Sur les 78 rues, 6 chemins, 5 impasses, 4 places, 3 routes et 2 ruelles recensées à Rouffach, quelques-unes portent des noms de personnages qui, en leur temps, ont été célèbres : Charles de GAULLE, François Joseph LEFEBVRE, Raymond Poincaré, Claude Ignace Callinet, Charles Marie WIDOR, Jean de Lattre de Tassigny, Jean MONET, Joseph JOFFRE, Louis PASTEUR, Pierre PFLIMLIN, Georges CLEMENCEAU, Manfred BEHR, Thiébault WALTER... Quelques-uns ont marqué l’histoire de notre ville, d’autres sont nés à Rouffach, d’autres sont devenus de parfaits inconnus dont le souvenir ne subsiste que sur une plaque émaillée avec des lettres blanches sur fond bleu : Materne BERLER, KNECHTLIN, WALCH, RETTIG… Quant à RIS ou ULLIN on ne sait rien ou très peu…
Nous nous sommes intéressés à l’une de ces rues, la rue Rettig qui tient son nom d’une personnalité rouffachoise du quinzième siècle, Walther RETICH. Malheureusement, les archives de Rouffach conservent assez peu de documents le concernant et on sait finalement très peu de choses à son sujet.
D’abord son nom : aujourd’hui orthographié RETTIG, on le trouve dans tous les documents anciens le concernant, écrit avec l’orthographe RETTICH, le plus souvent RETICH.
Ensuite, il ne s’appelait pas RETICH mais ZIBEL, parfois écrit ZIEBEL et il est presque toujours désigné par Walther ZIBEL, genant RETICH, c’est-à-dire Walther ZIBEL appelé (ou surnommé) RETICH. Son oncle paternel, apparait sous l’orthographe ZIBÖLL, à deux reprises.
Quant à la noblesse de RETICH, Theobald WALTER ne la mentionne pas, dans l’ article Der alte Adel der Stadt Rufach qu’il a fait paraître dans Jahrbuch für Geschichte, Sprache und Litteratur Elsass-Lothringens, édité par la section Historique et littéraire du Club Vosgien en 1900 : dans cet inventaire très complet des familles nobles qui ont vécu à Rouffach, fruit du dépouillement minutieux de tous les parchemins des 13, 14 et 15ème siècle, figurent des chevaliers (Ritter), des Edelknecht ou Juncker (Ecuyer) etc., du nom de GIERSBERG, BULACH, EPTINGEN, LAUBGASSE, HUNGERSTEIN, KEIPGASSE, REINACH, RAMSTEIN,… mais de ZIBEL ou de RETICH, point... Un oubli, sans doute ?
Pourquoi ZIBEL se fait-il appeler RETICH, ou comment passe-t-on de l'oignon au radis?
Nous n'avons malheureusement pas la réponse.
Zibel est l’orthographe ancienne de Zwiebel, qui désigne l’oignon, que l’on retrouve dans l’alsacien zewwel et zewwela. Mais comment est-on passé de ZIBEL à RETICH, de l’oignon au radis ?
Walther RETICH, Schultheiss de 1415 à 1441
Th. WALTER dans sa liste des Schultheisse der Stadt Rufach bis zum dreissigjährige Kriege, Walter ZIBBEL, genant RETTICH est Schultheiß, prévôt de Rouffach de 1415 à 1441, successeur de Jacob OCHSENBACH et prédecesseur de Hans BUMANN.
Le nom de famille est répandu, mais sur une courte période : on trouve dans le registre Unser lieben Frowen Zinsbuch de 1420 outre RETTICH Walther, un RETICH Clewin, RETICH Uellin, RETTICH Hennin, RETTICH Peter… sans doute de la même famille
dans le Liber Vitae , un obituaire du 14 ème siècle conservé aux archives municipales de Rouffach, figure un Johannes RETICH, propriétaire de 5 scados vinearum qui siti sunt in Westhalden, de 5 Schatz de vignes situées à Westhalten. (malheureusement le texte ne permet pas une datation plus précise, qui aurait été intéressante...)
en 1386, Walther RETICH est parmi les témoins à la signature d’une vente et il est dit de lui qu’il y figure avec d’autres personnes honorables « erber Lut… » (Livre censier de l’église Notre Dame A.M.R. GG 24), ce qui laisse sous-entendre qu'il est déjà un notable de la Ville
en 1391 : un Hennman RETICH cité comme propriétaire d’une parcelle de terre sur le ban de Rouffach
en 1413: Walther RETTICH est témoin lors de la signature d’une charte
en 1415: Walther RETTICH der Schultheiß,
En 1417 on sait de lui qu’il est marié, son épouse s’appelle Katharina HOCHMEISTERin et il est Schultheiss de la Ville de Rouffach.
