Albrecht Dürer Die Hexe (vers 1500) Staatsbibliothek Bamberg
Traduction G.M.
" Marie WEINGANT, veuve de Jacob LAUR, bourgeois de Rouffach et ancien Werckmeister, en raison de toutes sortes d’indices retenus contre elle et des fortes présomptions de sorcellerie, aussi parce qu’elle avait été dénoncée comme leur compagne et complice, Gespillin, par plusieurs personnes depuis exécutées par le feu, a été arrêtée et incarcérée le 25 février 1631 et lors de son interrogatoire, elle a avoué, d’abord spontanément puis sous la torture, ce qui suit :
Malefiz Urthe(i)l: sentence à l'issue d'un procès criminel
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Peut-être un lecteur attentif aura-t-il remarqué en fouillant sur la photo de la façade Notre-Dame de Rouffach par Adolphe Braun, après 1849 et avant 1867,, cette forme insolite abandonnée au sommet de la tour nord ? De quoi pouvait-il bien s'agir? Elle n'apparaît pas dans le décor de la nouvelle tour érigée en 1872, après que l'on eut démoli l'ancienne pour en refaire les fondations.
A y regarder de plus près, en agrandissant au maximum la photographie, on parvient à distinguer une forme sculptée, celle d'une chimère ou d'une gargouille, qui aurait été abandonnée là, au sommet d'une tour qui ne sera jamais terminée, oubliée sur le chantier de construction de la façade, dans le premier quart du quatorzième siècle !
Ci-dessus: la chouette, figure de ceux qui fuient la lumière de la parole divine...
(façade ouest de l'église Notre-Dame, photo g.m.)
Au touriste qui demande pourquoi la tour sud de l’église Notre Dame de Rouffach, celle de droite, est restée inachevée, il lui est invariablement répondu que les travaux avaient été interrompus par la guerre de 1870…Ce qui n’est que partiellement exact puisque les travaux ont repris au printemps 1872 et se poursuivront sans interruption jusqu’à la réception définitive, en 1879.
Mais il sera laissé à une autre génération le soin de faire élever la deuxième tour de la façade ouest et d’achever le monument, en coiffant les deux tours de leurs flèches…
Gustave Doré Les cadeaux de l'Enfant Jésus 1856
Source: gallica.bnf.fr
Un hôpital au Moyen-Âge
(document kleio.org Alltagsgeschichte des Mittelalters)
Vers 1180, Guy de Montpellier (1160-1208) fonde l'ordre des Hospitaliers du Saint-Esprit et de la confrérie du Saint-Esprit dont la vocation est d'accueillir tous les déshérités de la vie, les enfants abandonnés, les pauvres et les malades. L’ordre se répandit rapidement dans toute la chrétienté, surtout en Italie et en France, avec près de 800 maisons. En Allemagne, il y en eut beaucoup moins, une dizaine, surtout en Allemagne du Sud : le premier et le plus important d’entre eux était situé en Alsace, à Stephansfeld, fondé vers 1210, au sud de Brumath. En 1270 est fondée une filiale de Stephansfeld, l’hôpital du Saint Esprit de Rouffach, que l’on appellera altes Spital, le vieil hôpital, pour le distinguer du neues Spital, le nouvel hôpital, l’hôpital saint Jacques, cité pour la première fois en 1311.
L’établissement de Rouffach comportait plusieurs bâtiments : la chapelle, l’hospice séparé de l’hôpital par le passage de l’Ombach, des bâtiments annexes servant de logement, le moulin à farine et sa boulangerie sur le même Ombach et une cour dimière dans la rue Ullin. Au XVIème siècle, l’hôpital possédait toute l’actuelle rue des Bouchers, de nombreuses maisons dans la ville, une part des revenus de l’Isenburg ainsi que des terres et des propriétés qui s’étendaient bien au-delà des limites du Mundat.
Le XVIIème et le XVIIIème siècle furent une période de déclin et en 1791 l’hôpital ainsi que la petite église furent vendus à un particulier : l’hôpital du Saint-Esprit avait cessé d’exister…
Aujourd’hui, il ne reste de ce vaste ensemble que le nom de la ruelle qui en longeait un des côtés, la ruelle du saint Esprit. Tout le reste a disparu ou a été profondément restructuré.
Peu d’archives anciennes de l’hospice du saint Esprit de Rouffach ont été conservées, transférées au fil du temps vers l’établissement de Stephansfeld, dispersées et perdues pour la plupart.
Les archives municipales de Rouffach conservent cependant un document rare qui permet, indirectement, de pénétrer dans le quotidien d’un hôpital de la première moitié du 15ème siècle : il s’agit d’un procès-verbal consignant les dépositions d’une quinzaine de bourgeois de Rouffach, de membres du Conseil, du curé de la paroisse et même de l’abbé de l’abbaye saint Grégoire de Munster, appelés à témoigner dans une procédure opposant Schultheiss et Magistrat de la Ville à Jos. von BADEN, Maître de l’hospice du Saint Esprit de Rouffach.
De quoi s’agit-il ? De tensions et désaccords entre les deux parties, mais on ne saura rien de plus et on ne saura pas le fin mot de l’affaire : nous laissons au lecteur le plaisir de deviner, au fil de la lecture des différents témoignages, ce qui a bien pu se passer…
Mais surtout, la lecture attentive des témoignages successifs lui fera découvrir une multitude d’indices qui, mis bout à bout, lui permettront d’imaginer ce que pouvait être la vie quotidienne d’un hôpital du Moyen-Âge…
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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