Les rouffachois connaissent bien cette lithographie réalisée d'après un dessin de J Rothmüller (1804-1862): elle représente l'état de l'église paroissiale de Rouffach avant les grands travaux entrepris en 1867 qui se poursuivront jusqu'en 1879, avec une interruption causée par les troubles de la guerre de 1870. Sur cette image figurent encore deux édifices aujourd'hui disparus, la Neuhaus, nouvelle Maison de Ville et la Metzig, nouvelle boucherie.
Sur le mur nord de l'église sont encore représentées les baraques et échoppes érigées entre les contreforts de l'église qui disparaîtront pour permettre les travaux à l'église, après près d'un demi-siècle de tractations parfois tumultueuses entre les propriétaires, le Conseil de Fabrique et la Commune. Le mur sud était également pourvu de constructions identiques que les textes appellent tantôt en français baraques, échoppes ou cabanes et en allemand gaden,
Il subsistait encore il y a quelque temps, avant les récents travaux de restauration des enduits, des traces de ces constructions, laissées par la fumée des forges ou des cheminées qui y étaient installées. Des trous de boulins destinés à recevoir des corbeaux insérés dans le mur et qui soutenaient la panne faîtière, restent visibles et marquent la hauteur de ces bâtisses.
De quand datent des constructions? Aucun document écrit ne permet aujourd'hui de répondre à cette question, mais il est probable que les premières ont été contemporaines de la construction de l'église, abritant à l'origine les ateliers des artisans œuvrant au chantier de Notre-Dame. Ces appentis sont restés en place et loués à d'autres artisans qui les ont transformés en ateliers et en échoppes, versant à la fabrique de l'église des cens dont nous retrouvons la trace dans les livres censiers de l'église Notre-Dame: la plus ancienne que nous ayons trouvée date de 1420 (A.M.R. A / GG 19). L'hospice du Saint-Esprit, voisin, tirait également profit d'échoppes adossées aux murs de son église.
Située au cœur de la vie commerçante de la ville, la place était idéale pour les boutiques des petits métiers. La vente, celle des denrées alimentaires comme celle des objets manufacturés, cuirs, tissus, poteries... est proposée les jours de marchés ou les jours des quatre grandes foires annuelles, autour de la place du Marché et de la place de l'église sur des étals, regroupés par métiers: bouchers, poissonniers, boulangers, tanneurs... La marchandise est disposée sur des Bank, littéralement des bancs, et non pas dans des échoppes, mais à l'extérieur des maisons, sous les arcades d'une Laube ou sous un auvent ou appentis, adossé aux maisons de la place. A Rouffach pas de halle de marché comme on peut en trouver d'anciennes dans d'autres régions, mais une place bordée de maisons s'ouvrant sur des arcades, celles du Neuhaus, Tanzhaus, ou Kornhaus, entre autres. On n'entre pas dans une échoppe pour acheter comme on le fait aujourd'hui, la marchandise est exposée dans la rue, hors de la boutique ou de l'atelier... Les échoppes, autour de l'église, participent du même principe.
Après la Révolution, ces biens appartenant à la fabrique de l'église devinrent bien national et furent vendus à des particuliers, par Joseph Nithard, patriote effréné et commissaire du gouvernement, l'un des principaux acteurs de la Terreur à Rouffach. Il semblerait qu'à partir de ce moment l'utilisation que les nouveaux propriétaires firent de ces baraques et échoppes échappa à tout contrôle, s'éloignant de leur destination initiale et laissant place à des activités peu en accord avec la dignité du lieu: buanderie, écurie à chevaux, étable à cochons, fosse d'aisance, forge de cloutier et logement! L'un des propriétaires prit la liberté de rehausser son échoppe, recouvrant une partie de fenêtre, nuisant ainsi à la clarté de l'église. Jean Müller, quant à lui, utilisa un espace vaquant pour construire, sans la moindre autorisation, un nouveau bâtiment...
