Sebastian Münster: vue de la chapelle de l'hôpital Saint-Jacques et de la porte de Froeschwiller
Dans le règlement de l'Hôpital Saint-Jacques de 1606, il est à remarquer que dans tout le document, parmi les 3052 mots qui le composent, on ne trouve à aucun moment les mots Kranken ou Siechen, (malades) ou l’une ou l’autre de leurs formes : il n’y est question que de Bettler, de mendiants, de vagabonds. Dans d’autres documents sur le même sujet, même constat : les « pensionnaires » de l’hôpital sont désignés par les mots : die Arme, die arme Nodtleÿdtende, die Armen und Nothürftige, die Hausarmen, die arme Leüth, die Armen undt Betürftigen… les pauvres, les nécessiteux (un mot peut également désigner des malades, maladie et pauvreté allant de pair).
Et même si dans d'autres textes figurent les mots Krancken et Siechen, malades, on ne trouve pas de mention de soins du corps à apporter au malade. Les seuls soins qui sont évoqués sont ceux de l'âme, la confession et les saints sacrements...
L'essentiel de la mission de l'hôpital, établissement "civil" géré par le Magistrat, se limite donc à l'accueil, l'hébergement et le chauffage. La nourriture, elle, est assurée par les familles et surtout par la générosité de la population de la ville... Quant aux soins médicaux, il n'en est jamais fait mention, ce qui ne signifie pas qu'ils n'existaient pas: la présence de médecins à l'hôpital ne sera attestée qu'au siècle suivant.
Et tout ne s'y passe pas toujours très bien pour les pensionnaires, ainsi que le dénonce cet extrait d'un protocole du Magistrat de 1616:
" Le 6 juin 1617, cinquante minutes environ après le coucher du Soleil, se produisit une conjonction de la Lune et Vénus qui souleva l’admiration de tout Ulyssipone. Vénus semblait chevaucher la Lune…"
Disons-le franchement : de nos jours, un tel événement n’intéresserait guère plus de 1% du public… sauf si, par un hasard rare, l’actualité venait à marquer une pause. Un présentateur en panne d’informations sensationnelles pourrait alors lui consacrer quelques secondes à la fin de son journal télévisé.
Mais en ce début de XVIIe siècle, Johannes Remus Quietanus commente largement ce rapprochement virtuel de La Lune et de l’étoile du Berger dans un courrier adressé à son ami le mathématicien impérial Johannes Kepler. Les nouvelles politiques y ont aussi la primauté : Quietanus relate d’abord le décès de l’archiduc Maximilien III.
Une étude de cette lettre nous éclairera sur le rang de celui qui deviendra quelques années plus tard Bestellter Physicus (médecin en titre) de la ville de Rouffach, ainsi que sur ses préoccupations médicales et astronomiques.
Couverture en parchemin d'un livre censier de l'hôpital Saint Jacques de Rouffach
Les rondes des fêtes à l’affiche des offices de tourisme offrent aux vacanciers et aux amateurs de fêtes de nombreuses manifestations organisées par des confréries de tout genre : confréries viniques en majorité, mais aussi d'autres, confrérie du chou rouge, de l’élixir de la sorcière, des gardiens de la météorite, de l’asperge, de la tarte flambée, du presskopff, etc. Convivialité, échange et partage sont les objectifs de ces rassemblements qui drainent un nombreux public, souvent familial, de tout âge.
Si le nom est le même, on reste tout de même assez loin des idéaux qui inspiraient les confréries de l’époque médiévale et du début des temps modernes dont ces nouvelles confréries se veulent pourtant souvent les fidèles continuateurs, si l'on se réfère aux costumes "médiévaux" portés par leurs membres et par le cérémonial dont ils s'entourent...
Pour comprendre ce qu’est une confrérie, il suffit de se souvenir de l’étymologie du mot : le mot confratria est attesté dès le 9ème siècle et a donné au 13ème siècle le mot confrarie puis confrérie sous l’influence du mot frère, issu également de frater.
le cadran solaire du couvent des Récollets de Rouffach
Ce matin du 7 novembre 1631, Johannes Remus Quietanus scrute le ciel avec inquiétude : la grisaille automnale voudra-t-elle se dissiper ? Il ne faudrait pas que ces maudits nuages l’empêchent de vérifier la prédiction de son ami Kepler !
Il y a quatre ans déjà, dans ses Tables rudolphines [1], le mathématicien impérial avait mentionné que selon ses calculs, Le Soleil, Mercure et la Terre devaient se trouver parfaitement alignés ce 7 novembre et en 1629, il a réitéré son annonce en publiant un opuscule « Admonotio ad astronomos» pour mettre les astronomes en alerte : des transits des planètes inférieures devraient se produire en 1631, en novembre pour Mercure et en décembre pour Vénus. Bien lui en a pris, car il est une chose que Johannes Kepler n’avait pas su prévoir, c’est que lui-même ne pourrait pas les observer : il est décédé en 1630…
Materne BERLER, né à Rouffach en 1487 et décédé à Gueberschwihr vers 1573, a fait ses études à l’école latine de Sélestat, creuset de l’humanisme alsacien, comme élève de Jérôme GUEBWILLER (1473-1545) puis à l’Université de Bâle (1507-1509). Il s’inscrit dans le courant humaniste qui s’épanouit au XVIe siècle, qui en est l’âge d’or dans l’ensemble de l’Europe de la Renaissance. Sans atteindre la notoriété des illustres humanistes qu’il a pu côtoyer au cours de ses études, Sebastian MUNSTER, Beatus RHENANUS, Ulrich ZWINGLI, ERASME de Rotterdam ou Jakob WIMPFELING, Materne BERLER a légué une chronique dont de nombreux passages sont précieux pour l’historien. Cet ouvrage au style parfois embrouillé et lourd est, comme beaucoup d’ouvrages de la même époque, une compilation de récits empruntés à diverses sources, mais il recèle quelques pages de vraie chronique familiale dans lesquelles l’auteur livre quelques souvenirs de son enfance à Rouffach.
Cette Chronique de 794 pages a malheureusement disparu dans l’incendie de la bibliothèque de la Ville de Strasbourg en 1870. Quelques pages, 120, recopiées sur l’original avant sa destruction, ont été publiées par L.SCHNEEGANTZ dans le Code historique et diplomatique de la ville de Strasbourg, Strasbourg 1843.
Dans le passage que nous avons choisi de présenter, BERLER rappelle un souvenir de son enfance, sur les marchés de Rouffach, dans une page dans laquelle il traite de l’introduction en Alsace de la vérole maligne ou du mal français, la syphilis, importée en 1495 par les soldats revenant de la campagne de Naples.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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