Jeune femme au touret Grès jaune des carrières de grès de Rouffach
Les carrières de grès jaune du Strangenberg
La carrière du Strangenberg (image Lithothèque d’Alsace)
Depuis le Moyen-Âge, les carrières du Strangenberg fournissent les calcaires à grain fins, dits « grès lattorfiens » utilisés pour la construction de l’église Notre-Dame, de nombreuses maisons de Rouffach, de monuments à Colmar et de la cathédrale de Thann. Le site a été ré-exploité en 1954 pour la restauration de l'église Saint Martin de Colmar. Laissée à l'abandon, elle fut régulièrement pillée par les chasseurs de fossiles et collectionneurs de pierres.
La jeunesse de Rouffach, rêvant de Western, aimait s'y retrouver, à l'insu des parents, dans un décor sauvage qui offrait en plus un lieu de baignade dans une eau claire aux surprenantes couleurs vertes… Les anciens ont encore le souvenir des mémorables bagarres entre jeunes de quartiers de Rouffach qui s'y sont déroulées... la "Guerre des boutons", à leur manière ! Commençant à poser de sérieux problèmes de sécurité, le site fut clos et interdit d’accès. Il est aujourd’hui un site protégé offrant un espace naturel remarquable qui accueille une flore et une faune exceptionnelles.
L’histoire de cette carrière reste à faire, elle est régulièrement mentionnée dans les textes au Moyen-Âge, mais les sources sont rares. Celle que vous propose cet article est une charte de 1508 conservée aux archives municipales de Rouffach : il s’agit d’un contrat de location passé entre Rouffach et l’œuvre Saint Thiebaut de Thann pour l’’exploitation d’un secteur bien délimité de la carrière de grès jaune du Strangenberg. La pierre extraite devait servir à la construction de la flèche de la collégiale Saint Thiebaut, une dentelle de pierre haute de 78 mètres. Commencée en 1506, elle fut achevée en 1516 et fait depuis la fierté de la ville de Thann.
Transcription du document original:
(Feuillet numéroté 131 d’un livre censier de l’église Notre Dame de Rouffach, conservé aux A.M. de Rouffach sous la cote A / GG 24, 29 janvier 1508)
Über die Steingrüben denen von Thann geluhen
Zu wissen, daβ uff hut Datu, die ersamen Michel CLETT, Stattschreiber,Thoman BÖRLER, Claus MARTIN, Peter SCHMIDT und Veltin EGNOLFF des Radtz zü Rufach, uss Bevelch Vogt, Schultheis und Rat do selbst, von wegen unser lieben Frouwen Munster, den ersamen Oshwalt SCHÄFFER und Diebolt ROUTKOPFF des Radtz, ouch Meister REMIGIUS der Statt Werckmeister zu Thann, von wegen des heiligen Hÿmmelfursten und Nouthelffers Sant Dieboltz zu kouffen geben, ein Stuck oder Bezirk an ir Steingruben / Nemlich vornen von unser lieben Frowen Grüben an, biss hinden an den abgefallenen Felsen, alles nach Innhalt der funff Crütz domit solcher Bezirck des Verkauffs zu allen Orten ussgezichnet ist, alles ungevorlich zwen oder dry Schüch minder oder merer den Seiten nach, und sollent solliche Stein ussbrechen in 40 Joren den nehsten nach Datum dieser Zedel, und alwegen die gemelten Zit uss die Grüb offen behalten, und den Rum hinder sich schütten, ouch alle Mur Stein sy sigen clein oder gross nit verschütten noch kein Gerechtickeit dar zu haben, die ouch niemands umb Gelt noch sust geben, sonder die Statt Rufach ouch alle Burger und dero Inwoner so yetz oder in künfftiger Zit hie zu Rufach sint, sollent und mögent die zu der Statt und zu eins yeden Noutturfft und Gebruch nemmen und dannen füren, alles on Irrung oder Intrag deren von Thann und Iren Nachkomen. Wir von Rufach sollent ouch sollich Stein ob dero bÿ 40 Kärchvol ungeverlich vorhands da legen und die von Thann an Irem Brochen oder Rum hinderten und so sÿ sollichs an uns bringen wurdent verschaffen, das die furderlich Inen ungehindert, dannen gefürt werden, und ist sollich Erkauff zu gangen und beschehen umb achtzig pfund stebler gütter basler Muntz und Werungen die auch die gemelten von Thann von wegen sant Dieboltz unser lieben Frowen gantz und samenthafft innerthalb Jors Frist nehst nach dann dieser Zedel bezalen sollent.
Es ist ouch hieby abgerett das alle die so der obgemelten Stein zu sant Dieboltz Buw füren werden sollent all Bruckzols der selben Fürung halb bÿ uns frÿ sin ussgescheiden die so Stecken, Thÿlen, Latten oder andere Kouffman Schatz alhar füren, die selben sollent iren Zoll oder Brucken Gelt geben, und ob ouch die von Rufach denen von Thann Stein umb lon hinuff fürtent, die sollent ouch sollicher Fürung halb bÿ Iren zü Thann Zoll frÿ sin und Inen kein Zoll davon zu geben schuldig sin.