Les nuisances produites par ces constructions se répandaient évidemment dans l'église, incommodant les prêtres et les fidèles par la fumée et les mauvaises odeurs. Et c'est là que débute une procédure qui s'étalera sur près d'un demi-siècle et qui finira par la démolition de toutes les barraques. Elles ne figurent plus sur la photo d'Adolphe Braun de 1859. Notons que sur cette photo apparaissent encore nettement les traces de la pente de quelques toitures, en particulier de part et d'autre du portail principal.
Adophe Braun 1859
Toutes les pièces de cette affaire constituent un épais dossier conservé aux archives municipales de Rouffach dont je livre au lecteur quelques pièces. Même si la lecture en est peut-être un peu lassante, les épisodes de la valse-hésitation entre les différents protagonistes, le Conseil de fabrique de l'église, le Maire, le Conseil municipal, la sous-préfecture, la préfecture du Haut-Rhin et les propriétaires des baraques, ne manquent pas d'intérêt et méritent qu'on s'y attarde. Nous qui nous plaignons de la bureaucratie et des tracasseries administratives, nous pouvons constater qu'elles ne datent pas d'aujourd'hui!
Archives du département du Haut-Rhin
- 6 Pluviose an 5 (25 janvier 1797)
Expertise
L’an 5 de la République Française une et indivisible, le sixième jour du mois de Pluviose, nous Jean Michel Frick arpenteur géomètre de Rouffach, expert nommé par la délibération de l’administration du département du Haut-Rhin en date du douze Messidor dernier, et Louis Bourgeois, citoyen de Rouffach expert nommé par le citoyen Joseph Nithard de Rouffach par sa soumission d’acquérir le domaine national ci-après désigné en date du vingt-quatre fructidor ensuivant, à l’effet de procéder à l’estimation en revenus et en capital sur le pied de 1790 du susdit domaine, nous sommes en conséquence de la commission à nous donnée par l’administration du département en date du dix neuf nivôse dernier, transporté à huit heures du matin chez le commissaire du directoire exécutif près le canton de Rouffach qui nous a accompagnés sur les lieux et héritages ci-après désignés et aussi en présence du citoyen Nithard, le soumissionnaire, où après avoir examiné d’état des bâtiment, les matières de leur construction, la longueur, la largeur et hauteur des dits bâtiments, leur clôture et leurs accès et mesuré les terrains qui en dépendent, avons reconnu que le domaine soumissionné consistait en trois boutiques adossées contre l’église paroissiale de Rouffach, y situées et provenantes de la fabrique du dit lieu, bâtis en moilons (moellons) et dans les angles de l’église, de la hauteur sous toit, d’environ huit pieds, séparées et divisées en neuf petites pièces, en conséquence sommes d’avis que les dites boutiques valaient en 1790, en revenu annuel la somme de quatre vingt deux livres. Lequel revenu, multiplié par 18 fois d’après la loi, donne en capital la somme de 1476 livres.
Le commissaire du directoire exécutif ni le soumissionnaire en nous ayant fait aucune observation dans le cours de nos observations, nous avons fait et rédigé le présent notre procès-verbal que nous affirmons sincère et véritable, après avoir opéré pendant un jour, et, a le commissaire du directoire exécutif et le citoyen Nithard le soumissionnaire signé avec nous après lecture faite.…
Enregistré à Rouffach le sept pluviôse de l’an cinq de la République
Certifié pour copie conforme à l’original déposé aux archives du département par le soussigné secrétaire général de la préfecture du Haut-Rhin, Colmar, le 1er septembre 1827
- Contrat de vente où il s’agit de maisons et usines pour lesquelles il n’y avait pas de bail existant en 1790, du quatorze brumaire 6ème année républicaine (4 novembre 1797)
Nous, administrateurs du Département du Haut-Rhi, pour et au nom de la République française et en vertu de la loi du 28 Ventôse dernier, en présence et du consentement du Commissaire exécutif, avons par ces présentes vendu et délaissé dès maintenant et pour toujours, au citoyen Joseph Nithard de Rouffach à ce présent et acceptant pour lui ses hoirs et ayant cause les domaines nationaux dont la désignation suit :
Les boutiques accolées contre l’église de Rouffach ainsi qu’elles sont énoncées avec les terrains en dépendant par le procès-verbal d’expertise du ce pluviôse an 5 de la République, enregistré au bureau de Rouffach le lendemain sept qui a demeuré annexé au présent contrat passé en exécution de l’arrêté du 12 courant, enregistré sous N° 541, à charge pour lui de ne rien entreprendre qui puisse porter préjudice aux bâtiments de l’église ni en intercepter le jour. Les dits biens dépendant de l’église de Rouffach et évalués conformément à l’article 8 de la loi du 28 Ventôse, par le procès-verbal d’estimation du 6 Pluviôse an 5, des citoyens Louis Bourgeois de Rouffach, expert nommé par l’acquéreur… et Jean-Michel Frick, arpenteur juré du dit Rouffach… en revenu net à la somme de (..)82 livres et en capital celle de 1476 livres.
