Le premier exposé sur l’église Notre Dame de l’Assomption de Rouffach était axé sur les importants travaux de restauration de ce vénérable édifice exécutés de 1867 à 1875.
Cette deuxième étude, qui comprend la période de 1869 – 1899 doit nous rappeler les gros efforts financiers consentis par les rouffachois pour la décoration et l’ameublement de leur sanctuaire. Il faut être conscient de la valeur de ce patrimoine qui nous a été légué et qui témoigne du savoir faire des différents artistes, tout comme de la ferveur et des moyens mis en œuvre par la commune, la paroisse et les habitants pour son acquisition.
Il ne s’agissait pas seulement de remplacer un matériel quelconque mais bien de pourvoir l’église d’objets de culte et de dévotion digne du lieu et permettant aux fidèles de faire le lien avec le sacré.
Cet article est décomposé en plusieurs parties : partie 1, partie 2, partie 3 (page actuelle).
- 1. un réaménagement dans le style néo-gothique
- 2. une nouvelle horloge
- 3. les vitraux du 13ème siècle au château de Kreutzenstein
- 4. les peintures anciennes des murs et des voûtes
- 5. huit autels dans la nef
- 6. des œuvres d’art volées, vendues ou données
- 7. grattage, lavage et enlèvement des peintures des murs
- 8. les œuvres d’art de Notre-Dame de Rouffach dispersées en Europe
- 9. la nouvelle verrière du choeur
- 10. les fenêtres latérales du chœur et la rosace de la façade ouest
- 11. le maître Autel
- 12. les stalles du choeur
- 13. l’appui de communion
- 14. les chapelles latérales du transept
- 15. les lustres et les autels latéraux
- 16. le chemin de croix
- 17. les travaux sur la tribune et sur l’orgue
- 18. l’autel saint François-Xavier du transept nord
- 19. l’autel de la Pieta du transept sud
- 20. l’autel saint Aloyse
- 21. les fonts baptismaux
- 22. les bancs et les confessionnaux KLEM
- 23. la chaire
- 24. tambours de porte et bénitiers
- 25. les statues de procession
1. un réaménagement dans le style néo-gothique
Le réaménagement a été conçu dans le style néogothique jugé le mieux adapté au bâtiment par les différents architectes et sculpteurs. La réalisation est homogène et représente un témoignage artistique valable et respectable pour son époque et digne d’être conservé.
Un rapide état des lieux avant la réalisation des nouveaux aménagements n’est pas sans intérêt.
2. une nouvelle horloge
L’ancienne horloge avec ses jacquemarts fut remplacée par une nouvelle œuvre d’Urbain ADAM, horloger constructeur de Colmar, par contrat en date du 22 juin 1858 et réceptionnée le 5 août 1859. Par suite des travaux de construction elle fut déplacée, restaurée et remise à sa place actuelle dans la nouvelle tour nord par son constructeur ADAM en 1874. Cette horloge dont le classement est prévu fera l’objet d’une étude plus détaillée.
3. les vitraux du 13ème siècle au château de Kreutzenstein
L’église a été dotée au cours des temps d’un ensemble d’œuvres d’art de grande valeur. Dans le chœur subsistaient quelques beaux restes de légendes et de grisailles signalés par Baptiste PETIT-GERARD dans ses Quelques études sur l’art verrier et les vitraux d’Alsace parues à Strasbourg en 1861. Plus d’un siècle plus tard (1986) Rüdiger BERKSMANN publie une étude les concernant dans la Österreichische Zeitschrift für Kunst und Denkmalspflege sous le titre de Elsässische Scheiben des späten Jahrhunderts auf Burg Kreutzenstein, ein Beitrag zu Rekonstrucktion der Chorverglasung der Rufacher Marienkirche. [1986, pages 143-152.]
Voici la suite des six panneaux en question :
panneau représentant les armoiries de Jacques SCHEDELER le donateur. Il s’agit d’une ancienne famille patricienne de Rouffach et de Colmar,
- Le Christ juge le monde,
- Ascension d’ELIE au ciel,
- SAMSON emportant les portes de Gaza,
- Le pélican et ses jeunes.
- Le lion avec ses jeunes.
Ces vitraux peuvent être datés vers 1270/80, de la même époque que les consoles sculptées soutenant les retombées des voûtes du chœur.
4. les peintures anciennes des murs et des voûtes
La nef gothique était ornée de fresques et de décors sur les murs et les voûtes où se déployaient des scènes apocalyptiques.