Wÿter ist ouch hiebÿ berett worden, wann die von Thann iren Theil des Bezircks der Grüben die obberürten Jar acht ussgebrochen hond, das sÿ dann denen vonn Ruffach solliche Grub offen und gerumpt wider uber antwurten sollent und ob sÿ aber in mitler Zit in gemelter Jar acht vonn der Gruben abston wurdent, so sollent sÿ nit destominder denen von Ruffach die Grüben wie obstat offen und gerumpt uber antwurten, und des alles zu worem Urkund. so sint dieser Zedel zwen von Wort zu Wort glich lutende so von einer Hand geschriben und mit der Federn gegen ein ander gezeichnet, deren ÿede Parthii einen hinder ir hat.
So geben sint uff Samstag nehst nach sant Paulus Tag der Bekerung, nach Christi unsers lieben Herren Geburtgezalt fünffzehen hundert und acht Jor.
Dÿser Brieff lÿt in unser lieben Frouwen Laden im Gewelb
Traduction:
Note: les chartes et autres documents administratifs de cette époque sont souvent dénués de ponctuation, ce qui en rend parfois la lecture difficile: un document d'une page entière ( et parfois de deux!) peut parfois être constitué d'une seule phrase! Et lorsqu'on traduit un tel texte, il est difficile, sans trahir l'original, d'éviter de recourir à des phrases longues, à multiples "tiroirs" qu'il faut parfois relire ... Pour une lecture plus aisée de la transcription ci-dessus, j'ai pris la liberté de remettre des majuscules aux noms propres et noms communs, comme en allemand moderne...
A savoir que, aujourd’hui, les honorables Michel Klett, greffier municipal, Thomas Börler, Claus Martin, Peter Schmidt et Veltin Egnolff, conseillers au Magistrat de Rouffach, ont donné à bail, par ordre du bailli, schultheiss et conseil de la Ville, au nom de notre église Notre-Dame, aux honorables Ostwald Schäffer et Diebold Routkopff du Conseil ainsi que maître Remigus, maître d’œuvre de Thann, représentant Saint Thiebaut, le saint prince du Ciel et saint auxiliateur, une parcelle de leur carrière de pierre. A savoir, de l’avant de la carrière Notre-Dame jusqu’à l’arrière, au pied de la roche tombée , le tout compris entre les cinq croix qui délimitent à chaque coin le périmètre de la vente, à plus ou moins deux ou trois pieds de la limite, Il est convenu qu’ils en extraient les pierres dans les 40 ans à venir, à compter de la date du présent acte, … de ranger les déblais, de ne pas jeter les pierres utilisables pour la construction, qu’elles soient grandes ou petites, de ne les donner à personne contre de l’argent ou autre chose… Par contre, la ville de Rouffach, tous les bourgeois et habitants qui y vivent actuellement ou qui y vivront dans les temps à venir, pourront venir en prendre et en emporter selon leur besoin et leur usage, sans que ceux de Thann et leurs descendants puissent s’y opposer.
De notre côté, nous de Rouffach, devrons charger et transporter ces pierres sans gêner ceux de Thann, lorsqu’elles (ou chaque fois qu’elles ?) représenteront environ 40 charrettes pleines et qu’elles s’amassent au point de gêner ceux de Thann dans l’extraction de leurs pierres.
Et cette transaction a été conclue pour 80 livres Stebler en bonne monnaie bâloise, que ceux de Thann, au nom de saint Thiebaut, sont tenus de verser à Notre-Dame de Rouffach, intégralement, en l’espace d’une année après la signature du présent acte.
Il a été convenu également que tous ceux qui allaient transporter les pierres susdites au chantier de saint Thiebaut seront dispensés du droit de pontonage, exceptés ceux transportent des perches, madriers, lattes, ou autres marchandises, qui devront s’acquitter des droits de douane ou de pontonage.
Et ceux de Rouffach qui transportent contre salaire des pierres pour ceux de Thann, seront exemptés des taxes de douane pour ces transports…
Par ailleurs, il a également été convenu que lorsque ceux de Thann auront terminé d’exploiter leur part de la carrière, dans les années ci-dessus mentionnées, ils devront rendre cette carrière à ceux de Rouffach, libre, ouverte et « rangée ». Mais s’ils quittaient la carrière avant la date convenue, ils n’en devraient pas moins rendre à ceux de Rouffach les lieux dans l’état mentionné ci-dessus.
Il a été fait de cet acte deux exemplaires identiques, mot pour mot, rédigés de la même main et signés à la plume par chacune des parties qui en conserve chacune un exemplaire en sa possession.
Fait le samedi qui suit la fête de la conversion de saint Paul, (le 25 janvier) mille cinq cent huit années comptées à partir de la naissance de notre cher Seigneur.
Cette charte est conservée dans notre chambre voûtée de (l’œuvre ?) Notre-Dame.
La flèche de la collégiale de Thann, une délicate dentelle de pierre, en grès jaune des carrières du Strangenberg.
(Image de la fondation pour la collégiale de Thann)
Si "ceux" de Thann peuvent être légitimement fiers de la flèche de leur collégiale , "ceux" de Rouffach peuvent être fiers de "leur" carrière de grès jaune, d'où ont été extraites les pierres de notre église Notre-Dame, qui ont retrouvé, au cours des travaux de restauration leur couleur chaude et lumineuse ... la même pierre que celles de l'ancien hôtel de Ville, de la halle aux blés, de l'église des Récollets, et de biens d'autres maisons, porches, puits et fontaines de notre ville...
Gérard Michel
Attention : Le site des carrières du Strangenberg, pour des raisons de sécurité et de préservation du patrimoine est fermé au public. Il est donc formellement interdit d’y pénétrer.
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