Une image qui intrigue:
Il s'agit d'une vue figurant la place de l'église, avant 1862 / 1863, puisqu'y figure encore un bâtiment qui sera rasé cette année là, à la suite de la vente ou de l'expropriation pour cause d'utilité publique, des six logements qui le constituaient,. L'objectif était d'éliminer tous les obstacles qui pouvaient gêner la restauration de l'église Notre-Dame et de dégager un espace pour l'agrandissement de la place du marché. Cette place avait déjà été débarrassée du cimetière qui l'occupait, de la chapelle-ossuaire Saint Nicolas et de toutes les baraques élevées entre les contreforts autour de l’église, dont les dernières disparurent en 1849. Ce fut là une entreprise qui fit couler beaucoup d’encre par action judiciaire.
Le dernier bâtiment, un immeuble abritant les six logements, visible à gauche de la lithographie, disparaîtra en 1862 / 63: die Fräulein Häuser, les maisons des demoiselles.
Nous laissons à Pierre-Paul Faust le soin de nous raconter la courte histoire de cette maison, un récit que nous reprenons d'une conférence qu'il avait donnée le vendredi 26 janvier 2001 à la salle paroissiale de Rouffach sur Notre-Dame de Rouffach. Le lecteur pourra retrouver l'intégralité de la première partie de cette conférence sur obermundat.org, en cliquant ici.
Pierre Paul FAUST: l’église Notre Dame de Rouffach au XIXème siècle. Première partie
7. La démolition des Fräulein Häuser
Pour parachever le dégagement de l’église et de la place du marché, on décide également la démolition de l’ancien immeuble dénommé Fraülein-Häuser , situé dans la partie Nord-Ouest de la place de l’église. Les Fräulein étaient les demoiselles de l’instruction chrétienne, institution fondée en 1724 à Ensisheim par les demoiselles d’OLIVIER, pour l’instruction des jeunes filles.
En 1725, l’une d’elles, Madeleine, vient à Rouffach chez son frère, François David D’OLIVIER, curé doyen de l’église Notre-Dame (1720-1737). Elle parvient à fonder une petite communauté dégagée de la prononciation de vœux. En 1732 est construit l’immeuble sur la place abritant la communauté, répartie en 6 appartements indépendants. Elle y fonctionne jusqu’en 1748, année où la communauté achète le grand bâtiment qui devait devenir par la suite l’école des filles de Rouffach. Les anciens locaux furent vendus à des particuliers.
Dans sa séance du 10 février 1861, le Conseil municipal de Rouffach décide de l’achat du bâtiment déjà cité, soit à l’amiable, soit par voie d’expropriation pour cause d’utilité publique. Un accord ne peut être trouvé avec tous les propriétaires. L’expropriation fut décidée par jugement du tribunal civil de Colmar en date du 2 juin 1862. Le dernier obstacle au dégagement de l’église et de la place disparaît ainsi, la voie pour la grande entreprise de restauration et d’achèvement de Notre-Dame est ouverte.
Pierre Paul Faust
plan du 20 avril 1861 : Projet d’acquisition par la ville de Rouffach de cinq maisonnettes dont
l’emplacement devra servir à l’agrandissement de la place du Marché
Plan détaillé et élévation des dites maisonnettes / 1862
Ces "Fräulein Häuser" auront finalement connu une courte vie dans le paysage de la place de l'église: 130 ans, de 1732 à 1862, et 16 ans seulement dans leur destination première, qui était d'accueillir les Demoiselles de l'Instruction chrétienne!
Quelques remarques et mises au point...
Au sujet des Demoiselles de l'Instruction Chrétienne:
Au sujet de ces dernières, voici un extrait d'un article paru dans obermundat.org sous le titre La place des femmes à l'église de Rouffach
François David D’OLIVIER, est curé doyen de l’église Notre-Dame (1720-1737). Les demoiselles d’Olivier, ses deux sœurs, sont les demoiselles (ou dames) de l’instruction chrétienne, une institution qu’elles ont fondée en 1724 à Ensisheim pour l’instruction des jeunes filles.