Le grand amateur d’art, l’abbé STRAUB, en parle dans un article Peintures anciennes découvertes dans l’église de Rouffach publié dans le bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace, en 1868. En voici quelques extraits :
Toute la nef a été débarrassée de ses couches de badigeon et fait voir son bel apparat dans sa couleur native. Une partie des voûtes du grand vaisseau présente des peintures murales … Un calque fidèle devra conserver les lignes, si leur restauration devrait être jugée inopportune, elles appartiennent à deux époques différentes : celles qui décorent la voûte occidentale de consistent qu’en vigoureux rinceaux s’épanouissant le long des orgues.
STRAUB pense que cette partie de décors n’est pas antérieure au 15ème siècle.
Les peintures de la voûte qui touche au dôme (carré du transept) sont plus importantes et méritent un examen sérieux, elles appartiennent au cycle du jugement dernier, ainsi que très probablement à la vision apocalyptique racontée par St. Jean (chap. VI, 1-9). Malheureusement, tous les sujets ne sont pas visibles…
Dans la partie visible du fond de la nef, on aperçoit l’apôtre St. Jean, imberbe comme le représentent les latins, assis sur le siège traditionnel qui parait si fréquemment dans nos miniatures ou sur les vitraux du XIIème siècle, un livre ouvert porte son nom en grandes lettres onciales : S.IOHANNES. Au dessus de lui, une étoile forme la seule décoration….
Dans les parties latérales avoisinant les murs de la nef, on remarque d’un côté, un personnage nimbé, armé d’un javelot ou d’un glaive et lancé au grand galop sur un coursier blanc, c’est la mort. Vis-à-vis, un homme sans vêtement placé au milieu de petits démons, figure l’enfer. Reste encore la personnification de la peste, de la guerre et de la famine, cachés sous le badigeon séculaire… En se plaçant à l’entrée du chœur pour examiner la seconde partie de la même voûte, on aperçoit au milieu l’archange St. Michel terrassant le dragon infernal, et dans les angles deux anges sonnant la trompette du réveil. Latéralement, dans le compartiment de la voûte qui touche l’arc formeret, se dresse un ange, vêtu de l’aube et d’une ample dalmatique à large bordure tenant d’une main les clous du Sauveur, et, de l’autre, une grande croix, au centre de laquelle est fixée la couronne d’épines …
Puis STRAUB continue:
Je n’hésite pas à considérer ces peintures comme contemporaines de la construction des voûtes ; elles remontent probablement à la fin du XIIème, peut-être au commencement du XIIIème. C’est le second exemple en Alsace d’un jugement dernier représenté à l’entrée du sanctuaire. On sait que le jubé de la cathédrale de Strasbourg était décoré de ce sujet.
Fort probablement l’église de Rouffach était peinte tout entière ; elle a même dû être repeinte à diverses reprises en quelques endroits… Dans l’absidiole du croisillon sud on aperçoit encore que les pieds du Sauveur, reconnaissables aux stigmates ; dans celle du côté nord parait une seconde représentation des dernières assises du Christ. Le juge est assis sur un arc-en-ciel, ses pieds reposent sur un second arc. Plus bas, et à gauche, les damnés sont jetés dans le gouffre béant de l’enfer. Il ne parait presque rien du groupe des justes, qui faisait pendant à cette scène d’horreur, ni de la descente de la croix, qui semble avoir été peinte en dessous sur une large bande, beaucoup mieux conservée du côté de l’épitre, où elle figure la mise au tombeau. On y distingue parfaitement la Vierge douloureuse, le sein percé d’un glaive ; St. Jean, le disciple bien aimé, manifestant une vive douleur, Ste Madeleine et une autre sainte femme, portant les vases remplis d’aromates, et deux figures de vieillard, sans dote Nicodème et Joseph d’Arimathie. A en juger par le faire de l’artiste, par la disposition du groupe, par la forme des costumes toutes ces peintures appartiennent au commencement, peut-être du milieu du XVème siècle... Remercions monsieur l’architecte MIMEY d’avoir fait procéder avec tant de soins au débadigeonnage des voûtes et des petites absides, et attendons avec confiance la reprise de ces travaux dans le chœur. Nous verrons sans doute reparaître quelques anciennes inscriptions signalées par SCHOEPFLIN et disparues depuis qu’on a blanchi les murs. Peut-être une plus riche moisson nous y attend, et le sanctuaire ajouterait-il quelques pages à l’iconographie chrétienne à laquelle les peintures de l’église des dominicains de Guebwiller, du chœur de Pfaffenheim, des Unterlinden de Colmar, de a nef de Rosheim, de Rosenwiller, d’Altorf, de Walbourg et de St. Pierre et Paul à Wissembourg ont déjà fourni de précieuses données.