Lesdits biens sont vendus avec leurs servitudes actives et passives, francs de toutes dettes, rentes foncières constituées ou hypothéquées, et de toutes charges et redevances quelconques, pour par l’acquéreur entrer en propriété, possession et jouissance, à compter de ce jour, les fermages de la récolte de l’an quatrième devant être partagés suivant la loi, et ceux des récoltes précédentes, à quelques époques que les termes soient échus ou doivent échoir, restant réservés à la maison
A charge par l’acquéreur
- De prendre les dits biens dans l’état où ils sont …
- De ne pouvoir exiger d’autres titres de propriété que ceux qui pourraient lui être remis amiablement
- De payer
- Les vacations d’experts et commissaires, papiers et enregistrements Procès-Verbaux et l’enregistrement de la présente vente
- Un demi pour Cent du montant du bien principal
Registre des délibérations du conseil de fabrique n°1 1811-1839
1. Séance du 7 juillet 1811
Les membres du bureau ayant examiné les différents petits bâtiments adossés à l’église, qui, avant la Révolution en faisaient partie mais qui ont été aliénés par soumissions, excepté un seul que Jean Müller, menuisier, a fait bâtir autoritairement et sans permission légale, ont reconnu que les uns y ont établi des ateliers de cloutier qui, par la fumée du charbon, infectent l’église ; que d’autres y ont pratiqué des écuries et étables à porcs, qui infectent encore l’église ; qu’un autre s’est avisé à élever son échoppe, ce qui ôte de la clarté à l’église.
Considérant que Jean Müller a bâti sans autorité légale, il est dans le cas de la démolition ; considérant que les autres bâtiments, par l’usage qu’en font les propriétaires, portent non seulement préjudice à l’édifice de l’église mais infectent ladite église, considérant que chargés de veiller à la dignité de l’exercice du culte, il est de notre devoir de dénoncer ces faits au conseil de fabrique, à lequel expédité des présentes lui sera transmise.
2. Séance du 4 avril 1813
Vu par le bureau
- sa délibération du 7 juillet 1811, relative aux inconvénients résultants de la destination que les propriétaires des échoppes adossées à l’église ont donné aux bâtiments et à l’illégalité des constructions entreprises par Jean Müller,
- celle du conseil de fabrique du 8 juillet 1812
- la délibération du conseil municipal du 21 février dernier
- les articles 555 et 674 du Code Napoléon
Considérant que tous les propriétaires des échoppes dont s’agit se trouvent dans le cas de l’un ou l’autre des articles précités ; et que le Conseil de fabrique serait obligé d’exercer des poursuites judiciaires contre eux pour faire réprimer les inconvénients qu’occasionnent les différentes destinations qu’ils ont données aux échoppes s’ils ne se rendaient justice eux-mêmes
Pour donc connaître leurs intentions et pouvoir les apprécie, le Bureau les a fait appeler.
