La cathédrale de Strasbourg transformée en Temple de la Raison 1794
Prêtre réfractaire ou non-jureur, à la Constitution civile du Clergé, promulguée en juillet 1790, Jean-Michel Vogelgsang est contraint à la clandestinité : il vivra caché, fuyant d’une maison amie à une autre, ou terré dans la maison familiale, dans l’actuelle rue Poincaré, caché sous le plancher du grenier. Il poursuivra cependant son ministère, visitant les malades et administrant les mourants…
Le 8 décembre 1793, il rend compte dans son journal du saccage par les révolutionnaires rouffachois du grand portail ouest, du cimetière et des statues qui ornaient l’intérieur de l’église Notre-Dame.
Il poursuit :
Le cimetière avait été, deux jours plus tôt, transformé en un immense champ de ruine. Les habitants de Rouffach avaient mis en lieu sûr les pierres tombales et les croix des tombes familiales. Mais tout ce qui n’avait pas été emporté ou n’avait pu l’être, fut réduit en morceaux. Il était question d’aménager un nouveau cimetière devant la porte de Froeschwiller.
… et un peu plus loin :
Dans la même nuit nous avons fait disparaître de la façade de notre maison l’image de la Vierge qui s’y trouvait dans une niche...
Cette maison existe toujours, avec sa niche surmontant la porte d’entrée, dans laquelle a été replacée une statuette de la Vierge…
Le compte-rendu du Conseil de la Ville, tenu en séance publique le 24 frimaire de l’an II (14 décembre 1793) insiste sur la nécessité impérieuse de déplacer en d’autres lieux le cimetière de l’actuelle place de l’église, côté sud, après que l'on eut débarrassé l’emplacement de toutes les pierres tombales, croix et autres signes religieux qui s’y trouvaient. Le bruit avait couru que le nouveau cimetière serait construit après la porte Est de la Ville, porte de Froeschwiller ou porte de Brisach, mais ce 24 frimaire, il en fut décidé autrement...
Le lecteur notera dans le texte la rage et la fureur contenues dans les mots proférés par les citoyens "libérés" à l'encontre des monuments choquants: des pierres tombales et des croix dont la vue seule blesserait l’œil de l’homme libre, et qu'ils avaient saccagés quelques jours plus tôt, protégés par un arrêté départemental et par la caution morale du corps médical, médecin physicien et chirurgiens jurés, et applaudis par un troupeau de braves bourgeois. Des braves bourgeois qui, sans doute se presseront, quelques années plus tard, le 9 mai 1801, à la première messe célébrée dans l’église de Rouffach, débarrassée du fatras révolutionnaire qu’ils y avaient entassé eux-mêmes…
Séance publique du 24 frimaire l’an II (14 décembre 1793) de la République françoise et indivisible (nous avons conservé l’orthographe originale du document…)
Le procureur de la commune a dit qu’en exécution de l’arretté du département du haut Rhin du 6 du présent mois (26 novembre 1793), il a fait disparoitre dessus le lieu destiné à la sépulture des morts les monumens choquants inventés par la superstition, propagée par l’orgeuil et qui blaissoient l’œil de l’homme libre, et qu’aiant rempli ce devoir, il importoit à ses fonctions de réquerir, à ce que la Municipalité désigne un local pour l’inhumation des morts, que ce local soit à une distance de la Ville, pour que l’air méphitique, une exhalaison corruptueuse, ne porte pas atteinte à la salubrité en l’air.
La Matière mise en délibération, la Municipalité provisoire arrête que quatre membres pris dans son sein se rendront sur le champ sur tous les lieux disponibles pour l’inhumation des décédés ; ils se feront accompagner par le Médecin physicien et les Chirurgiens jurés de cette commune, et feront part dans le jour de leurs observations au corps municipal, et en procédant au scrutin de Nomination, le Citoyen Treyer, Allemand, Somereisen et Isner ont été désignés pour connoitre le local.
Les commissaires nommés par notre délibération, accompagnés du Citoyen Thomas, Médecin physicien et du Citoyen Diederich, chirurgien Juré de cette commune, se sont présentés au corps municipal et ont dit qu’ils se sont rendus sur tous les terreins placés hors des limites de la Commune, desquels on pouvoit disposer sans porter atteinte aux propriétés des Citoyens, et qu’ils avoient remarqué qu’un terrein placé entre la porte du Vignoble et le cy devant château d’Hissembourg, dans la fermeture des murs de la Commune, propriété à elle, étoit très propre pour y établir un lieu d’inhumation des Morts, que placé au couchant de la Ville, l’évaporation se porteroit au dela de la Montagne et qu’en conséquence on ne pourroit faire un choix plus avantageux que du terrein cy dessus indiqué.
La municipalité provisoire de la Commune, ouï le Procureur de la commune, a délibéré que l’administration supérieure seroit priée d’autoriser la Municipalité de désigner le terrein cy dessus indiqué pour l’inhumation des morts, de même que pour la dépense, que les mêmes réparations pourront necessiter
Signé Muntsch fils, Frick, Allemand, Treyer, ……, Somerisen, Nelle, Bilger, Thomas, Diederich,
.../...
L’administration du Département du Haut Rhin a arrêté que la Municipalité du dit Rouffach est autorisée à désigner le terrain dont s’agit pour l’inhumation des morts, l’a autorisé pareillement à faire exécuter les menues réparations nécessaires pour cette destination, dont la dépense sera payée par le Receveur des revenus patrimoniaux et allouée dans son compte en rapportant les mémoires des ouvriers et quittances suffisantes.
La niche, au-dessus de la porte d'entrée de la maison Vogelgsang, rue Poincaré.
à suivre…
Gérard Michel
Droit d'auteur et propriété intellectuelle
L'ensemble de ce site relève de la législation française et internationale sur le droit d'auteur et la propriété intellectuelle. Tous les droits de reproduction sont réservés. Toute utilisation d'informations provenant du site obermundat.org doit obligatoirement mentionner la source de l'information et l'adresse Internet du site obermundat.org doit impérativement figurer dans la référence.