L’attente de l’abbé SCHRAUB n’a malheureusement pas eu les suites espérées.
Continuons notre inventaire.
5. huit autels dans la nef
Un procès-verbal de visite datant du milieu du 18ème siècle signale encore l’existence de huit autels dans la nef. Ce nombre s’explique par les différentes chapellenies et prébendes fondées en ce lieu : de St. Laurent (dont le tableau d’autel du 18ème siècle est conservé au presbytère) ; de la Ste Croix, de St. Jean Baptiste, de la trinité, de Ste Catherine, entre autres.
6. des œuvres d’art volées, vendues ou données
Autant de richesses perdues. Mais tout n’a pas été détruit par les révolutionnaires à l’église Notre Dame ou aux Récollets. Bien des œuvres d’art ont été volées, d’autres vendues ou données au siècle dernier au cours de la campagne de travaux de restauration et après encore. Des collections publiques ou privées ont ainsi été enrichies aux dépens de rouffachois. Les derniers éléments de l’ancienne verrière du chœur, que Thiebaut WALTER a encore vus en dépôt au presbytère en 1900 ont été vendus à un collectionneur autrichien comme nous venons de le voir.
7. grattage, lavage et enlèvement des peintures des murs
Et les fresques ? Elles ont été victimes des travaux de restauration dont il a été question dans notre premier exposé. De 1867 à 1869 l’entreprise HILLER a effectué le décrépissage, grattage, lavage et enlèvement de peinture des murs sur une superficie de 10.769 M, travail bien fait comme nous pouvons le constater.
Il est un autre détail scriptural qui a disparu à cette occasion. C’est l’inscription que le général KLEBER avait faite sur la colonne près de l’autel de la Vierge dans la nef, lors d’une visite faite à Notre-Dame en compagnie de sa mère Reine BURGERT, originaire de Rouffach.
8. les œuvres d’art de Notre-Dame de Rouffach dispersées en Europe
Différentes sculptures ainsi que le beau retable de STAUFFENBERG se trouvent au musée d’UNTERLINDEN à Colmar. A KARLSRUHE on nous montre un beau chevalier St. Georges combattant le dragon et venant de Rouffach.
A Berlin on conserve également des souvenirs rouffachois et à SCHWENDI, en Haute Souabe, dans l’église St. Etienne vous pouvez admirer une belle Vierge de l’Assomption du 18ème siècle qui couronnait l’ancien maitre autel de l’église de Rouffach, vendue en 1881.
Le musée historique de Bâle a également pu se procurer une Vierge au Psautier du XVème siècle, achat financé avec l’aide de la confédération suisse.
Le collectionneur d’art SPETZ à Issenheim a également bien enrichi ses collections aujourd’hui dispersées. Il y a quelques années seulement que le tableau de l’autel de la fondation HUNOLD du XVIème siècle a été rendu au département du Haut-Rhin par un antiquaire mulhousien.
Tout ceci nous montre comment un patrimoine peut se perdre par inconscience, méconnaissance ou changement de mode éphémère.
Mais venons-en aux acquisitions du siècle dernier. Nous procèderons dans l’ordre du bâtiment, d’est en ouest.
9. la nouvelle verrière du choeur
La suprématie mariale est gardée dans la grande verrière du chœur par les trois panneaux du fond. C’est une œuvre maitresse issue des ateliers de la Koenigliche Bayriche Hoffglasmalerei, F.X. ZETTLER, de Muniche . Le panneau central a été livré en 1895, les deux autres ont été mis en place en 1899. L’ensemble se présente comme une symphonie de Notre Dame en neuf séquences, c-à-d trois scènes par panneaux. Tout part du haut des vitraux latéraux pour descendre et se rejoindre par le bas du panneau central et le remonter. C’est ici que la base spirituelle est donnée par la représentation du St. Esprit surmonté de trois anges dont celui du milieu tient un phylactère avec l’inscription Salve Régina . C’est le grand salut à la Vierge qui se présente à nous.
Tel un chef d’orchestre nous pouvons esquisser le mouvement en élevant nos bras vers le haut des panneaux latéraux pour descendre et rejoindre par le bas le panneau central puis remonter vers l’apothéose céleste.
En reprenant en haut à droite on débute avec la Nativité de la Vierge. Anne, la mère, qui vient de donner le jour à son enfant est couchée sur son lit. Derrière elle se tient Joachim, le père. Une femme tient l’enfant vers une autre personne assistant à la scène.
C’est ensuite, au centre, la présentation de « Marie au temple. Elle est agenouillée devant le grand prêtre. Les parents, Anne et Joachim, se tiennent debout derrière elle. Au dessus la main bénissante de Dieu sort d’un nuage.