Iceux comparus, ont dit :
- Antoine Schmersheim, tourneur : qu’il offre d’abandonner à la Ville son échoppe, sous laquelle il a une écurie et un pressoir ; si la Ville veut lui concéder derrière sa maison, du ci-devant cimetière, un terrain au peu près étendu que celui sur lequel se trouve son échoppe, et l’indemnisation des frais de bâtisse
- Laurent Von Mögen, vitrier : qu’il offre pareillement d’abandonner son échoppe sur laquelle il a écurie et fosse d’aisance, sous les mêmes conditions …
- Joseph Ley, serrurier, offre d’abandonner son échoppe dans laquelle il a établi son atelier, en lui remboursant le prix qu’il en a payé
- La femme S…., offre de même d’abandonner son échoppe dans l’une desquelles elle demeure, moyennant le remboursement du prix qu’elle a payé
- Xavier Meyer, père, menuisier, offre aussi d’abandonner son atelier, sous laquelle il y a atelier et forge de cloutier, atelier d’arquebusier et une buanderie en lui remboursant le prix qu’il en a payé
- Jean Riegert, propriétaire d’une échoppe dans laquelle il y a une buanderie, n’est pas comparu, non plus que les héritiers Jean Müller.
Considérant que dans (ces) offres, il résulte que l’église paroissiale de Rouffach sera entièrement débarrassée de tous les inconvénients dont elle est infectée, si la Commune veut y contribuer, en concédant aux uns des terrains qui ne sont d’aucun rapport et un remboursant aux autres le prix d’acquisition, ce qui se concilie avec l’article 545 du Code Napoléon, arrête que copie des présentes sera transmise au Conseil municipal
Archives municipales de Rouffach M12 / M 13
1824, 30 octobre Le sous-préfet de l’arrondissement de Colmar au Maire de Rouffach
Monsieur le Maire,
Dans sa séance du 12 mai dernier, le Conseil municipal de votre commune s’est occupé des moyens de faire disparaître les baraques qui ont été successivement construites contre les murs extérieurs de l’église paroissiale et qui sont aussi préjudiciables à la conservation de cet édifice que contraires à la décence. D’après les intentions manifestées par le Conseil, la Ville achèterait ces baraques de la part de propriétaires actuels et les ferait démolir.
Je ne puis qu’applaudir à ce projet, cependant il me semble que les intérêts de la Ville seraient lésés si elle se croyait obligée de traiter dans cette circonstance, comme avec des propriétaires fondés en titre. Telle n’est pas, en effet, la position de ces individus. Leur titre de propriété qu’ils tiennent du gouvernement, stipule expressément qu’ils ne pourront jouir des biens vendus que de la manière dont ont joui ou dû jouir les précédents détenteurs. Or il est constant que les concessions de places qui ont eu lieu originairement, n’avaient pour objet que l’établissement de quelques échoppes qui se trouvent aujourd’hui converties en maisons d’habitations. La Ville ne saurait donc être forcée de payer la valeur réelle de ces baraques et, en cas de contestation, elle pourrait espérer avec raison que les tribunaux reconnaîtraient ses droits.
Il convient donc de tenter amiablement des moyens de conciliation. Je vous prie de faire comparaître devant vous les propriétaires actuels des baraques dont il s’agit, de leur faire les observations qui précèdent et de recevoir par écrit leurs offres de cession à un taux modéré. Il importe de ne pas laisser ignorer à ceux qui refuseraient de souscrire à une cession volontaire, ou qui feraient des conditions trop onéreuses, que la Ville est en droit de les poursuivre en déguerpissement devant les tribunaux ou du moins de les contraindre à démolir des constructions illégalement entreprises. Il sera dressé à cet effet un procès-verbal que vous soumettrez ensuite au Conseil municipal qui émettra son avis sur les offres qui auraient été faits et qui proposera les moyens d’accommodement les plus convenables.
