposons dans cet article deux items d'un règlement édicté en 1549 à l'issue d'une session ordinaire du Conseil de la Ville. Rappelons que ce Conseil avait également les attributions d'un tribunal de police et comme tel, il jugeait des délits mineurs comme des rixes avec coups et blessures, des injures portant atteinte à l'honneur, de petits larcins, des fraudes, etc.
Pour comprendre ce qu’est une confrérie, il suffit de se souvenir de l’étymologie du mot : le mot confratria est attesté dès le 9ème siècle et a donné au 13ème siècle le mot confrarie puis confrérie sous l’influence du mot frère, issu également de frater. La réalité des premières confréries doit se comprendre effectivement comme on comprend fraternité, un groupe humain que réunissent le souci de l’autre, l’esprit d’entraide.
Une confrérie peut être confrérie de métiers de l’artisanat ou confrérie de dévotion. La première regroupe des individus exerçant un même métier ou des métiers apparentés. Son objectif est principalement de réunir ses membres dans la prière collective lors de célébrations religieuses, messe de funérailles d’un confrère, messes anniversaires de décès, messes des grandes fêtes religieuses de l’année, procession et messe en l’honneur du ou des saints patrons de la confrérie... Le but ultime est de gagner par la prière et les offrandes, le salut éternel, le repos de son âme et de celles de tous les confrères. La confrérie défile en procession avec ses attributs, bannières, écussons, porte-cierges statue du saint patron et assure l’entretien d’une lampe perpétuelle ou d’un cierge allumé sur l’un des autels de l’église paroissiale. L’assiduité à toutes ces célébrations est obligatoire et un manquement est toujours sévèrement puni par une amende. Les confréries jouent également un rôle d’entraide par le prêt d’argent, de petites sommes le plus souvent, destinées à venir en aide à des confrères et à leur famille dans le besoin, et d’autres peuvent assurer l’entretien, à l’hôpital, d’un ou de plusieurs lits destinés à accueillir des confrères malades…
D'autres confréries ne sont pas liées à une profession déterminée : elles sont communément regroupées sous le vocable: confréries de dévotion et de charité. Le lecteur pourra lire à leur sujet les pages qui leur sont consacrées dans obermundat.org : confrérie du Très Saint Rosaire, confrérie de la Reith, confrérie des compagnons boulangers, cordonniers et meuniers, confrérie des forgerons…
Meister und Gesellen des Zimmer Handwerks, die diesseits des Rheines zwischen dem Blauen und dem Landgraben im deutschen Gebiet sesshaft sind, stiften in der Kirche zu Ruffach eine Bruderschaft. 21. Januar 1518.
La procession depuis le camp de la tribu à la promenade sous le château, jusqu'à l'église Notre-Dame
Dans l'école de mon enfance à Bantzenheim, j'ai le souvenir du passage, une ou deux fois par an, de garçons dont la famille, des gens du voyage, séjournait au village pour quelques jours, et qui venaient sur les bancs de l'école pour la durée de leur séjour. Nous les appelions alors des "tziginer", et en français des "bohémiens". Nous n'avions que peu de contacts avec eux, ils restaient entre eux et, dans la cour de récréation, nous les observions de loin. Souvent plus âgés que nous, ces garçons nous fascinaient. C'étaient des enfants, mais des enfants sans âge, au parler rugueux qu'on ne comprenait pas toujours, aux manières mal dégrossies, souvent bagarreurs et qui se permettaient de "répondre" au maître... Leur maison était sur roues, tractée par une paire de chevaux; d'où venaient-ils, où allaient-ils? Toujours en voyage, ils n'étaient pas, comme nous, tenus d'aller à l'école tous les jours. Leur monde n'était pas tout à fait le nôtre et était entouré d'un halo d'aventures et de mystères teinté d'exotisme. Et ceux qui les avaient précédés au village y avaient laissé une réputation qui alimentait nos peurs, soigneusement entretenue par les récits des ainés.
Très récemment, Paul Freyeisen, de trois ans mon ainé, m'a communiqué un document qui a fait ressurgir ces souvenirs d'enfance. Il s'agit d'un article publié en 1948 ou 49 dans un hebdomadaire bilingue qui était dans toutes les familles de l'époque et que l'on appelait s'Schwitzer Hefftla. S'agit-il du magazine Das Blatt für Alle édité à Zofingen par la maison Ringier entre 1938 et 1973 ou du Schweitzer Illustrierte, également de la maison Ringier Axel Springer, créé en 1911? Un lecteur saura-t-il me renseigner?
L'article, illustré de cinq photos, s'intitule: Les funérailles d'une jeune gitane à Rouffach. L'événement a semble-t-il marqué profondément les esprits à Rouffach, suffisamment pour que la rédaction du Schwitzer Hefftla lui consacre une page entière. Même si l'événement n'entre pas dans "la ligne éditoriale" habituelle d'obermundat.org (quoique?), touché par cette histoire, j'ai choisi de le livrer, in extenso et sans aucun commentaire, aux lecteurs.
Il éveillera sans doute des souvenirs chez les plus anciens d'entre eux, qui reconnaîtront sur la photo le curé Kopf et les quatre servants de messe, parmi lesquels Paul et Remi. Qui sont les deux autres, et qui sont ces hommes en noir et chapeau melon qui encadrent le curé?
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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