Le panneau se termine par le mariage de Marie et de Joseph devant le prêtre dont on reconnait la tête au chapeau pointu entre les mariés. Deux anges sont les témoins de cette union. Un cartouche au bas de la scène porte l’inscription « Anne Dom. 1899 ». En dessous on lit K.B. HOFGLASMALEREI – FX ZETTLER Munchen .
Le mouvement reprend sur le panneau à gauche en haut avec l’annonciation de la naissance du Christ. C’est la représentation classique de l’ange apparaissant à Marie agenouillée pleine de recueillement.
Puis c’est la visitation. Marie est accueillie par Elisabeth qui lui prend la main. Zacharie, le mari d’Elisabeth, se tient derrière elle. Derrière Marie on aperçoit une corbeille avec trois roses rouges comme attribut de la virginité. Ce panneau se termine en bas par la nativité du Christ. La scène est dominée par un ange qui tient un phylactère avec l’inscription « Gloria in excelsis Deo ». On remarque l’étoile des bergers qui viennent adorer l’enfant Jésus que Marie tient sur ses genoux. Joseph est debout derrière Marie.
La progression s’amplifie avec le panneau central qui porte au bas les armoiries de Rouffach flanquées de l’inscription Erectum A° Dom. 1895 et du sigle de la manufacture munichoise.
La scène suivante montre la Dormition de la Vierge. Marie est couchée sur son lit entourée par les apôtres affligés. Jésus la bénit tout en portant déjà l’âme de Marie, représentée par un petit personnage, sur son bras gauche. Près de la dormition nous trouvons à gauche le roi David, connu par ses psaumes, ses chants et sa lutte contre Goliath. A droite on reconnait Siméon qui proclama Jésus comme le messie lors de la présentation au temple.
Le thème central est réservé à l’Assomption de Notre Dame, la véritable dédicace de notre église, fille de la cathédrale Notre Dame de Strasbourg. La scène est entourée d’anges dont les deux latéraux tiennent un encensoir. L’Assomption est flanquée à gauche par Ezéchiel, père du judaïsme et de la spiritualité, Alliance nouvelle. A droite se trouve Daniel qui prophétisa le Christ.
Puis c’est l’aboutissement suprême avec le couronnement de la Vierge au ciel devant la sainte trinité : Dieu le père, le fils et le St.-Esprit. A gauche de ce groupe le médaillon montre Isaïe, le prophète de l’espérance messianique. A droite, Jérémie, qui prépara le peuple juif à traverser l’épreuve de l’exil en conservant l’union. Nous avons rejoint le « Salve Régina » du départ.
10. les fenêtres latérales du chœur et la rosace de la façade ouest
Le vitrage des fenêtres latérales du chœur n’est pas historié et montre des décors à rinceaux et entrelacs. Il est l’œuvre des ateliers PETIT-GERARD de Strasbourg, tout comme celui de la rosace de la façade ouest.
11. le maître Autel
Initialement il n’était pas prévu d’installer un nouvel autel principal. Dans les rectifications au devis supplémentaire du 15 avril 1869, l’architecte Mimey cite uniquement l’arrangement du Maître autel existant pour une somme de 1200 frs tout compris. En 1868 une somme de 680.54 frs était déjà mise en compte par l’entreprise HILLER pour réparation de l’ancien maître autel.
La décision pour un nouvel autel s’affirmera le 22 février 1873 dans la note approximative des dépenses à faire pour l’ameublement définitif soumise par MIMEY. Il est question d’un maître autel en pierre fine de Rouffach, compris les sculptures et ornements de pierre, crédence, marches et accessoires pour un montant de 15.000 frs. L’ancien autel Notre Dame devait être déplacé dans le transept, ce qui ne fut pas réalisé pour la simple raison que le maire en fit don à l’architecte en chef WINCKLER.
L’entente n’était pas des meilleures entre le maire HEIMBURGER et le curé doyen HAEGY pour la réalisation du nouvel autel. WINKLER avait fait le plan d’un maître autel avec sept tourelles élancées conformément aux idées du curé, mais le maire ne l’a pas fait exécuter. Ce plan avait d’ailleurs été rejeté par la commission épiscopale le 16 juillet 1897. Un autre projet présenté par les ateliers METZ de Gebratzhofen fut également désapprouvé par la commission le 21 avril 1898.
Les esprits s’accordèrent quand même pour la réalisation de l’autel dont l’exécution fut confiée aux ateliers WEY de Colmar et à l’artiste sculpteur munichois J. MAIER, les plans ayant eus l’aval de la commission épiscopale en novembre 1899.
