Nous ne savons que peu de chose du quotidien de la maison de l’ordre du saint Esprit de Rouffach et de son hospice : il ne nous en est pas parvenu de chronique et parmi les rares documents que nous possédions, ceux qui peuvent aider le mieux l’historien à reconstituer quelques instants de vie de cette vénérable institution, sont les registres d’un schaffner, le comptable, chargé de tenir et d’équilibrer les comptes et de noter scrupuleusement les recettes et les dépenses.
Nous proposons dans cet article un item tiré du livre de comptes, Heülig Geist Register de 1603, tenu par Jacob Anshelm, schaffner des heiligen Geist Ordens und Hauses zu Ruffach.
Miasmes, relents, pestilences et autres remugles ...
Le lecteur se souvient que le périmètre occupé par la maison de l’ordre, la chapelle et l’hospice, est traversé de part en part par l’Ombach. Rappelons également qu’en amont de ce cours d’eau se succèdent un établissement de bains, des boucheries, teintureries et tanneries et autres activités génératrices d’effluents et déchets divers collectés par le ruisseau. En aval, jouxtant l’hospice, un second établissement de bains et un moulin…
L’item extrait du registre GG 58 des AMR de Rouffach concerne une dépense de deux pfund (livres) pour le curage de l’Ombach et l’évacuation d’une masse de détritus divers recueillis dans le ruisseau et entassés depuis cinq ans derrière l’église de l'Ordre, face à l’hospice : une évacuation rendue nécessaire par les mauvaises odeurs qui s’en dégageaient ! Les vingt charrettes chargées de cette nauséabonde cargaison ont été conduites hors la ville, vraisemblablement au lieu-dit Schindlach, un endroit marécageux, impropre à la culture, où l’exécuteur des basses-œuvres, également bourreau de la Ville, dépouille les animaux morts et enterre les viscères…
On imagine sans peine les miasmes générés par une telle accumulation ainsi que la pullulation d'insectes et de nuisibles qu’elle devait attirer, à quelques pas d’un hospice accueillant des malades…
Ußgab an gellt in gemein
Item von dem Unrath [1] als man nun
in fünff Jaren uß hievorgemelter
Spithalbach ußgeworffen [2] und bitz-
hero zwischen beiden gewelben [3] uff
dem Port (?) [4] hinder der Kürchen und
den gäden [5] gelegen so über die 20
kärrich voll gewesen davon herg
zutragen und für [6] die Statt zufieren
verdingt, dan solicher übel geschmäckht,
und bezallt……………..2 Pfundt
Notes:
- [1] Unrath: ordures, déchets, détritus
- [2] Auswerfen: ici a le sens de curer, nettoyer le lit du ruisseau
- [3] Gewelben : Gewölbe désigne habituellement une voûte. Mais, par analogie, le mot désigne également le local archives, traditionnellement voûté pour résister aux incendies, la salle du trésor (pour les mêmes raisons que précédentes), ou encore des boutiques (sous des arcades) et parfois également un cachot ou une prison (également voûtés)
- [4] der Port: je ne suis pas certain de la transcription que j'ai faite de ce mot et je ne comprends pas le sens. Dans Wörterbuch der elsässischen Mundarten on trouve au féminin die Port = Pförtnerswohnung, le logement du portier...
- [5] Gaden dans Wörterbuch der elsässischen Mundarten: Gaden n. Gemach; Kaufladen; Stockwerk; Bude; Werkstatt
dans Deutsches Rechts Wörterbuch: Verkaufsbude, Kramladen boutique. Construction „précaire“ adossée à une maison, un appentis (les constructions adossées à l'église paroissiale jusqu'au milieu du 19ème siècle sont désignées par gaden)
- [6] Für pour vor: vor die Statt
L'écu de l'ordre dessiné sur la page de garde d'un livre censier.
Gérard Michel
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