Je joins ici la copie de l’acte de vente que vous m’avez fait parvenir et je désire, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire verbalement, que cet objet soit traité sans retard
Recevez, Monsieur le Maire, l’assurance de ma considération distinguée
Le sous-préfet de l’Arrondissement de Colmar
1825 , 29 mars Procès-verbal n° 10
Le vingt neuf mars mil huit cent vingt-cinq et jours suivants :le soussigné Durand Edme Joseph, Maire de la Ville de Rouffach, ayant fait comparaître devant lui à l’hôtel de Ville les différents propriétaires des échoppes et baraques adossées à l’église paroissiale de cette ville, dont on projette de débarrasser cet édifice et qui font l’objet du rapport adressé à Monsieur le Préfet le trente janvier dernier par l’architecte directeur des travaux communaux de l’arrondissement de Colmar à fin de traiter avec eux de gré à gré du prix de vente des mêmes échoppes et baraques. Après que les mêmes propriétaires ont reçu de la part du Maire soussigné communication du rapport ci-dessus ainsi que de leur contrat primitif d’acquisition sous la date du quatre novembre 1797 par lequel il est prouvé qu’ils font des propriétés y désignées un usage contraire à celui que leur accorde le contrat précité
- Le sieur Müller Michel, journalier, propriétaire sous n° 1 veux (sic) le céder pour la somme de 950 fr. Il est notoire que Muller est pauvre et que la maison ci-dessus est sa seule propriété qui est encore engagée pour dettes (voir son titre d’achat en date du 25 juillet 1813 chez Me Kugler)
- Le Sieur Kauffmann Antoine, propriétaire des deux boutiques de cloutier désignés dans le rapport sous les n° 2 et 3, veux les céder pour 600 fr. Les deux boutiques étaient fort avantageusement situées pour le débit de sa marchandise, Kauffmann a fait entrer cet avantage dans le prix de sa cession (voir son titre d’achat du 26 sept. 1813 chez Me Kugler)
- Le Sieur Kiené Joseph, marchand mercier, propriétaire de la maison sous n° 4, veux la céder pour 600 fr. Cette maison est d’une grande utilité au Sieur Kiéné pour son commerce, il a fixé son prix de cession en conséquence (voir l’acte de partage des héritiers Meyer du 26 septembre 1813 et l’acte d’échange du 11 juin 1820 chez Me Kugler)
- Le Sieur Riegert Jean Etienne, propriétaire du hangar sous n° 5, ne veux céder cet immeuble que pour 900 fr.Ce hangard (sic) est pour ainsi dire indispensable au Sieur Riegert sous le rapport de son agriculture, ainsi que de la profession d’aubergiste : ainsi le prix qu’il en demande s’y trouve-t-il proportionné.
- L’épouse du Sieur Riegert Vve Dominique Riegert a apporté en seconde noces le dit immeuble que lui a délaissé son premier mari qui lui-même a acquis ces deux boutiques de Nithard, le 5 novembre 1797, l’une pour 354, l’autre pour 389 fr.
- Marianne Ketterlé, célibataire, propriétaire de la maison sous N° 6, veux la céder moyennant la somme de 700. La fille Ketterlé se trouvant seule et pour ainsi dire abandonnées, tiroit de sa maison un parti avantageux par sa position.
- Schann André, propriétaire de la baraque sous N° 7, veux la céder pour 300 fr.
- Quoique cette baraque est très utile à Schann qui est potier de terre pour le débit de sa marchandise, il n’a cependant fixé le prix de cession qu’à celui que la baraque lui coute. (le contrat d’acquisition ne porte que 200 fr., mais Schann atteste avoir payé en outre comme pot de vin 100 fr. de plus / voir l’acte de vente du 9 mai 1813 devant Me Munsch.
- Ley Joseph, maître serrurier, propriétaire de la boutique sous N° 8 ne veux la céder que pour 700 fr. Ley est très pauvre, chargé d’une nombreuse famille et sa boutique fait pour ainsi dire toute sa fortune. Il doit donc y attacher le prix convenable.
- C’est une remise appartenant à la ville, elle est sans N°
- Von Mögen Laurent, vitrier, propriétaire des baraques sous N° 10 et 11, ne veux les céder qu’à 600 fr. Ce prix qui est modique en comparaison des autres résulte de ce que la ville projetoit de donner à Von Mögen en échange une portion du terrain communal derrière sa maison.
- Schmersheim Antoine, maître tourneur, propriétaire de la baraque sous N° 12, ne veux la céder que pour 800 fr,[1] quoiqu’il soit offert à Schmersheim une portion du terrain communal derrière sa maison, la cession que l’on exige de son immeuble doit lui être pénible parce que sa maison, qui présente fort peu de localité, se trouvera encore plus resserré par la baraque dont on le prive et qu’il ne pourra jamais remplacer convenablement par une autre bâtisse sur le terrain communal à céder, cas qui le mettra peut-être dans la nécessité de vendre sa maison.