Le 28 octobre 1900 Monseigneur Adolphe FRITZEN, évêque de Strasbourg, a procédé solennellement à la dédicace et à la consécration du nouveau maître autel. Contrairement à ce que l’on pourrait penser au vu des quatre panneaux sculptés représentant la légende de St. Arbogast, l’autel n’est pas consacré à ce saint, mais bien à la Bienheureuse Vierge Marie de l’Assomption. Beatae Maria Virginis in Coelos Assumpta… Il n’y a dons pas d’entorse aux usages interdisant le déclassement d’un autel de la Vierge au profit d’un saint subalterne, Marie étant la reine de tous les saints. Il faut donc comprendre la verrière mariale derrière l’autel comme une majestueuse superstructure de celui-ci.
Lors de la consécration de l’autel des reliques des saints martyrs : Jacundine et Evaristi.. y furent incorporées et une indulgence est toujours accordée aux fidèles qui visiteront l’église au jour anniversaire de cette consécration.
L’autel est un grand polyptique reposant sur une table en pierre richement sculptée. L’antependium présente cinq panneaux séparés par des colonnettes. Le panneau central porte l’Agneau Pascal. A la gauche du spectateur on remarque l’attribut de l’évangéliste St. Luc, Le taureau. Puis l’ange de St. Matthieu. A droite on reconnait l’aigle de St. Jean et en dernier le lion de St. Marc. Les faces latérales sont ornées de masques à feuillage très fouillés.
La superstructure de l’autel en menuiserie et bois sculpté est l’œuvre des ateliers WEYH de Colmar. Les statues et haut reliefs sont dus au sculpteur J. MAIER de MUNICH. Fermé, l’autel présente deux panneaux peints attribués à FEUERSTEIN.
FEUERSTEIN, Charles, Martin, peintre (BARR 1856 + Munich 1931).
- 1874 inscription à l’académie des beaux arts à Munich ;
- 1878-1881 élève de Luc Olivier MERSON à Paris, où il expose ;
- se fixe à Munich 1898 professeur à la KUNST AKADEMIE ;
- n’a jamais renié l’Alsace, à Munich on l’appelait « Der Elsassiche Meister »,
- anobli par le roi Louis II de Bavière il se nomma Ritter Martin Von Feuerstein,
- ses œuvres se trouvent : San Remo (Italie) Winterthur (Suisse) à Padoue et à Rome,
- à Munich, son chemin de croix a eu une renommée mondiale.
- en Alsace, Strasbourg, Marienthal, Mont Ste Odile, Thierenbach, Colmar et plus près de nous : Westhalten et surtout Gueberschwihr pour ses fresques et sa galerie aux 118 saints que l’on pourrait appeler le ciel de Gueberschwihr.
Celui de gauche représente la Ste Famille, celui de droite la scène miraculeuse de la Vierge avec l’enfant Jésus remettant le Rosaire à St. Dominique. Ce tableau rappelle le souvenir de l’ancienne confrérie du St. Rosaire, Rosenkrantzbruderschaft, qui existait encore au début du siècle.
A gauche de la Ste Famille se trouve la statue du pape St. Sylvestre I, coiffé de la tiare, tenant d’une main la crosse papale, et bénissant de l’autre, tout en foulant à ses pieds le dragon démoniaque.
Le panneau de droite est flanqué de la statue de St. Morand tenant la crosse abbatiale et un livre chargé d’une grappe de raisin le désignant comme patron des vignerons. Ceci est très surprenant pour Rouffach qui vénérait autrefois St. URBAIN, comme protecteur des vignerons.
Le milieu de l’autel est occupé par le tabernacle finement ouvragé et surmonté d’une haute niche, abritant une croix en métal doré. Cette partie centrale se termine par des pinacles sculptés en dentelles.
La prédelle sculptée montre les quatre grandes offrandes. A gauche, Moïse et le miracle de l’eau, puis Melchisédech, le roi de justice, roi de Salem (Jérusalem), préfiguration du Christ et du sacrement de l’autel. A droite le retour du fils prodigue et en dernier le prophète Elie nourri par un ange. Ouvert aux grandes occasions l’autel présente quatre panneaux sculptés et polychromés illustrant la légende de St. Arbogast, évêque de Strasbourg.
- Le panneau de gauche nous montre St Arbogast méditant sous le grand chêne de la foret de Haguenau tandis que son ami St. Déodat s’occupe du jardinage. C’est la rencontre du spirituel et du matériel.
- le deuxième tableau représente l’élévation de St. Arbogast au siège épiscopal de Strasbourg, suprême hommage à ses vertus.
