Bâton de procession de la Confrérie du Saint Rosaire de Rouffach
L'Ascension, fin XVIIème siècle (coll. privée)
La confrérie du Rosaire est une confrérie pieuse dont l’objectif est de réunir un grand nombre de croyants unis par la charité fraternelle dans la récitation en commun du Rosaire de Marie afin d’obtenir ses grâces et sa protection.
La première confrérie aurait été fondée en 1468 à Douai par un moine dominicain Alain de la Roche Alanus de Rupe (* vers 1428 † 1475). Elle sera suivie en 1475 à Cologne par une seconde, fondée par l’inquisiteur, Jakob Sprenger (*1436/38 † 1495), de sinistre mémoire puisqu’il est avec Heinrich Kramer le co-auteur du Malleus maleficarum ou Hexenhammer qui légitima la chasse aux sorcières.
Depuis Cologne, les confréries se répandirent très rapidement à travers l’Allemagne, la Hollande et les Flandres pour arriver en Alsace, plus précisément à Colmar en 1484.
1627 : fondation à Rouffach
La date de la fondation de la confrérie du Rosaire de Rouffach nous est donnée par Th.Walter qui indique comme date de fondation le 24 mars 1627, par Séraphin SICUS, General des Prediger Ordens, le document serait conservé aux archives de Strasbourg sous la cote G 1908. Louis Schlaefli dans son étude Les confréries religieuses en Alsace par localité des origines à nos jours précise : la confrérie du Rosaire de Rouffach, (1627) érigée à l'initiative de Paul Aldringen, ancien curé de Rouffach, lors de sa consécration épiscopale à Rome en 1627 (ABR G 1908) et renouvelée en 1688.
Un autre document, des archives départementales de Colmar, Dominicains de Guebwiller E2, cité également par Walter, est une confirmation par l’évêque de Bâle de l’établissement, dans l’église paroissiale de Rouffach, de cette confrérie.
Un troisième document, extrait des Freyburger Documenta Collecta, qui était, à l’époque de Walter, encore conservé dans les archives de la paroisse, dit que le 15 août 1688 cette confrérie qui s’était retrouvée très démunie après les temps de guerre, a été « de novo restauriert » à la demande du prieur des dominicains de Guebwiller, Pius BENNINGER et confirmée par un décret de Rome, le 22 octobre 1689.
1688 confection de 15 "Geheimbnüssen", bâtons de procession
Les comptes de la confrérie, (présentés et révisés tous les cinq ans) tenus en 1688 par Humbert Christophe KNECHTLIN, rendent compte de la confection de quinze « Geheimbnüssen », quinze Mystères ou bâtons de procession, et de six autres destinés à être suspendus au-dessus d’un catafalque ou d’un cercueil, d’un drapeau noir, d’aubes de couleur bleue (vraisemblablement la tenue des confrères et consœurs) , de trente-deux aunes de tissu de lin bleu et de six aunes de lin noir et d’une importante quantité de cire, dont des cierges venus d’Einsiedeln.
1697, de nouvelles bannières
En 1697 on a fait faire, à LUCERNE, de nouveaux drapeaux ou bannières pour la confrérie et il a également été fabriqué une grande armoire placée derrière le maître autel, pour ranger ces mêmes drapeaux. Ce sont sans doute ces drapeaux dont la confrérie venait de faire l’acquisition qui sont évoqués dans le règlement du 5 avril 1697. Frantz FISCHER, le peintre, perçoit également 14 schillings et 4 deniers pour peindre deux « Schildt », deux écus, deux panonceaux…
1697 le protocole des processions
Le 5 avril 1697, dans Prothocollen der Erzbruderschafft, conservés du temps de Th.WALTER aux archives paroissiales de Rouffach, un règlement précise comment et de quelle manière doivent être réglées, à l’avenir, les processions de l’archiconfrérie du saint Rosaire. Il donne l’ordre selon lequel doivent être disposés les membres de la confrérie, lors de leurs processions :
- en tête du cortège marche un ange portant l’insigne de la confrérie (das Schild)
- à leur suite viennent les porteurs des drapeaux (bannières) de l’église paroissiale, suivis par les enfants des écoles
- puis suit le nouveau drapeau (bannière) rouge, suivi par Messieurs les Préfets et Consuls
- à leur suite viennent Messieurs les musiciens et les prêtres portant le Venerabili (venerabili altaris sacramento ? portant le saint sacrement ?)
