A la taverne Adriaen Brouwer (1605 - 1638) Alte Pinakothek Munich
La culture de la vigne et le commerce du vin représentent depuis le Moyen-Âge une activité essentielle de Rouffach : les livres censiers décrivent un ban viticole considérable et détaillent des centaines de cantons et lieux-dits dont la plupart des noms sont encore en usage de nos jours.
Le vin produit par les vignes de nos collines s’exporte au-delà des frontières de l’Obermundat où il se retrouve sur les marchés de Suisse ou sur les riches tables de l’Empire. Mais l’essentiel de la consommation reste local, dans les maisons et les familles où on en consomme des quantités importantes. (en moyenne près de trois litres à 6 / 7 degrés d'alcool, par jour et par personne, hommes comme femmes !) Il alimente les nombreux établissements de la ville, permanents ou occasionnels qui détaillent du vin : auberges, tavernes, poêles des corporations, où l’on boit généreusement, si l’on se fie aux nombreux jugements prononcés par les Conseils du Magistrat qui sanctionnent l’ébriété et ses excès, et aux imprécations de l’Eglise contre la fréquentation des tavernes, antichambres de l’enfer.
Générateur d’importants revenus pour la Ville, pour l’évêché et le Grand Chapitre, par de multiples impositions dont la plus importante est l’Umgelt, le commerce du vin, notamment dans les auberges et les tavernes, est très réglementé et étroitement surveillé.
Le présent article a pour objet trois items du règlement des aubergistes et gourmets-jurés Wurt und winsticher Ordnung de 1545, un règlement qui apportera du nouveau dans les habitudes des clients : désormais, dans les auberges, le consommateur aura le choix du vin et ne sera plus obligé de s’en tenir à celui que voudra bien lui servir l’aubergiste ! Ce n’est pas encore une carte des vins très fournie, mais l’aubergiste devra lui proposer au moins deux vins vieux et un vin de la vendange de l’année.
Aura-t-il le choix également entre rouge et blanc ? Le document ne le précise pas…
Illustration: Pieter Bruegel l'aîné: la danse des paysans 1568
La danse, les jeux de hasard, les cabarets, les bains publics, faisaient partie des divertissements qui permettaient d'oublier, pour quelques instants, un quotidien difficile, mais entraînaient souvent, le vin aidant, des excès condamnés par le clergé ou interdits par les règlements du Magistrat.
Nous proposons dans cet article deux items d'un règlement édicté en 1549 à l'issue d'une session ordinaire du Conseil de la Ville. Rappelons que ce Conseil avait également les attributions d'un tribunal de police et comme tel, il jugeait des délits mineurs comme des rixes avec coups et blessures, des injures portant atteinte à l'honneur, de petits larcins, des fraudes, etc.
Non, le suisse dont il est question ici n’est pas un ressortissant helvète qui se serait égaré dans notre église. Les moins jeunes des lecteurs d’Obermundat.org, ceux de mon âge, se souviennent de cet étrange soldat coiffé d’un bicorne garni de plumes, aux moustaches impressionnantes et au sourcil sévère, armé d’une hallebarde et d’une lourde canne à pommeau, qui faisait régner l’ordre et le silence dans les premiers bancs de l’église où s’agitait une troupe de garçons turbulents…
Ce suisse avait officiellement pour mission d’ouvrir les marches des processions, de protéger la croix et le saint sacrement, d’accompagner les offrandes et aussi de surveiller discrètement l’assemblée. Par son costume et par sa manière, il conférait à la liturgie la solennité et la quiétude qui conviennent au recueillement et à la prière.
Ces suisses d’église, n’ont aucun rapport avec les gardes suisses du Vatican qui sont un corps militaire, créé en 1506, composé de ressortissants suisses. Nos « Suisses » eux, trouvent leur origine dans les Ordonnances royales de 1771, qui instituèrent une pension de retraite pour les vieux soldats. Mais les soldats mercenaires suisses combattant pour le Roi de France furent exclus de cette mesure : il fut alors décidé de les répartir dans les paroisses, et aux frais des paroisses, pour en assurer le gardiennage, la sécurité et le service d’honneur et ils gardèrent leur uniforme.
Ces Suisses ont disparu dans la plupart de nos églises aujourd’hui. Il y en reste encore trois en service à la cathédrale de Strasbourg qui officient lors des grand-messes des dimanches et des fêtes solennelles et dans quelques rares paroisses qui ont maintenu la tradition.
Une tradition qui s’est perdue à Rouffach, où seule la canne à pommeau du dernier Suisse en exercice est exposée au mur de la grande salle paroissiale…
Nous ne savons que peu de chose du quotidien de la maison de l’ordre du saint Esprit de Rouffach et de son hospice : il ne nous en est pas parvenu de chronique et parmi les rares documents que nous possédions, ceux qui peuvent aider le mieux l’historien à reconstituer quelques instants de vie de cette vénérable institution, sont les registres d’un schaffner, le comptable, chargé de tenir et d’équilibrer les comptes et de noter scrupuleusement les recettes et les dépenses.
Nous proposons dans cet article un item tiré du livre de comptes, Heülig Geist Register de 1603, tenu par Jacob Anshelm, schaffner des heiligen Geist Ordens und Hauses zu Ruffach.
Et si on payait nos loyers ou nos impôts autrement ? Pourquoi pas en chapons ou en poules ?
Dans les registres de comptes de Jacob ANSHELM, comptable des dépenses et des recettes, Schaffner, de l’hospice du Saint Esprit de Rouffach, entre les années 1573 et 1609, figure au chapitre des recettes, un état des cens dus à l’hospice par des bourgeois de Rouffach, Pfaffenheim, Orschwihr et Gueberschwihr.
Ces cens constituent vraisemblablement le loyer d’une terre donnée à un tenancier, suivant un contrat emphytéotique, à titre héréditaire (erblehen, hereditates) ou à bail. Ou alors zins désigne intérêts d’un prêt à intérêt, ce qui n’est pas le cas de cens, charge qui reste attachée à un bien fonds.
Habituellement, les cens sont annuellement, à date d’échéance fixe, le plus souvent à la Saint Martin, en espèces ou en nature. Le paiement en espèce est rare, pour une raison très simple : au moment de la signature, le tenancier fixe un loyer qui restera le même tout au long de la durée du bail emphytéotique, un bail de très longue durée, le plus souvent compris entre 18 et 99 ans, voire plus, puisqu’il peut être héréditaire. Si le cens est dû en nature, en grains par exemple, un boisseau de blé, de seigle ou d’orge représentera toujours le même volume, 99 ans plus tard ! De même, un omen de vin restera toujours un omen de vin… Par contre, qui peut dire quelle sera encore la valeur de la livre, du schilling ou du pfennig, un siècle plus tard ?
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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