- La troisième scène est plus mouvementée. Nous voyons St Arbogast sur les lieux du terrible accident de chasse qui coutât la vie au jeune prince Sigbert, fils du roi Dagobert II. Le saint, par son intercession va ramener le jeune prince à la vie. En bas à droite gît le sangler meurtrier.
- Le dernier panneau illustre la donation de Rouffach au saint évêque en remerciement du prodige qu’il vient d’obtenir. Le roi Dagobert remet la charte à Arbogast au pied du château d’Isenbourg que l’on voit au fond.
Un fait qui s’est passé au VIIème siècle et qui a uni les destinées temporelles de Rouffach – du Haut Mundat – à celles des princes évêques de Strasbourg jusqu’à la révolution française. C’est à cette appartenance que nous devons l’allure cathédralesque de notre église.
12. les stalles du choeur
Les anciennes stalles dans le chœur furent déplacées pendant les travaux de restauration. Dans un devis supplémentaire du 15 août 1869 l’architecte MIMEY prévoyait une somme de 1000 fr. pour leur réparation et appropriation au nouvel emplacement. Dans une note du 22 février 1873 cependant il préconisait leur remplacement par des neuves pour une somme de 4- 5.000 fr. Ce projet ne fut pas exécuté et les anciennes stalles, d’allure renaissance, avec leurs retouches du XVIII ème siècle furent remises à leur place primitive.
13. l’appui de communion
Pour l’appui de communion à l’entrée du chœur MIMEY avait prévu en 1869 une somme de 600 frs pour sa restauration. C’était une œuvre en fer forgé ouvragé datant de 1813 et installée à la suite d’une donation privée, aujourd’hui disparue.
14. les chapelles latérales du transept
De nouvelles dissensions surgirent au sujet de l’aménagement des chapelles latérales du transept. En 1873 l’artiste munichois Adalbert HECHINGER, qui avait déjà fourni deux autels pour l’église St. Georges de Haguenau, proposa deux autels en chêne. L’abbé MULLER, commission épiscopale, auquel ils furent présentés « les trouva trop chers (3.900 fr. pièce) et d’un style postérieur au XVème siècle. Ils furent retournés à Munich. L’abbé MULLER préconisa des autels simples avec statues placées sur des consoles contre le mur. Le curé reçu une nouvelle offre le 14 mars avec un prix approximatif de 8.800 francs pour les deux autels.
Plus tard le maire fit faire des plans et devis par l’architecte en chef WINCKLER, (coût prévu 16.250 frs dont 5.037 frs de travaux annexes : grilles, peintures, honoraires). Le curé fit rejeter ces plans et en commanda d’autres à WEYH de Colmar conformes aux idées qu’il lui avait suggérées.
Le maire HEIMBURGER proposa en 1875 au conseil municipal « dans un but d’économie et dans l’intérêt de la caisse municipale, de supprimer, quand à présent, la construction des autels latéraux pour le faire qu’à un moment où sans danger et sans nuire à d’autres services la dépense pourra être faite. Ce furent finalement les plans WEYH qui ont été exécutés. Entre temps WEYH réalisa la polychromie de l’ancienne sacristie.
Pour la chapelle sud du transept, dédiée à la Ste Vierge, WEYH effectue en 1867 la polychromie. Le décor culmine dans la voûte avec le buste du prophète Isaïe dans un cartouche surmontant la fenêtre romane. Le vitrage de celle-ci montre St. Valentin avec en bas un pèlerin en adoration devant le reliquaire exposé dans l’ancien prieuré de Rouffach. Comme on le sait ce dernier jouissait au moyen-âge d’une renommée européenne comme hôpital et pèlerinage au saint patron des épileptiques. Ce vitrail a été réalisé en 1889, au prix de 925 fr. dont 500 offerts par une demoiselle PROBST.
L’autel réalisé en 1887 est en bois de chêne. Au centre se trouve la statue de la Vierge dominée par deux anges. A sa droite, c.-à-d. à gauche du spectateur on reconnait Ste Catherine et à gauche Ste Anne. La prédelle est décorée par les scènes de la nativité et de l’adoration des mages. L’autel, sans les statues, a coûté 6.500 fr. plus 500 fr. pour la statue de la Vierge, 700 pour Ste Anne et Ste Catherine, et 430 fr. pour les deux anges, soit au total 8.200 fr.
15. les lustres et les autels latéraux
Les lustres de part et d’autre de l’autel, tout comme ceux qui furent installés dans l’église sont une production du ferronnier d’art ZARLENGA, y compris le grand lustre du carré du transept enlevé il y a quelques années. La grille devant l’autel provient également des ateliers WEYH (1889) ; en 1896 en ajoute à droite, sur une console contre le mur, la statue du sacré cœur de Marie provenant des ateliers METZ. En face de cette statue se trouve, disposé de la même façon, le Sacré-Cœur de Jésus, les deux statues payées en partie par le curé.
