La sainte famille au repos pendant la fuite en Egypte (Musée Unterlinden Colmar)
Un paragraphe de l’article publié le 29 décembre 2020, Le clocher tors de l’église Notre-Dame de Rouffach, dont le sujet était la flèche de la tour sud, démolie avant les grands travaux du XIXème siècle, a suscité des remarques de lecteurs qui m’ont permis de revoir et corriger ma copie. Voici le paragraphe en cause :
Ce clocher de la tour Sud de Rouffach n’a pas été conservé et pour cause : s'il était vrillé, cela ne devait rien à la volonté et à l'art d’un maître charpentier qui aurait voulu réaliser là son chef d’œuvre, mais à sa mauvaise construction et à sa vétusté : il représentait même un danger permanent et il était plus qu'urgent d'intervenir !
C'était là une conclusion hâtive, en commentaire du rapport de l’architecte colmarien P.F.Janinet sur l’état de l’église, dressé le 2 juillet 1816 :
La tour dont il vient d’être question est surmontée actuellement par une flèche couverte en tuiles, dont la charpente est en sapin : font craindre à chaque instant qu’elle ne vienne à s’écrouler. Les pièces principales qui la soutiennent sont entièrement pourries par leur pied, leur inégale résistance a fait éprouver à toute la charpente un mouvement de torsion, en sorte que la flèche a perdu son aplomb et penche considérablement du côté de la place où se tiennent les marchés publics.
L'article intitulé La chasse aux marques lapidaires continue!, rendait compte de la découverte de l'une des rares traces laissées par l'ordre du Saint Esprit dans le paysage urbain de Rouffach. Dans l'un des jambage du portail de l'ancienne ferme de la rue Ullin avaient été réemployées deux blocs de pierre (remontées à l'envers!) sur lesquels figurent deux écus. L'un d'entre eux représente la croix de l'ordre des Hospitaliers du Saint-Esprit. Nous n'avons pas su interpréter alors le second écu, mais dans un commentaire à cet article, un lecteur d'obermundat.org, M. Denis Heissler, émet l'hypothèse qu'il pourrait s'agir des armoiries de la famille Zuckmantel de Brumath. Depuis, cette ancienne ferme a été démolie pour céder la place à un projet immobilier, mais les deux pierres remarquables ont été préservées et offertes à la Ville de Rouffach par l'ancien propriétaire. Sur l'envers de l'une d'elle, que l'on ne pouvait apercevoir lorsqu'elle était en place, a été découvert un troisième écu, dont nous avons soumis une photographie à M. Denis Heissler qui, très aimablement, a accepté d'entreprendre des recherches pour l'identifier, à la suite desquelles il nous propose l'interprétation qui suit:
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Peut-être un lecteur attentif aura-t-il remarqué en fouillant sur la photo de la façade Notre-Dame de Rouffach par Adolphe Braun, après 1849 et avant 1867,, cette forme insolite abandonnée au sommet de la tour nord ? De quoi pouvait-il bien s'agir? Elle n'apparaît pas dans le décor de la nouvelle tour érigée en 1872, après que l'on eut démoli l'ancienne pour en refaire les fondations.
A y regarder de plus près, en agrandissant au maximum la photographie, on parvient à distinguer une forme sculptée, celle d'une chimère ou d'une gargouille, qui aurait été abandonnée là, au sommet d'une tour qui ne sera jamais terminée, oubliée sur le chantier de construction de la façade, dans le premier quart du quatorzième siècle !
Ci-dessus: la chouette, figure de ceux qui fuient la lumière de la parole divine...
(façade ouest de l'église Notre-Dame, photo g.m.)
Au touriste qui demande pourquoi la tour sud de l’église Notre Dame de Rouffach, celle de droite, est restée inachevée, il lui est invariablement répondu que les travaux avaient été interrompus par la guerre de 1870…Ce qui n’est que partiellement exact puisque les travaux ont repris au printemps 1872 et se poursuivront sans interruption jusqu’à la réception définitive, en 1879.
Mais il sera laissé à une autre génération le soin de faire élever la deuxième tour de la façade ouest et d’achever le monument, en coiffant les deux tours de leurs flèches…
Photographie Adolphe Braun 1859
Au vu des gravures, lithographies et rares photographies réalisées avant les grands travaux de l’église Notre-Dame de Rouffach, la flèche qui surmontait la tour sud parait torse, tournée en spirale. L’Alsace compte plusieurs de ces clochers tors ou flammés à la flèche spiralée, et ces clochers particuliers sont même regroupés en association Les clochers tors d’Europe. L’un des plus connus, proche de nous, est celui de l’église saint Gall qui fait la fierté de Niedermorschwihr.(68)
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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