- suivent le Protector, les membres du conseil, les chefs de tribus et la bourgeoisie
- à leur suite la bannière blanche des tisserands suivis des jeunes compagnons
- puis, à nouveau un ange portant un insigne
- puis le nouveau drapeau blanc, suivi des « Schützfrauen », l’image de la Vierge, les deux préfètes et les autres jeunes filles du magistrat de la confrérie
- puis suit le nouveau drapeau jaune, puis la grande image de la Vierge et les femmes portant les cierges
- enfin, un homme portant la croix suivi des autres dames et des autres femmes (die übrigen Frawen und Weiber)
toutes ces personnes doivent défiler deux par deux, pieusement et dans le plus grand recueillement.
- « …erstlich solle vorhero gehen ein Engel mit dem Rosenkrantzs Schilt.
- Zue dem anderen, die ordinarii Pfarrkirchen Fahnen, denen die Schuelkindter folgen.
- Hierauff zue dem dritten, solle der newe rothe Fahnen vor den Herren Präfect und Consulatoren folgen.
- Viertens, die Herren Musicanten und Priester mit dem Venerabili.
- Sodann fünfftens, der Herr Protector, E.E. Rath, Zunfftmeister und löbl. Bürgerschafft.
- Indessen, zue dem sechsten, der weiße Weberfahnen deme die junge Gesellen folgen sollen, getragen werden.
- Zue dem siebenden, solle abermahlen ein Engel mit einem Schildt vorhero gehen.
- Achtens, solle der newe weißen Fahnen, nach diesem die Schützfrawen, das Frauen Bildt, die zwo Praefectissinen und übrige Jungfrauwen des Magistrat der löblihen Bruederschafft folgen.
- Sodann, zue dem neindten, soll folgen der newe gelbe Fahnen, darnach das große Frawen Bildt und die Frawen mit Ihren kertzen.
- Endtlichen, einer mit einem Creütz, deme alsdann die übrigen Frawen und Weiber, und dieses alle Zeit paar und paar mit einer eyffrigen und auf erbaulichen Andacht ordentlichen gehen und folgen sollen.
Decretum in senatu Mariano zue Ruffach den 5ten Aprilis 1697…“
1729 renouvellement du "Magistrat" de la Confrérie
En 1729[1], le 14 Août, est procédé au renouvellement du magistrat de la confrérie du Rosaire. Le « président » en est François David d’OLLIVIER, recteur et curé de Rouffach. Le « Protector » est Marin Humbert STRENG, prévôt de Rouffach ; les deux préfets sont Jean Georges WEINGAND et Jean Jacques WÜRTH, le secrétaire Jean Melchior SCHNEIDER. Les membres du Magistrat sont classés ensuite par hommes, femmes et jeunes filles. Chacun de ces groupes a deux préfets et un ou une sacristain(e). Dans chacune de ces trois classes, les membres sont répartis par groupes de cinq selon les Mystères du Rosaire : cinq dans les mystères joyeux, cinq dans les mystères douloureux et cinq dans les mystères joyeux.
Dans le groupe des hommes, dix-neuf personnes, chez les femmes dix-neuf personnes auxquelles s’ajoutent trois qui sont dites les porteuses de la grande image de la Vierge. Chez les jeunes filles également dix-neuf personnes auxquelles s’ajoutent cinq qui sont dites porteuses de la petite image de la Vierge.
Presque toutes ces familles (bien souvent on trouve le mari, l’épouse et la fille dans chacun des groupes) sont des familles de notables, de la bourgeoisie aisée et puissante de la ville:
den 14. Augusti 1729.