La chapelle latérale gauche, (nord) est traitée de la même manière que celle de droite. La polychromie y est exécutée dans le même style et comporte dans la voûte la représentation d’un ange.
L’autel dédié à St. Joseph est de même structure que celui de la Vierge. La partie centrale est occupée par la statue de St. Joseph. A sa droite on reconnait St. Sébastien et à sa gauche St. Laurent. Les deux statues rappellent le souvenir de deux institutions jadis florissantes à Rouffach : la confrérie des tireurs Schutzengesellschaft et la prébende de St. Laurent dont le tableau d’autel est conservé au presbytère de Rouffach.
La prédelle peinte montre à gauche la fuite en Egypte, au centre le mariage de Marie et de Joseph, scène que nous avons déjà rencontrée dans la verrière du chœur, et à droite la mort de Joseph. L’autel en chêne est de très belle facture sculpturale qui témoigne comme pour les autres autels du savoir faire de maître WEYH. Cet autel a été payé 6.270 frs, le 30 janvier 1889 et la 4 avril suivant WEYH a touché la somme de 479 frs pour la fourniture et la pose de la grille devant l’autel. Le dessin de celle-ci avait été soumis au chanoine KELLER, membre de la Baukommission épiscopale qui donne son avis au vicaire général FREYBURGER le 26 juillet 1888 en ces termes « Ce dessin a été composé par VIOLLET-le-DUC pour la célèbre collégiale de St .Denis. Je crois que l’on peut adopter ce dessin ».
Le vitrail de la fenêtre romane au-dessus de l’autel évoque la légende miraculeuse de St. Arbogast. Le saint évêque est représenté debout bénissant. A ses pieds on reconnait, dans un cercle, la scène de la guérison miraculeuse de Sigebert, le fils du roi Dagobert II, tué à la chasse aux sangliers. Le projet initial a été modifié après avis du chanoine KELLER déjà cité qui fit remarquer que le dessin était « trop incorrect, les mains sont trop petites et il n’y a pas d’épaules ; or un évêque a besoin d’épaules pour porter sa lourde charge ».
Comme pour la chapelle sud on ajoute en 1897 les statues sur console d’Antoine de Padoue (payée par les demoiselles DIETERICH 625 fr.), et de St. François-Xavier des ateliers METZ. Les lustres sont de ZARLENGA. WEYH fournit également le tronc de St. Antoine et un porte-cierges payé par le curé.
16. le chemin de croix
C’est dans le transept sud que débute le chemin de croix mis en place de 1887 à 1889. Il est l’œuvre commune des ateliers METZ de Gebratzhofen (Bavière) pour les scènes sculptées et les ateliers WEYH de Colmar pour les cadres. Une collaboration que nous avons déjà rencontrée pour le maître autel et avec un résultat aussi magistral.
METZ livre la 1ère et la 2ème station au prix de 1400 fr. pièce, soit 2800 fr. et WEYH les cadres à 682 frs. pièce, au total 1364 francs. La 3ème station a coûté 910 fr. + 469 fr. = 1379 fr.. Les onze dernières stations seront livrées pour 735 fr. plus 371 fr., soit 11 x 1.106 fr. = 12.160 fr. L’ensemble a donc coûté 17.709 fr.
17. les travaux sur la tribune et sur l’orgue
Pour l’installation des orgues et modifications reconnues nécessaires à apporter à l’ancien buffet on a dépensé 8.000 fr. Ces travaux ont été effectués par les ateliers Callinet de Rouffach. Le 8 octobre 1876 Théodore THURNER, organiste et professeur de musique, demeurant à Rouffach, procède à l’expertise des travaux. Il signe le protocole et avec lui l’entrepreneur des travaux François Callinet, le maire et les membres de la commission municipale des travaux ainsi que le curé HAEGY.
18. l’autel saint François-Xavier du transept nord
Un autel était posé contre le mur nord du transept et consacré à St. François-Xavier. C’était également une œuvre de WEYH de 1898 qui avait couté 610 fr. payés par Edouard ISNER. Le bas de l’autel était traité en vitrine dans laquelle était exposé une sculpture représentant le saint couché sur son lit de mort à GOA (Inde) Une œuvre du XVIII° souvenir de la présence à Rouffach des Jésuites successeurs des Bénédictins de St. Valentin. L’autel a été supprimé au cours des années soixante. La sculpture est conservée et retrouvera peut-être une place dans l’église.
