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Un peu de vocabulaire avant de commencer :
La compagnie des tireurs est à Rouffach une institution ancienne dont on trouve les premières traces dans les archives en 1539, mais qui remonte sans doute à bien plus loin. Rappelons que pour être bourgeois à Rouffach il fallait pouvoir justifier la propriété d’une pièce d’armement, maintenue en parfait état, pour pouvoir assurer la défense des portes et des murs en cas de nécessité. Celui qui pouvait s’acheter une arquebuse, un mousquet ou un fusil peut avoir envie de s’en servir… et de nombreux règlements édictés par le Magistrat rappellent l’interdiction de se servir des armes à feu lors de festivités telles des baptêmes ou des mariages, à cause du danger que ces tirs représentent. On conçoit aisément que pour canaliser l’enthousiasme des tireurs, les autorités ont permis, voire encouragé, la création d’associations qui allaient pouvoir s’adonner à leur passion de manière réglementée.
Car c’est bien de passion qu’il s’agit et cette compagnie n’est pas une milice qui ne s’entraînerait que pour la seule défense de la ville. Les textes nous présentent une association de compagnons, Gesellen, qui se retrouvent sur leur terrain d’exercice pour mesurer leur adresse entre eux, au tir bien sûr, mais aussi à des jeux auxquels les règlements de police de la ville les autorisent, comme les jeux de quilles et les jeux de dés ! Un privilège rare, puisque ces jeux étaient habituellement sévèrement réglementés et même interdits !
On ne présente plus Léopold d'Autriche: plusieurs articles d'obermundat ont évoqué ce personnage peu ordinaire, homme d'Eglise, homme de guerre, artisan de la reconstruction de l'Isenbourg entre 1612 et 1617... Le lecteur pourra se reporter avec profit aux articles proposés par Jacques Mertzeisen sur le sujet.
Léopold avait été nommé coadjuteur de l'évêque de Passau en Allemagne à l’âge de 11 ans, coadjuteur de l'évêque de Strasbourg à 12 ans, évêque de Passau à 19 ans et, à 21 ans, en 1607, évêque de Strasbourg . N'ayant jamais exercé la prêtrise, il restera administrateur laïc de ses diocèses jusqu'en 1625, date à laquelle il renonce à ses fonctions d'évêque de Passau et de Strasbourg en faveur de son neveu Léopold Guillaume, fils de l'empereur, qui lui succède à la tête de ses diocèses. En 1626 il épousera Claude de Médicis qui lui donnera cinq enfants.
Quelles ont été ses relations avec la population de Rouffach? Entre la diplomatie, les guerres et l'administration de ses territoires il ne séjournera que rarement en son château de Rouffach. Et la bourgeoisie de Rouffach ne gardera pas toujours le meilleur souvenir des visites de son Seigneur et de son encombrante suite ...
Le document que vous présente l'article suivant est la relation d'un passage, éclair, par la ville, le jeudi saint de 1612, au cours duquel son altesse princière ne s'est pas montrée très empressée de nouer des relations chaleureuses avec ses sujets!
Jacques Callot 1592 - 1635 (Musée lorrain Nancy)
Les guerres de religion opposant partisans du catholicisme et partisans du protestantisme agitent la France entre 1562 et 1598. Au cours de ces guerres successives, les belligérants des deux camps font appel à des mercenaires allemands qui, pour rejoindre la France, passent par l'Alsace avant de traverser les Vosges. Les villes surveillent les routes et le passage de ces troupes armées. L’Alsace, peu à peu, se militarise: les habitants des différentes seigneuries s’entrainent à la guerre, les fortifications sont refaites et s’arment de canons et d’arquebuses.
Progressivement s’installe dans nos villes un climat d’"avant-guerre" qui finira, à partir de 1618, en une véritable guerre qui durera trente ans.
Rouffach sera touchée cruellement par ce conflit en 1634 : cette année, le 15 février, les suédois arrivèrent aux portes de Rouffach et assiégèrent la ville. Les gens de Rouffach, avec quelques soldats impériaux, se défendirent avec ardeur jusqu’au moment où la ville fut prise d’assaut par les suédois qui, pendant trois longues heures massacrèrent tous les hommes qu’ils rencontraient.
La ville fut mise à sac et les rouffachois furent contraints de payer aux occupants une très forte rançon, si exorbitante qu’ils durent y engager tous leurs biens et toute leur fortune. Les notables qui avaient survécu au massacre furent menés à Colmar et jetés en prison où on ne cessait de les menacer de les pendre si la rançon exigée n’était pas payée dans son intégralité.
Tout était rare et hors de prix et la famine s’installa, au point que la population en fut réduite à manger des cadavres...
L’insécurité régna de nombreuses années, tout le temps que dura la présence des suédois dans le pays.
On attend habituellement d'un homme d'église l'intégrité, la charité et la bienveillance: Nicolas VERDOT, prieur de couvent Saint Valentin à Rouffach, ne possédait, lui, aucune de ces vertus! Il succède à Nicolas TERRESTRE, déposé de ses fonctions par le légat du pape pour sa vie dissolue et la mauvaise gestion des biens du prieuré. Il sera d'ailleurs condamné à restituer 1000 livres bâloises. Nicolas VERDOT, qui l'avait dénoncé, sera nommé prieur et se comportera de la même manière que son prédécesseur, Nicolas TERRESTRE ! Cité à comparaître à la Régence d'Ensisheim, il plaida une grave maladie et disparut totalement pendant huit mois... Lorsque le prieuré et tous ses biens furent remis au séminaire épiscopal de Molsheim les comptes firent apparaître que TERRESTRE et VERDOT avaient détourné 1000 florins ! Nicolas VERDOT réapparut après le départ des Suédois et l'entrée des troupes françaises dans Rouffach: il avait réussi à se procurer du roi de France une missive qui lui reconnaissait ses droits sur le prieuré. Après plusieurs péripéties il fut chassé mais revint, sous la protection des armes, au prieuré, où il mourut en 1636.
Les registres de délibération des séances du Magistrat conservent plusieurs signalements au sujet des frasques de ce personnage, connu pour son caractère irascible, ses écarts de langage et sa brutalité.
Voici l'une de ces affaires, au cours de laquelle notre homme s'en est pris avec violence au portier de la Porte Neuve de la ville, la porte Nord, dite également porte de Colmar.
Aux archives municipales de Rouffach, une série est consacrée aux affaires militaires et … marine ! Il s’agit d’une série importante qui conserve en particulier un nombre important de dossiers sur la guerre de Trente Ans et les exactions commises par les troupes de passage.
La même série conserve les règlements de la garnison, ceux de la garde de la ville et du château d’Isenbourg... En particulier, les ordres d’Eberhart, comte de Manderscheid - Blankenheim, Grand-Bailli, gouverneur de l’Obermundat, au sujet de la négligence qu’apportent dans leur service les gens de Rouffach, bourgeois et habitants, ainsi que ceux des communes environnantes, lorsqu’ils sont appelés à participer à cette garde : il leur est reproché en particulier de quitter leur poste avant d’avoir été relevés ou de passer leur temps à dormir dans les corps de garde ! Pour remédier aux désordres signalés, de sérieuses mesures sont ordonnées par le Grand Bailli Eberhart.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
Cette page contient des liens vers des outils et sites partenaires autour de la paléographie, l'histoire et l'Alsace.
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