Après avoir fait ainsi le détail de tout ce qui devait faire l’objet du présent Procès-Verbal, le Maire, avant de clore croit de son devoir d’y insérer les observations ci-après :
Quoique sous le rapport des immeubles détaillés ci-devant, les individus qui en sont propriétaires ne se trouvent point dans une position avantageuse vis-à-vis de la ville et que celle-ci puisse tirer de nombreux avantages non seulement de cette position mais même des clauses et conditions sous lesquelles les mêmes immeubles ont été vendus par le Gouvernement le 4 novembre 1797, il est cependant juste de considérer que les propriétaires dont il est question ont possédé jusqu’ici les échoppes et baraques adossées à l’église sans trouble, qu’ils les ont même possédé de bonne foi, que précédemment les autorités locales leur ont toujours laissé ignorer la position fâcheuse où ils se trouvaient par suite de la vente précitée. C’est en conséquence de cette ignorance que les mêmes échoppes et baraques ont changé tour à tour de propriétaires, qu’aux usages auxquels elles servaient primitivement on en a substitué d’autres et que de là il est résulté une subversion totale des principes sur lesquels reposent les clauses et conditions de l’avant dite vente, il seroit donc contraire à toutes les lois de l’équité de forcer la cession de ces baraques et échoppes en ne consentant qu’à des prix basés sur les droits que la ville est à même d’invoquer.
Fait à l’hôtel de Ville de Rouffach, le 1er avril 1825
Le Maire Durand
[1] Ce particulier jouit de cette échoppe pour une étable … ce local servait autrefois à la ville pour dépôt de tuiles pour l’entretien de la toiture de l’église. Soumissionné par Nithard, il céda cette échoppe à Brandscheid, alors agent municipal, par acte du 5 octobre 1797 chez Me Kugler, pour 362 francs, mais Brandscheid ayant acquis par la ville et n’ayant pu être autorisé, aurait cédé à Helmann l’ainé d’après la déclaration de celui-ci qui, quelque instance que le Maire lui aye fait d’indiquer le notaire où se trouvait son titre d’acquisition ou de le produire s’il l’avait en possession, il n’a encore rien fait, il recule toujours même pour exhiber une quittance de de paiement, enfin aucun indice qu’il soit devenu propriétaire du local en question…
1846, 12 septembre Estimation des barraques
Procès-verbal d’estimation des barraques adossées à l’église paroissiale de Rouffach dont la ville a projeté l’acquisition par voie d’expropriation pour cause d’utilité publique, lequel procès-verbal est dressé en conformité de la lettre préfectorale du 25 août.
Nous soussignés, Dietrich Aloyse, Deubel Jean, Schemmel Joseph, Claudon Nicolas, Hassenforder Jean, Durand Edmée Joseph, tous les six propriétaires domiciliés à Rouffach et membres de la Commission chargée de la négociation des barraques adossées à l’église paroissiale de cette ville dont cette dernière a formé le projet d’acquisition par la voie de l’expropriation pour cause d’utilité publique délégués par le Conseil municipal aux fins de procéder à l’estimation des dites propriétés figurées sur le plan dressé par nous le Jeune, architecte du département sous la date du 27 juillet sous les n° 1 à 9 de la légende et de la contenance ci-après désignée :
- n°1 appartenant à Schann Andres, potier 0 ares 13 centiares
- n°2 idem au même 0 ares 13 centiares
- n°3 idem à Schmersheim Antoine Veuve et héritiers 0 ares 17 centiares
- n°4 idem à Müller Michel, journalier 0 ares 35 centiares
- n°5 idem à Witz Benoît, cabaretier 0 ares 37 centiares
- n°6 idem au même 0 ares 43 centiares
- n°7 idem à Riegert Jean 0 ares 19 centiares
- n°8 idem à Fürderer à Colmar 0 ares 18 centiares