19. l’autel de la Pieta du transept sud
Contre le mur sud du transept se trouvait l’autel de la Piéta élevé en 1897. La statue a été fournie par le sculpteur BEAU, successeur de CHOVET, 12 rue du Vieux Colombier à Paris. La croix au linceul était placé derrière la Piéta. Cet autel a également été supprimé.
20. l’autel saint Aloyse
En janvier 1892 un autel neuf en bois pour la dévotion à St. Aloyse a été réalisé par le menuisier MOEGLIN et par le peintre HECK, les deux de Rouffach. Une installation également disparue.
21. les fonts baptismaux
Dans le transept sud se trouvent les fonts baptismaux, œuvre magistrale du sculpteur Hans MURER de la fin du XV°. Dans sa note approximative des dépenses du 22 février 1873 l’architecte MIMEY prévoyait la somme de 2.000 fr. pour l’entourage des fonds baptismaux par une grille ornementale. Elle sera réalisée par Joseph KLEM de Colmar qui y ajoutera la console de la cuve en 1906.
KLEM, Joseph, Théophile Sculpteur 1849 - 1923 Colmar,
- premières études dans l'atelier du père,
- 1863 Vienne, école des beaux arts puis Munich et retour à Colmar dans l’atelier familial avec son frère.
- à son compte 1881,
- atelier d’art religieux le plus important d’Alsace,
- à produit plus de 1600 autels et plus de 400 chaires ainsi qu’un nombre très important de mobilier religieux divers que l’on trouve dans presque toutes les églises d’Alsace.
- cessation d’activité des ateliers en 1927.
22. les bancs et les confessionnaux KLEM
En 1873 KLEM livra les bancs neufs offrant 350 places. En 1874 il fournit un premier confessionnal. Les deux autres suivront l’année suivante.
23. la chaire
L’ancienne chaire de 1492 était également une œuvre de Hans MURER déjà cité. Elle a été démolie sans scrupules en 1820 par le curé FRITSCH. La chaire actuelle a été édifiée en 1875. L’architecte MIMEY avait prévu en 1873 une chaire en bois sculpté avec abat-voix, escalier et ornements. Mais là encore une fois l’accord entre le curé et le maire ne put se faire. Ce dernier avait chargé l’architecte WINKLER de l’élaboration et de l’exécution d’une chaire en pierre sans consulter le curé.
Il en référa au conseil municipal dans sa séance du 6 juin 1875 en faisant savoir que le devis était fixé à 10.220 frs. Par ailleurs il estima que le projet correspond au style de l’édifice. Le conseil suivit l’avis du maire et adopta le projet en votant les crédits nécessaires.
Le 7 juillet 1875 le projet fut également approuvé par le OBERPRÄSIDIUM de Strasbourg et le 7 août les travaux furent adjugés à KLEM. Le grès rose fut imposé. Les sculptures des panneaux représentent les quatre évangélistes qui apparaissent ici pour la troisième fois dans l’église après les consoles des voûtes du chœur et l’antependium du maître autel.
24. tambours de porte et bénitiers
En 1881 KLEM installe les deux tambours des portes. En 1884 on passa commande de bénitiers aux demoiselles VARELL-FISCHER à Servance qui livrèrent par la gare de RONCHAMP un exemplaire à 245 fr. et 3 autres en porphyre vert à 220 fr. pour l’un et les deux autres à 260 fr. pièce. Il n’en reste actuellement que deux dans l’église.
La grande porte d’entrée principale en bois de chêne sculptée en harmonie de style avec le portail, ferrements et accessoires a couté 2.500 fr.
25. les statues de procession
Reste à signaler la fourniture de statues de procession par les ateliers METZ de Gebratzhofen. (LEUTKIRCH) :
- la statue de la Vierge de l’Assomption, portée pour la première fois lors de la fête du rosaire en 1880. Elle a été payée 390 fr. par la confrérie du St. Rosaire et par souscription,
- la statue de l’Enfant Jésus, payée 224 fr.par les enfants et la confrérie du St. Rosaire.
Tout ce qui précède nous donne la gentille facture de 115.250 fr. qui, ajoutée à celle pour la restauration du bâtiment de 707.733 fr. nous donne un total de 822.989 fr.
Un lourd tribut payé pour la sauvegarde de notre vénérable petite « Cathédrale ». Mais gardons l’espoir et le « sourire de Rouffach », ce sourire confiant de notre jouvencelle afin qu’elle puisse encore longtemps contempler ce patrimoine qui nous a été confié par la ferveur et la générosité de nos anciens…
Pierre Paul FAUST.