Intérieur de l'église de Rouffach Engelmann (vers 1830)
Pfarrers Begeren wegen einer leichtfertigen schwangern Hueren… requête du curé auprès du Conseil au sujet d’une fille de joie enceinte…
Le curé dont il s’agit est Carol Pistor dont Th. Walter nous apprend qu’il exerçait son ministère à Rouffach entre 1616 et 1619. Selon lui, il aurait été un véritable « mercenaire », ein echter Mietling ! Après que le conseil lui eut permis de remettre en état tout l’équipement intérieur, Hausrat, de son logement (meubles, vaisselle, ustensiles, luminaires, linge de maison), aux frais de la ville, il disparut sans laisser de traces : en 1619, le registre de la confrérie de la Reit qui consigne le nom des confrères et le montant de leur cotisation, note, en face de son nom : nichts mehr, ist entloffen… plus rien, s’est enfui ! (in Walter Urkunden .Buch der Pfarrei Rufach 1900).
La cathédrale de Strasbourg transformée en Temple de la Raison 1794
Prêtre réfractaire ou non-jureur, à la Constitution civile du Clergé, promulguée en juillet 1790, Jean-Michel Vogelgsang est contraint à la clandestinité : il vivra caché, fuyant d’une maison amie à une autre, ou terré dans la maison familiale, dans l’actuelle rue Poincaré, caché sous le plancher du grenier. Il poursuivra cependant son ministère, visitant les malades et administrant les mourants…
Le 8 décembre 1793, il rend compte dans son journal du saccage par les révolutionnaires rouffachois du grand portail ouest, du cimetière et des statues qui ornaient l’intérieur de l’église Notre-Dame.
Il poursuit :
Le cimetière avait été, deux jours plus tôt, transformé en un immense champ de ruine. Les habitants de Rouffach avaient mis en lieu sûr les pierres tombales et les croix des tombes familiales. Mais tout ce qui n’avait pas été emporté ou n’avait pu l’être, fut réduit en morceaux. Il était question d’aménager un nouveau cimetière devant la porte de Froeschwiller.
… et un peu plus loin :
Dans la même nuit nous avons fait disparaître de la façade de notre maison l’image de la Vierge qui s’y trouvait dans une niche...
Cette maison existe toujours, avec sa niche surmontant la porte d’entrée, dans laquelle a été replacée une statuette de la Vierge…
Le compte-rendu du Conseil de la Ville, tenu en séance publique le 24 frimaire de l’an II (14 décembre 1793) insiste sur la nécessité impérieuse de déplacer en d’autres lieux le cimetière de l’actuelle place de l’église, côté sud, après que l'on eut débarrassé l’emplacement de toutes les pierres tombales, croix et autres signes religieux qui s’y trouvaient. Le bruit avait couru que le nouveau cimetière serait construit après la porte Est de la Ville, porte de Froeschwiller ou porte de Brisach, mais ce 24 frimaire, il en fut décidé autrement...
Ci-dessus: Bifeuillet 41v-42r du Liber Vitae de Rouffach, (A GG 77), archives municipales de Rouffach
© Marie RENAUDIN
Dans un article précédent, Gérard MICHEL m’avait invitée à partager avec vous mon expérience au contact du Liber Vitae (A GG 77), ce trésor des archives municipales de Rouffach ; nous avions alors parlé du support parchemin, puis des encres, composants principaux de certains manuscrits.
Dans ce dernier épisode de notre trilogie, nous allons non plus nous pencher sur l’étude des éléments constitutifs du Liber Vitae, mais sur ses particularités rédactionnelles permettant de faire revivre un instant, le scriptorium à l’origine de la rédaction de ce trésor.
Les cloches dont est question dans cet article sont celles qui se trouvaient dans l'ancien clocher de l'église, la tour octogonale qui s'élève au-dessus de la croisée du transept. Un clocher aujourd'hui vidé de ses cloches depuis la construction de la tour nord au dix-neuvième siècle. On constate sur la photo ci-dessus, l'absence de remplage dans l'une des fenêtres: c'est par cette ouverture qu'étaient hissées les cloches pour les installer dans leur beffroi. La plus grande, et donc la plus grave de ses cloches, installée en 1488, pesait plus de deux tonnes 1/2 ! Ces cloches seront transférées dans la tour nord à l'issue de sa construction commencée après 1870. Enlevées sur ordre des autorités allemandes, elles disparaîtront en avril 1917 et seront remplacées par une nouvelle sonnerie, réalisée par la fonderie F. et A CAUSARD. Le contrat signé par le maire de Rouffach est daté du 10 février 1922. Il concerne la fourniture de 5 cloches, pesant au total 7.275 kilos, en bronze composé de 78% de cuivre rouge et de 22 % d’étain fin de Banca. Chacune porte un nom de baptême et aura chacune ses parrains et marraines:
Une nouvelle cloche sera installée par le même fondeur dans le clocheton de l'église Sainte Catherine des Récollets: elle est dédiée à Sainte Catherine, pèse 115 kilos et sonne SOL.
Avant l'arrivée de l'électricité, les cloches étaient actionnées manuellement par des sonneurs qui tiraient de longues cordes traversant la voûte: les ouvertures par où passaient les cordes qui actionnaient les cloches de la tour Nord, avant l'électrification de la sonnerie, sont encore visibles dans le bas-côté nord de l'église.
Mais par quelles ouvertures passaient les cordes qui accédaient à l'ancien clocher, au-dessus de la croisée du transept ? Aucune trace n'en subsiste aujourd'hui ... Où et comment sonnait-on ?
Non, le suisse dont il est question ici n’est pas un ressortissant helvète qui se serait égaré dans notre église. Les moins jeunes des lecteurs d’Obermundat.org, ceux de mon âge, se souviennent de cet étrange soldat coiffé d’un bicorne garni de plumes, aux moustaches impressionnantes et au sourcil sévère, armé d’une hallebarde et d’une lourde canne à pommeau, qui faisait régner l’ordre et le silence dans les premiers bancs de l’église où s’agitait une troupe de garçons turbulents…
Ce suisse avait officiellement pour mission d’ouvrir les marches des processions, de protéger la croix et le saint sacrement, d’accompagner les offrandes et aussi de surveiller discrètement l’assemblée. Par son costume et par sa manière, il conférait à la liturgie la solennité et la quiétude qui conviennent au recueillement et à la prière.
Ces suisses d’église, n’ont aucun rapport avec les gardes suisses du Vatican qui sont un corps militaire, créé en 1506, composé de ressortissants suisses. Nos « Suisses » eux, trouvent leur origine dans les Ordonnances royales de 1771, qui instituèrent une pension de retraite pour les vieux soldats. Mais les soldats mercenaires suisses combattant pour le Roi de France furent exclus de cette mesure : il fut alors décidé de les répartir dans les paroisses, et aux frais des paroisses, pour en assurer le gardiennage, la sécurité et le service d’honneur et ils gardèrent leur uniforme.
Ces Suisses ont disparu dans la plupart de nos églises aujourd’hui. Il y en reste encore trois en service à la cathédrale de Strasbourg qui officient lors des grand-messes des dimanches et des fêtes solennelles et dans quelques rares paroisses qui ont maintenu la tradition.
Une tradition qui s’est perdue à Rouffach, où seule la canne à pommeau du dernier Suisse en exercice est exposée au mur de la grande salle paroissiale…
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
Cette page contient des liens vers des outils et sites partenaires autour de la paléographie, l'histoire et l'Alsace.
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