Ci-dessus: la chouette, figure de ceux qui fuient la lumière de la parole divine...
(façade ouest de l'église Notre-Dame, photo g.m.)
Au touriste qui demande pourquoi la tour sud de l’église Notre Dame de Rouffach, celle de droite, est restée inachevée, il lui est invariablement répondu que les travaux avaient été interrompus par la guerre de 1870…Ce qui n’est que partiellement exact puisque les travaux ont repris au printemps 1872 et se poursuivront sans interruption jusqu’à la réception définitive, en 1879.
Mais il sera laissé à une autre génération le soin de faire élever la deuxième tour de la façade ouest et d’achever le monument, en coiffant les deux tours de leurs flèches…
Gustave Doré Les cadeaux de l'Enfant Jésus 1856
Source: gallica.bnf.fr
Un hôpital au Moyen-Âge
(document kleio.org Alltagsgeschichte des Mittelalters)
Vers 1180, Guy de Montpellier (1160-1208) fonde l'ordre des Hospitaliers du Saint-Esprit et de la confrérie du Saint-Esprit dont la vocation est d'accueillir tous les déshérités de la vie, les enfants abandonnés, les pauvres et les malades. L’ordre se répandit rapidement dans toute la chrétienté, surtout en Italie et en France, avec près de 800 maisons. En Allemagne, il y en eut beaucoup moins, une dizaine, surtout en Allemagne du Sud : le premier et le plus important d’entre eux était situé en Alsace, à Stephansfeld, fondé vers 1210, au sud de Brumath. En 1270 est fondée une filiale de Stephansfeld, l’hôpital du Saint Esprit de Rouffach, que l’on appellera altes Spital, le vieil hôpital, pour le distinguer du neues Spital, le nouvel hôpital, l’hôpital saint Jacques, cité pour la première fois en 1311.
L’établissement de Rouffach comportait plusieurs bâtiments : la chapelle, l’hospice séparé de l’hôpital par le passage de l’Ombach, des bâtiments annexes servant de logement, le moulin à farine et sa boulangerie sur le même Ombach et une cour dimière dans la rue Ullin. Au XVIème siècle, l’hôpital possédait toute l’actuelle rue des Bouchers, de nombreuses maisons dans la ville, une part des revenus de l’Isenburg ainsi que des terres et des propriétés qui s’étendaient bien au-delà des limites du Mundat.
Le XVIIème et le XVIIIème siècle furent une période de déclin et en 1791 l’hôpital ainsi que la petite église furent vendus à un particulier : l’hôpital du Saint-Esprit avait cessé d’exister…
Aujourd’hui, il ne reste de ce vaste ensemble que le nom de la ruelle qui en longeait un des côtés, la ruelle du saint Esprit. Tout le reste a disparu ou a été profondément restructuré.
Peu d’archives anciennes de l’hospice du saint Esprit de Rouffach ont été conservées, transférées au fil du temps vers l’établissement de Stephansfeld, dispersées et perdues pour la plupart.
Les archives municipales de Rouffach conservent cependant un document rare qui permet, indirectement, de pénétrer dans le quotidien d’un hôpital de la première moitié du 15ème siècle : il s’agit d’un procès-verbal consignant les dépositions d’une quinzaine de bourgeois de Rouffach, de membres du Conseil, du curé de la paroisse et même de l’abbé de l’abbaye saint Grégoire de Munster, appelés à témoigner dans une procédure opposant Schultheiss et Magistrat de la Ville à Jos. von BADEN, Maître de l’hospice du Saint Esprit de Rouffach.
De quoi s’agit-il ? De tensions et désaccords entre les deux parties, mais on ne saura rien de plus et on ne saura pas le fin mot de l’affaire : nous laissons au lecteur le plaisir de deviner, au fil de la lecture des différents témoignages, ce qui a bien pu se passer…
Mais surtout, la lecture attentive des témoignages successifs lui fera découvrir une multitude d’indices qui, mis bout à bout, lui permettront d’imaginer ce que pouvait être la vie quotidienne d’un hôpital du Moyen-Âge…
Vierge de l'Annonciation du Musée de Besançon (© Guenat Patrick)
Après la parution sur obermundat.org de l'article Les vicissitudes d'un chef-d'œuvre: le grand portail de Notre-Dame de Rouffach, suite..., plusieurs lecteurs ont demandé comment les deux Vierges du portail de Notre-Dame de Rouffach ont pu se retrouver au Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon.
Nous ne savons pas, malheureusement, ce qu'il est advenu des statues et morceaux de statues arrachées à la façade de l'église, en cette triste journée du 13 décembre 1793. On ne peut aujourd'hui que constater leur absence sur les consoles et les voussures du grand portail et regretter l'acharnement des révolutionnaires à détruire tout ce qu'ils trouvaient à portée de leurs mains ou de leurs outils, notamment aussi les deux grands anges de la façade et les gargouilles surplombant le portail...
Les deux statues des Vierges sont installées depuis début décembre 2020 dans les collections permanentes du musée de Besançon et seront accessibles au public dès la réouverture..
Ces deux œuvres avaient appartenu à une collection privée, celle de Charles Oulmont, qui les a léguées en 1984 à la Ville de Besançon et à son musée.
Cet article fait suite à un premier, sur le même sujet, paru sous le titre Les vicissitudes d'un chef-d'œuvre: le grand portail de Notre-Dame de Rouffach (cliquez ici pour y accéder)
La population de Rouffach suit avec beaucoup d'intérêt les travaux de restauration des façades de l'église Notre-Dame et redécouvre la blondeur initiale de la pierre des carrières du Strangenberg qui a servi à sa construction. Les voussures du portail ouest ont été soigneusement débarrassées des mousses, de la crasse et des déjections de pigeons qui les avaient noircies. Le travail d'extrême précision des restaurateurs a permis de redonner son éclat au délicat entrelacs de feuillage qui orne ces voussures, les consoles et l'encadrement de la porte et même de retrouver des traces d'une polychromie ancienne ! Mais ce nettoyage n'aura pas permis de retrouver le moindre vestige du riche décor sculpté ancien, définitivement perdu...
Pourtant, de ce décor sculpté du quatorzième siècle, ont survécu au moins deux statues, conservées au Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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