En 1725, l’une d’elles, Madeleine, vient à Rouffach chez son frère, Elle parvient à fonder une petite communauté dégagée de la prononciation de vœux. En 1748 la communauté achète le grand bâtiment, dans la Zwingelgasse (Fräulein Gasse, actuelle rue des Ecoles), qui allait devenir par la suite l’école des filles de Rouffach. La même année, le 11 avril 1748, décède Magdalena d’Olivier, « institutrix virginum doctrinae Christianae, quae sequenti die sepulta fuit in ecclesia prochiali coram altari sancti Laurentii ». Les anciens locaux furent vendus à des particuliers. La maison de Rouffach subsista jusqu’en 1793 ; elle fut vendue comme bien national et les Demoiselles pensionnées comme religieuses. Après les tourments révolutionnaires il semble bien qu’elles aient repris leur activité dans la maison dite « Golbéry » de la Zwingelgasse. En 1811, la dernière «supérieure », Regina ou Reine KLOPP lègue tous les biens de la communauté à la ville, à la condition expresse « qu’un nombre suffisant des sœurs de la Providence ou de toute autre société approuvée par le gouvernement sera mis et chargé de donner dans deux classes différentes, l’une primaire et l’autre plus élevée, aux jeunes filles de Rouffach une éducation et instruction conforme et convenable à leur état». (communication de François Boegly)
Au sujet de la "maison Golbery":
Au sujet de la "maison Golbéry" de la Zwingelgasse, voici ce qu'en dit la notice Mérimée du Ministère de la Culture (notice de 1997 qui ne rend pas compte de la restauration du bâtiment et de sa nouvelle affectation):
Grande maison construite vers 1695 par le procureur de l'évêque de Strasbourg, Sylvain Golbéry, non loin de, ou à l'emplacement de l'ancien arsenal. Après sa mort, en 1738, l'immeuble fut acheté par les demoiselles de l'Instruction chrétienne pour y installer un pensionnat. Il fut agrandi et restauré en 1748, essentiellement dans l'aile ouest : fenêtres à linteaux en arc segmentaire, escalier à retours en bois. En 1811 il fut légué à la ville pour ouvrir une école de filles dirigée par les sœurs de la Providence. En 1960 une nouvelle école fut construite à un autre emplacement et ce bâtiment fut occupé par les différentes associations de la ville. Il est actuellement en mauvais état de conservation. Dans la cour antérieure, une salle d'asile (école maternelle) fut élevée en 1842.*
* dont les rouffachois se souviennent comme de l'école maternelle Sœur Marie Cyrienne...
Au sujet de la démolition des remparts et des portes de la ville:
Les remparts de Rouffach n'ont pas été, comme on a pu le lire récemment sur Facebook, démolis à la fin du XIXème siècle mais au tout début du XIXème siècle, quelque années après la Révolution: le lecteur pourra se reporter au récit qu'en fait un témoin oculaire digne de foi, l'abbé Jean Michel Vogelgsang, dans son Journal d'un prêtre rouffachois sous la Terreur
Démolition des portes de la ville…
Den 10 ten Jenner würde durch den Maire in Gegenwart eines ernannten Ingenieurs, die Abbrechung der Thore versteigert. Das Colmarer Thor zu 350 Pf., das Sennheimer aber zu 450 Pf. Den 18 ten Jenner wurde mit Abbruchung der Thore angefangen. In 6 Wochen ware alles vollendet, was die Abbrechung betrafe. Der Raum kame erst lang hernachhinweg. Der Unwillen ist allgemein darüber, in dem in den Reben und Ländern die Gelegenheit zu stehlen so sehr befördert ist.
10 janvier 1804 Le 10 janvier, le maire assisté d’un ingénieur, procéda à l’adjudication des travaux de démolition des portes de la ville...La Porte de Colmar fut adjugée à 350 livres mais celle de Cernay fut adjugée à 450 livres... Les travaux de démolition commencèrent le 18 janvier. Les travaux durèrent 6 semaines au bout desquelles la démolition proprement dite fut terminée mais les matériaux ne furent évacués que bien après...
Jean Michel Vogelgsang
Rouffach était entourée d’un double mur d’enceinte, avec des portes et des tours: les portes, nous les connaissons et quoique disparues, nous savons les situer:
- Froeschwiller Thor, porte de Froeschwiller, porte est dite porte de Neuf Brisach, c'est la porte Est de la ville, à la hauteur de la maison au n° 1 de la rue Charles-Marie Widor, marquée du petit écu de la ville
- Thorlein, la Poterne, petite porte piétonne, à l'issue de l'actuelle rue de la Poterne
- Reingrafen Thor, porte des Rhingraves, la porte Sud dite porte de Cernay, à la hauteur de la maison n° 11 rue des Remparts, marquée du petit écu de la Ville
- Riss Thor, la porte de l’ancienne route qui contournait le château, à la hauteur de la maison à l'angle de la rue Riss et de la rue de Pfaffenheim. Le petit écu de la ville qui ornait la façade a disparu.
- Neuwes Thor, la porte neuve, porte Nord dite porte de Colmar, à la hauteur de la maison n° 4 de la rue Poincaré, également marquée du petit écu de la ville.
Bien sûr qu'aujourd'hui ces remparts, ces tours et ces portes monumentales ajouteraient un charme supplémentaire à notre ville de Rouffach si on les avait préservés, mais faut-il pour autant intenter un procès à la municipalité d'alors, qui en a décidé la démolition il y a plus de deux siècles ?
Gérard Michel