Relire une photo ancienne de l’église de Rouffach ...
En fouillant dans mes classeurs, je suis tombé sur une copie d’une photo ancienne, en noir et blanc, de l'intérieur de l’église Notre-Dame de Rouffach. Je ne me souviens pas de sa provenance et la date de la prise de vue n'y figure pas.
Photo banale à première vue, mais en m’y attardant, il s’est avéré qu’elle n’était pas si banale que cela. La qualité de la reproduction permettant l'agrandissement, j’ai découvert quelques détails qui méritent d’être retenus : observons attentivement...
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L’autel :
L’autel actuel et son retable ne figurent pas sur cette photo : le nouvel autel réalisé par les ateliers WEY de Colmar et l’artiste sculpteur munichois J. MAIER, fut consacré par l’évêque de Strasbourg, Adolphe Fritzen le 8 octobre 1900, les plans ayant eu l’aval de la commission épiscopale en novembre 1899,.
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Le banc de communion
La grille de chœur ou appui de communion : c’est une œuvre en fer forgé ouvragé datant de 1813, que l'architecte Mimey avait prévu de restaurer en 1890 pour une somme de 600 fr. Aujourd’hui, cette grille n’existe plus, disparue lors du grand « nettoyage » au cours duquel ont également disparu les luminaires Zerlenga du chœur. Il ne subsiste de cet appui de communion que les traces griffées dans les dalles du sol au moment de leur ouverture et fermeture…
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Les vitraux du chœur
On ne retrouve pas sur la photo les vitraux actuels de l’abside, dont le panneau central fut livré en 1895, les deux autres mis en place en 1899 par la K.B. HOFGLASMALEREI - F.X. ZETTLER de Münich
Sur la photo, les vitraux de l’abside présentent un décor simple et répétitif, sauf dans la lancette centrale de la grande baie centrale où on distingue 6 panneaux historiés différents. L’agrandissement ne permet pas d’en distinguer les détails.
Mais six panneaux de vitrail, ça ne vous évoque rien ? Les 6 panneaux anciens acquis par le comte Wilczek en 1902, actuellement visibles au château de Kreutzenstein, en Autriche, près de Vienne ? Ces panneaux étaient encore en place en 1884…Mais ne nous emballons pas, la définition de l’image ne permet pas de confirmer qu’il s’agit bien de ces vitraux anciens.
Le vitrage des fenêtres latérales du chœur n’est pas historié et montre des décors à rinceaux et entrelacs. Il est l’œuvre des ateliers PETIT-GERARD de Strasbourg, tout comme celui de la rosace de la façade ouest. Au sommet des trois lancettes des verrières, dans les trilobes, on distingue des vitraux semblables à ceux qui figurent aujourd’hui dans les verrières de Zettler. Est-ce que ce sont déjà des éléments neufs posés par Zettler, ou pourrait-il s’agir de vestiges des vitraux anciens, voire médiévaux ? Je me souviens que M. Jacques Ehrhart avait laissé entendre lors d’une visite guidée, qu’il pouvait s'agir effectivement de vitraux médiévaux. Mais je ne me souviens pas s’il avait donné ses sources…
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Les luminaires du chœur
Les lustres du chœur, de part et d’autre de l’autel, sont une production du ferronnier d’art ZARLENGA, de même que le grand lustre du milieu. Ils ont disparu il y a quelques années, victimes du grand ménage entrepris après le Concile Vatican II qui « a introduit une profonde reconfiguration de la spatialité du sanctuaire »[1] et conduit beaucoup de paroisses, dont la nôtre, à subir un « nettoyage » de leur église, par retrait des objets jugés superflus. Quelques anciens et anciennes de Rouffach se souviennent de l’émoi causé dans la paroisse lors de la disparition de ces lustres, du banc de communion et de statues à l’achat desquels ils avaient le plus souvent contribué par leurs dons… Ces lustres, avec la lampe perpétuelle, étaient un pur produit du courant stylistique néo-romano-byzantin, empruntant des éléments de l'architecture byzantine associés à des éléments de l'architecture romane, très en vogue entre les années 1860 et 1920. Les trois lustres ont été conservés, ils ont été restaurés et adaptés, et devraient retrouver leur place dans le chœur très prochainement. Et la lampe perpétuelle, a-t-elle été conservée?