Nous nous sommes en conséquence rendus sur les lieux et notre arbitrage a fait reconnaître que les terrains ci-dessus relatés comportaient ensemble une contenance de deux ares seize centiares estimés à une valeur vénale de quatre mille cinquante francs suivant le détail ci-après :
- n° 5 appartenant au sieur Witz, une somme de 375 francs
- n° 6 appartenant au même, 375 francs
- n° 7 appartenant au sieur Riegert, 225 francs
- n° 8 idem, au sieur Fürderer, 675 francs
- n° 1 idem, au Sieur Schann Andres, 300 francs
- n° 9 idem, au même, 300 francs
- n°2 idem, au Sieur Hermann 600 francs
- n° 3 idem, à Schmersheim 450 francs
- n° 4 idem, au Sieur Müller Michel 750 francs
Notre estimation ainsi terminée, nous avons … dressé le présent procès-verbal que nous affirmons sincère et véritable
Rouffach le 12 septembre 1846
19 août 1847 Le préfet du Haut-Rhin au Maire de Rouffach
Monsieur le Maire
Sur la demande exprimée dans votre lettre du 9 de ce mois, j’ai l’honneur de vous adresser ci-joint :
- Une copie de l’ordonnance royale en date du 28 février 1847, qui a déclaré d’utilité publique la démolition des masures adossées à l’église de votre ville et qui a autorisé l’acquisition de ces masures, soit à l’amiable soit, s’il y a lieu, par application des dispositions de la loi du 3 mai 1841
- Une expédition de la délibération du Conseil municipal de Rouffach, en date du 26 avril 1847, relative à cette acquisition
J’ai l’honneur, Monsieur le Maire, de vous offrir l’assurance de ma considération très distinguée
Le Préfet du Haut-Rhin
1847 19 août Le préfet du Haut-Rhin au Maire de Rouffach
J’apprends avec surprise que les barraques qui entourent l’église paroissiale de votre commune n’ont pas encore été démolies et que, par la suite, la continuation des travaux de consolidation de ce monument se trouve arrêtée.
Je ne vois pas qu’elle (sic) peut être la cause de ce retard, alors que l’acquisition de ces barraques s’est fait amiablement et qu’elle est aujourd’hui consommée.
Je vous prie, en conséquence, Monsieur le Maire, de prendre immédiatement les dispositions nécessaires pour que ce retard ne se prolonge pas davantage et je désire que vous me rendiez compte, dans un court délai, du résultat de ces mêmes dispositions.
Vous aurez, d’ailleurs, à faire prévenir directement le Sieur Deffayet de la démolition des barraques, afin qu’il puisse reprendre les travaux de consolidation dont il s’agit.
J’ai l’honneur, Monsieur le Maire, de vous offrir l’assurance de ma considération très distinguée
Le Préfet du Haut-Rhin
Fin de l'épisode!
Pour les lecteurs courageux qui sont arrivés jusque là:
Rouffach n'est pas la seule Ville a avoir été confrontée à de telles tracasseries: ces constructions adossées aux églises ont existé un peu partout avant que le XIXème siècle décide de faire raser ces bâtisses jugées "insalubres, préjudiciables à la conservation des édifices et contraires à la décence".
Certaines, mais il s'agit de constructions en dur, pierres de taille, colombages... ont subsisté et participent à l'intérêt et au charme de l'édifice.
Une petite anecdote pour terminer: dans l'un de ses articles, Geiler de Kaysersberg, prédicateur à la Cathédrale de Strasbourg de 1478 à 1510, s'interroge s'il était légitime de construire contre les murs des églises. Il s'élève contre les désordres auxquels se livrait la jeunesse aristocratique de la ville dans ses moment de gaîté: viols, attentats contre les femmes de la bourgeoisie, pillages et dévastations... le moindre de ces débordement, écrit-il, était de découvrir pendant la nuit toutes les toitures des barraques adossées à la cathédrale!
La jeunesse "dorée" de la Cour de l'évêque se livrait-elle également à de tels divertissements, lorsque sa Seigneurie résidait en son château d'Isenbourg?
Gérard Michel
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