Le 6 juin 1419 par une charte munie du sceau de la Ville de Rouffach (A.M.R. GG 59 dans Parch. n°1184) Katherina HOCHEMEISTERIN, l’épouse de RETTICH fonde une rente annuelle au profit du nouvel hôpital Saint Jacques de ROUFFACH (le terme ancien hôpital désigne toujours l’hospice du Saint Esprit) : Ich, Katherina HOCHEMEISTERIN, Walther ZIBELLen genant RETICH Ewirtin, kunden allermenglichem mit disem brieff…
en 1419: mit Walther RETTICHs genant ZIBEL, Schultheiß zu Ruffach
en 1419, un Henne ou Henny RETTICH est cité avec Walther RETTICH:
En 1438 il est dit de lui qu’il est conseiller au Magistrat « …unser Rates Geselle und Burger ze Rufach… », notre compagnon du conseil.
Dans un document concernant Andre RUPPUS, prêtre et petit-fils de Walther RETICH il est dit, en 1446 de Walther RETICH : « …selige von todes wegen abgangen… ». RETTICH était donc déjà décédé le mardi, veille de la Saint MATHIS de l’année 1446
en 1463, ce même Henny RETTICH est cité comme époux de Gred RETTICH : « Gred RETTICHin seligen und Henne RETTICH irem eman »
un Lienhart RETICH est cité trois fois dans Livre censier de la Ville (1492 -1520)
un Boll RETICH dans Livre censier de la Ville 1554 et le même, orthographié Poll RETTICH en 1591 dans un autre livre censier de la ville.
Par contre, nous n’avons pas trouvé, dans l’état actuel de nos recherches, de ZIBEL ou ZIEBEL dans les registres consultés, dans cette même période 1400-1600… Que peut bien signifier l’association Walther ZIBEL genant RETICH ? Et pour l’instant nous n’avons pas trouvé non plus de RETICH avant Walther RETICH…
la maison RETICH
Quant à savoir où il a habité, c’est encore une autre histoire!
Dans la rue Rettig, sûrement, puisqu’une plaque apposée sur la façade de la maison n° 8 et 10 de la rue le certifie. Une maison dont la porte piétonne, donnant sur la dite rue, porte un écu bûché, sans doute par les patriotes de la Révolution, mais aussi une date gravée : 1573. Une porte que Walther ZIBEL genant RETICH n’a donc jamais franchie!
L’inventaire général du patrimoine culturel est plus prudent : « … cette demeure aurait appartenu au 15ème siècle à la famille Rettig, qui a donné son nom à la rue : un de ses membres fut prévôt de la ville. L’édifice fut reconstruit en 1573 par une branche de la famille KNECHTLIN…
avis aux chercheurs
Il reste donc un gros chantier de recherches à entreprendre :
trouver à Rouffach une famille RETICH qui aurait vécu dans la ville entre 1391 et 1573…
trouver dans la maison n° 8 et 10 datée de 1573, des vestiges d’une maison plus ancienne de la fin 14ème, début 15ème…
trouver une explication satisfaisante à l’association ZIBEL et RETICH…
Les questions restent posées…
Dàss esch a Raadig!
Pierre Paul FAUST m’a fait découvrir il y a quelques années un petit détail sculpté, perdu quelque part sur la façade ouest de notre église, en me demandant : « A ton avis, ça représente quoi ça ? » Il n’a pas attendu ma réponse et m’a dit : « Dàss esch a Raadig ! Ça c’est un radis, et ce sont les armes parlantes de la famille RETICH ! » Je n’ai malheureusement pas demandé à l’époque sur quoi il s’appuyait pour affirmer cela et Paul est parti avec son secret…
Et après tout pourquoi pas : ce radis est représenté sur la console d’une des très nombreuses statues qui ornaient ce portail, disparues dans la fureur révolutionnaire. On peut imaginer qu’un Retich a « sponsorisé » l’une de ces statues et a signé, à sa manière, le don qu’il avait fait. Et du point de vue des dates, ça pourrait coller…
Bonnes recherches...
Gérard MICHEL 16 mai 2018
photos Gérard Michel