- Præses (Président?): Franciscus David d’OLLIVIER, recteur curé de Rouffach
chez les hommes :
- Protecteur: Marinus Humbertus STRENG, Schultheiß
- Premier Préfet : Johann Geörg WEINGAND
- Second Préfet : Johann Jacob WÜRTH
- Secrétaire: Johann Melchior SCHNEIDER
Consultores dans les mystères joyeux:
- Ursus SCHERRER
- Ruodolph KLOPP
- Simon MILLER
- Johann Paul GSCHICKHT le vieux
- Lorentz WEINGANT
Consultores dans les mystères douloureux
- Marinus BOLLENBACH
- Emanuel LÖHLER
- Johann Antoni SCHNEIDER
- Johann Paul GSCHICKHT le jeune
- Johann Jacob WILLINGER
Consultores dans les mystères glorieux
- Andres WEINGANDT
- Mathiass SCHINDELHOLTZ
- Sebastian SCHÖN
- Anthoni KNECHTLIN
- Frantz Antoni WEINGANDT
- Sacristain: Hans Michaël HARTHMAN
chez les femmes:
Die Schutz Frauw (protectrice?):
- Johanna Dorothea STRENG l’épouse du prévôt
Préfètes:
- Maria Eva SEITZ
- Catharina RISS
Consultrices dans les mystères joyeux:
- Anna Maria KLOPP
- Maria Agnes SCHNEIDER
- Catharina MILLER
- Catharina WEINGANT
- Maria Elisabetha […]ICKHLER
Consultrices dans les mystères douloureux:
- Maria Elisabetha BOLLENBACH
- Maria Barbara GERING
- Maria Agnes SCHNEIDER
- Maria Anna KRENINGER
- Maria Elisabetha MILLER
Consultrice dans les mystères glorieux :
- Catherina KNECHTLERIN
- Maria Anna GSCHICKHT
- Maria Helena Sophia LASSÜE
- Maria Elisabetha WÜRTH
- Anna Margaretha VÖGT
- Sacristaine: Maria Magdalena N (V) OQUÉ
Porteuses de la grande image de la Vierge :
- Maria Eva SCHINDTELHOLTZ
- Veronica SCHEÜRER
- Agnes STAMPSS
chez les jeunes filles:
Préfètes:
- Catharina STRENG
- Elisabetha GERING
Dans les mystères joyeux:
- Anna Maria […]in
- Agnes WEINGANDT
- Catharina VELL
- Agnès WÜRTH
- Catharina […]in
Dans les mystères douloureux:
- Ursula HOFFMÄN
- Anna Maria MILLER
- Anna Maria ISSNER
- Anna Maria GERTHET
- Anna Maria GSCHICKHT
Im Glorwürtigen
- Elisabetha […]
- Anna Maria WALLER
- Agnes STEBER
- Anna Maria DREYER
- Anna Maria HEINLER
Sacristaine
- Agnes WEINGANDT
Porteuses de la petite image de la Vierge:
- Agnes DENNINGER
- Regina BURCKHERT
- Catharina KIEFFER
- Catharina BURCKERT
- Regina KLOB
1752 – 1753 une confrérie pauvre
En 1752/53 [2], à la demande du curé MINCK (Théobald Joseph MÜNCK, 1693 - 1772, curé de Rouffach pendant 35 ans) doyen du chapitre rural, et « président » de l’archi confrérie du Saint Rosaire et secrétaire de la même confrérie, les dames qui font partie de la confrérie, qui participent aux processions et portent les cierges, sont priées de venir en aide à la confrérie afin d’acheter une nouvelle robe et un nouveau manteau à la Vierge pour remplacer l’actuel costume qui est en lambeaux. Comme la confrérie est dépourvue des moyens suffisants pour cet achat, il est demandé à chacune des dames de la confrérie de venir en aide à la confrérie, chacune selon son gré, la sainte Vierge mère de Dieu remplacera leur don, à chacune, au centuple…
Ce document appelle plusieurs remarques :
La confrérie est composée essentiellement de notables aisés de la ville, de leurs épouses et de leurs filles, l’achat de nouveaux vêtements pour la Vierge de l’autel de la confrérie ne devrait pas poser de problèmes financiers insurmontables ; d’ailleurs la collecte qui a suivi cette demande, les dons de chacune des soixante-trois femmes a rapporté quatre-vingt-trois livres, dix-sept schillings et six deniers, deux livres et quatre schillings ayant été déduits pour indemniser les femmes qui ont encaissé cet argent.
La confrérie n’a-t-elle pas ou plus d’autres revenus ? Pourquoi seules les femmes sont concernées par cette « collecte » ?
Jusqu'aux débuts du vingtième siècle...
Cette confrérie a survécu aux troubles de la Révolution et est encore évoquée par Jean Michel VOGELGSANG dans son compte-rendu des activités de la paroisse qu’il adresse en 1801 au Curé OSTERTAG, émigré à NEUENBOURG : à cette date, les confréries du Saint Rosaire n’ont pas encore repris leurs activités car l’église des franciscains est trop petite pour qu’on y tienne une procession. L’autre raison est la division qui s’est créée au sein des anciens de la confrérie, entre ceux qui sont restés fidèles aux prêtres réfractaires au serment à la Constitution et ceux qui ont opté pour le curé DIETRICH.
Th. WALTER écrit au début du XXème siècle que cette confrérie était toujours active…
Gérard MICHEL
Notre-Dame du Rosaire par Luca Giordano Musée Capodimonte Naples (vers 1686)
Les mystères joyeux.
- L'Annonciation
- La Visitation
- La Nativité
- La présentation
- Le recouvrement de Jésus au Temple
Les mystères douloureux
- L’agonie de Jésus à Gethsémani
- La flagellation
- Le couronnement d'épines
- Le portement de la Croix
- La crucifixion
Les mystères glorieux
- La Résurrection
- L'Ascension
- La Pentecôte
- L'Assomption de la Vierge
- Le Couronnement de la Vierge
[1] A.M.R. GG 50 1729
[2] A.M.R. GG 50 1752 / 1753