Dans le chœur également, à droite et à gauche, fixés sur les deux dernières colonnes engagées du chœur, deux lustres suspendus à des crosses en ferronnerie.
Et enfin, à l’entrée du chœur, au centre, la lampe perpétuelle que l’on distingue plus nettement sur la photo suivante : une suspension très ouvragée, dans le même style que les lustres Zarlenga du sanctuaire, avec en son centre un contenant en verre, généralement teinté en rouge, destiné à protéger la flamme des courants d’air. On ne connaissant pas l’électricité à cette époque, cette lampe était une lampe à huile et tous les autres luminaires portaient des cierges en cire naturelle ou des lampes avec une huile végétale comme combustible, de l’huile d’olive s’il en était de disponible. On évitait le suif, une graisse animale peu coûteuse mais qui produisait une flamme charbonneuse et dégageait une mauvaise odeur.
Je n’ai pour l’instant pas trouvé de renseignements sur Zarlenga, ferronnier d’art. Pour l’instant les archives municipales sont fermées et j’attends leur réouverture pour accéder aux dossiers conservés sur ce chantier et en découvrir un peu plus.
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Les luminaires de la nef
Sur la photo ci-dessus, apparaissent les lustres de la nef, des lustres à pampilles et breloques en verre ou cristal, assez élégants et discrets, qui ne semblent pas être de la même inspiration que ceux du chœur. La cire est un produit couteux, seuls deux lustres éclairent la nef, alors que l’entrée du chœur, le chœur lui-même et le sanctuaire sont richement dotés en éclairage : rappelons que nos églises sont orientées vers le soleil levant et que le cheminement du chrétien va des ténèbres vers la lumière, de la pénombre de la nef à la lumière du chœur ... Ces luminaires pouvaient être hissés à des hauteurs variables selon les célébrations. grâce à un système de poulies installé dans les combles, et pouvaient être disposés presque à hauteur d’homme selon les célébrations. Le nombre des points lumineux variait en fonction de l’importance de la fête et pour l’usage ordinaire, telles les messes matinales, l’éclairage était limité à quelques cierges.
Sur des photos plus récentes, les luminaires du chœur sont des simples « globes » oblongs : la fée Electricité avait touché l'église!
Aujourd'hui:
Aujourd’hui, un nouvel éclairage a été mis en place, dans la nef et les bras du transept , remplaçant les lampes halogènes qui masquaient en partie les clés de voûte : d’immenses lustres à roue, couronnes de lumière, équipés de lampes leds.
Un rappel stylisé aux luminaires romano-byzantins Zarlenga du chœur, ou aux lustres circulaires de l’époque romane qui symbolisaient la Jérusalem céleste ?
Note:
A l'époque de ces photos, en 1884, on passa commande de bénitiers aux demoiselles Varell-Fischer de Servance, qui livrèrent par la gare de Ronchamp un exemplaire à 245 fr. et trois autres en porphyre vert à 220fr. pour l'un et les deux autres à 260fr. pièce. Il n'en reste actuellement que deux dans l'église, à la cuve grossièrement retaillée, sans doute pour pouvoir les adosser à une colonne. Un troisième a trouvé un nouvel usage comme bain d'oiseau dans un jardin privé, à Rouffach...
Gérard Michel
Des lecteurs se souviennent-ils encore de cette lampe perpétuelle installée dans le chœur de l'église de Rouffach?
Lampe perpétuelle et luminaires Zarlenga (document Rémi Moyses, provenance et date indéterminées)
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[1] La mise en espace du sanctuaire dans la revue L’Art sacré (1954-1969)
Gaspard Salatko https://doi.org/10.4000/assr.26062