Le Suisse de l’église paroissiale de Rouffach.
Non, le suisse dont il est question ici n’est pas un ressortissant helvète qui se serait égaré dans notre église. Les moins jeunes des lecteurs d’Obermundat.org, ceux de mon âge, se souviennent de cet étrange soldat coiffé d’un bicorne garni de plumes, aux moustaches impressionnantes et au sourcil sévère, armé d’une hallebarde et d’une lourde canne à pommeau, qui faisait régner l’ordre et le silence dans les premiers bancs de l’église où s’agitait une troupe de garçons turbulents…
Ce suisse avait officiellement pour mission d’ouvrir les marches des processions, de protéger la croix et le saint sacrement, d’accompagner les offrandes et aussi de surveiller discrètement l’assemblée. Par son costume et par sa manière, il conférait à la liturgie la solennité et la quiétude qui conviennent au recueillement et à la prière.
Ces suisses d’église, n’ont aucun rapport avec les gardes suisses du Vatican qui sont un corps militaire, créé en 1506, composé de ressortissants suisses. Nos « Suisses » eux, trouvent leur origine dans les Ordonnances royales de 1771, qui instituèrent une pension de retraite pour les vieux soldats. Mais les soldats mercenaires suisses combattant pour le Roi de France furent exclus de cette mesure : il fut alors décidé de les répartir dans les paroisses, et aux frais des paroisses, pour en assurer le gardiennage, la sécurité et le service d’honneur et ils gardèrent leur uniforme.
Ces Suisses ont disparu dans la plupart de nos églises aujourd’hui. Il y en reste encore trois en service à la cathédrale de Strasbourg qui officient lors des grand-messes des dimanches et des fêtes solennelles et dans quelques rares paroisses qui ont maintenu la tradition.
Une tradition qui s’est perdue à Rouffach, où seule la canne à pommeau du dernier Suisse en exercice est exposée au mur de la grande salle paroissiale…
Séance ordinaire du Conseil de fabrique du 5 janvier 1845. Etaient présents : MM. Bucher, Freyburger administrateur de la paroisse, Prud’homme, Maire de la Ville, Riss Nicolas, Senck, juge de Paix, trésorier de la Fabrique et Wilhelm, notaire, secrétaire.
Service de l’église paroissiale de Rouffach : observations pour le Suisse
I. Tenue grave et décente, soit qu’il conduise le cortège pour l’office à l’autel, soit qu’il conduise le prêtre en chaire ou qu’il le précède dans les processions ou à la distribution de l’eau bénite, sa démarche doit être grave et naturelle.
Pendant les offices, il doit toujours circuler dans l’église, mais lentement et en évitant tout éclat inutile.
Le Suisse évitera avec le plus grand soin de poser en regard des fidèles, il manquerait de cette manière de respect aux saints autels, n’observant pas à l’égard des fidèles les règles de la décence que les serviteurs de l’église doivent surtout observer pour servir de modèle aux autres fidèles (infra IV)
II. Costume. Le Suisse est pourvu de deux costumes différents, dont l’un est bleu, l’autre rouge.
- Costume rouge ou grand costume : aux grandes fêtes de l’année, aux solennités extraordinaires, telles que fêtes du gouvernement, première communion, confirmation, etc., le Suisse portera toujours le grand costume.
- Il portera le costume ordinaire dans toutes les autres occasions.
III. Bon exemple : si les chrétiens, en général, doivent toujours mener une vie sainte et édifiante, une conduite exemplaire est un devoir, surtout pour les serviteurs de l’Eglise.
Ils éviteront donc dans la paroisse la fréquentation des cabarets et feront en sorte que, sous aucun prétexte, leur maison ne devienne un lieu de réunion pour les jeunes gens de l’un ou l’autre sexe ou des deux sexes, qu’on s’y livre aux jeux, à la boisson ou à d’autres désordres.
Les fautes graves d’un des membres de la famille vivant dans la maison paternelle retomberaient avec justice sur le père lui-même. Des plaintes fondées à cet égard seront toujours une raison suffisante de destitution.
IV. Maintenir l’ordre à l’église. Le Suisse veillera à ce que chacun des fidèles occupe le banc et la place dans le banc qui lui aura été assignée lors de la location des bancs (registre des délibérations). Si l’office est commencé, les places vides pourront être occupées mais elles devront être évacuées dès que les personnes qui les ont louées se présenteront au banc.
Le Suisse ne permettra pas, dans les circonstances ordinaires, qu’il y ait dans les bancs plus de personnes que de places louées.
Vers la fin de l’office, le Suisse fera ouvrir toutes les portes ; les deux battants de la grande porte devront être ouvertes. Le Suisse se placera, au sortir des fidèles de l’église, à quelques pas, hors de la porte de l’église, de manière qu’il aperçoive dans l’église tous ceux qui ont la détestable habitude d’occasionner de l’encombrement aux portes ; il fera évacuer les abords de l’église, et dénoncera à la police locale ceux qu’il aura surpris à fomenter quelque désordre.
Dans ce règlement, les autres serviteurs de l’église ne sont pas oubliés : le sacristain, l’organiste et les chantres.
Le sacristain bénéficie même dans le règlement qui lui est consacré de quelques items savoureux. A lui également, il est demandé une tenue décente à l’église. En particulier :
« …il évitera de promener ses regards de côté et d’autre, tout comme s’il était chargé d’inspecter les fidèles qui se trouvent dans l’église… »
Pour le chant:
… si le sacristain peut rendre quelque service à cet égard, qu’il évite de faire éclater sa voix et d’avoir l’air de donner le ton…
Les chantres, eux, adopteront un ton approprié aux circonstances : solennel aux grandes fêtes, moins solennel les dimanches, simple les jours ordinaires, lugubre aux services funèbres…
Quant à l’organiste, il évitera avec soin de jouer des airs mondains, profanes, des airs de théâtre, des pièces qui n’auraient aucun rapport avec l’office qu’on célèbre ! Partant de l’idée que, dans les règlements, l’on n’interdit que ce qui se pratique habituellement, on peut imaginer le répertoire joué sur les orgues de nos églises !
Nous reviendrons ultérieurement sur le détail des observations que ce « règlement de Rouffach et manuel des cérémonies romaines » de 1845, réserve aux sacristain, chantres et organiste…
Un de ses articles est consacré aux sonneurs et sonneries des cloches de l’église. On y apprendra notamment, qu’en accord avec M. le Maire, l’Angélus devra être sonné tous les jours, sans exception, à quatre heures du matin, depuis le 15 mai jusqu’au 15 août inclusivement, et à cinq heures tout le reste de l’année ! …
Gérard Michel
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