Tout au moins à Eguisheim, en avril 1630 ! A cette époque on réussissait, avec la complicité de l'Esprit mauvais, à faire décoller à peu près n'importe quoi: charrettes, bâtons, fourches, mais jamais de balais!, chiens, chats, lièvres, veaux, chevaux, loups... A califourchon sur ces drôles de montures, sorcières et maîtres sorciers passaient par-dessus remparts et portes de la ville pour rejoindre leurs comparses et fiancés diaboliques pour célébrer leurs noces sataniques au sommet du Bollenberg, par exemple...
C'est tout au moins ce que ces malheureux et malheureuses avouent à l'issue de longs interrogatoires, après avoir été soumis à la Question, appliquée par l'exécuteur des Hautes Œuvres, le bourreau de la ville et ses aides...
C'est le cas de Maria Schlosser, la sage-femme d'Eguisheim, qui, le 23 avril 1630, reconnait dans le troisième item de ses aveux, avoir rejoint une douzaine de ses pareilles, à califourchon sur un veau, suivant son fiancé diabolique Peterlein qui lui, montait un poulain...
Le document n'est pas daté, il figure dans un registre dont les documents sont classés par ordre chronologique : le document qui le suit est daté de 1593 et on peut raisonnablement penser que A FF 11/33 date d’avant cette date.
Le document ne cite pas le nom de l'accusée. Les seuls noms cités sont Margreth MÜNTZENBERGERIN, sa „Gespielin… auch eine Zauberin“, sa comparse, elle aussi sorcière, Beat MEYER, propriétaire à l’époque des faits du “…hoff Muethersheim » et qui avait été son patron et également Meister Hans SCHLEDENMEYER, qui aurait dû être victime des maléfices de l’accusée. Il aurait dû devenir aveugle, mais qui ne l’a pas été, puisqu’au moment des faits, alors qu’il chevauchait entre Thann et la forêt de Pulversheim, il chantait des cantiques, ce qui le protégeait de tout maléfice !
Nous avons failli oublier ROTMENNLEIN, (littéralement le petit homme rouge) l’esprit mauvais, le „fiancé“ satanique de l'accusée.
Ce document est très incomplet: il se réfère à un autre texte, qui n'a malheureusement pas été conservé, qui lui, énumère les différents items des aveux prononcés par une femme accusée de sorcellerie devant l'assemblée des Sibner à l'issue de son interrogatoire. Notre document ne recopie que les items 4, 6, 11, 12, 13 et 14.
Ursula SCHMIDin infanticide et sorcière
Ursula est l'épouse de Hans HÄBERLIN d' Ober Sultz (plus loin elle sera appelée die Heberle et die Heberlerin et la sœur de Michell HILLWECKH, bourgeois de Sultz. L'affaire débute lorsque la petite bonne de la maison découvre sur un tas de fagots de sarments de vignes le cadavre d'un nouveau né, enveloppé dans un drap de lin noir. Très rapidement le bruit court en ville que c'est Ursula, la maîtresse de maison qui aurait tenté de cacher l'enfant dont aurait accouché en secret une servante welche qui avait été à son service neuf mois auparavant: a-t-elle accouché à terme d'un enfant viable, s'agissait-il d'un enfant mort-né, d'un avortement, d'un infanticide, tous ces bruits alimentent la rumeur, une rumeur qui conduira Ursula au bûcher. La mère de l'enfant a quitté la ville, à aucun moment de "l'inquisition" qui a suivi les enquêteurs n'ont cherché à retrouver sa trace pour pourvoir l'interroger...
Les différentes pièces de ce volumineux dossier feront l'objet d'un développement détaillé dans un article ultérieur.
Gobelets de Conseillers du Magistrat, aux armes de Wissenbourg
Les conseillers du Magistrat percevaient, jusqu’en 1614, en remerciement de leur fidélité et de leur zèle tout au long de l'année, une indemnité annuelle, dans la mesure où les revenus de la ville le permettaient, est-il dit pudiquement dans un des protocoles ! En plus, ils profitaient très largement de bien des avantages, en particulier des nombreuses bombances qui les rassemblaient à toutes occasions… les comptes du Bourgmestre révèlent, sans pudeur, le nombre et le prix de ces « troisièmes mi-temps »…
Le 14 mars 1614, le Magistrat décide de remplacer cette indemnité annuelle par un cadeau, remis à chacun des 15 membres élus du Magistrat ainsi qu’au Schultheiss et au greffier de la ville,: il s’agit d’un gobelet, ein Rathsbecher, une pièce d’orfèvrerie en argent plaqué d’or, ce que l’on appelle le vermeil, d’un poids d’environ 15 Loth… sauf celui du Schultheiss d’un poids de 21 Loth et qui coûtera 81 livres, ce qui fera une facture globale assez considérable de 774 livres… Tous les conseillers du Magistrat acceptent cette proposition sauf Jacob FISCHER, absent pour cause de maladie et Hans ACHTJAHR dont le protocole dit qu’il est stettig, têtu, et qu’il préfère rester aux anciennes dispositions qu'il trouvait peut-être plus avantageuses…
L’usage d’offrir des gobelets ou timbales était très répandu et Rouffach n’était pas la seule ville à récompenser ainsi ses élus et ces objets n’étaient pas rares.
Il s’agit d’une pièce d’orfèvrerie précieuse que l’on devait conserver dévotement dans les familles, en souvenir de l’ancêtre Schultheiss ou conseiller au Magistrat… comme on conserve aujourd’hui d’autres gobelets ou timbales, offerts autrefois à l’occasion de naissances ou autres événements familiaux, mariages, noces d’or, etc.
Et pourtant on en trouve peu dans les musées ou sur le marché de l’art…et si on en trouve, ils se vendent à prix… d’or ! Ou ont-ils bien pu passer ?
Les règlements et ordonnances de police édictées par les autorités de la Régence ou celles de l'évêque de Bâle, sont des documents qui intéressent au plus haut point l'historien: la répétition fréquente des interdits et le rappel des punitions encourues par ceux qui ne les respectent pas, prouvent bien que souvent ces interdictions ne sont pas respectées! Et l'on découvre ainsi les travers, petits et gros, de nos anciens: l'abus de vin, la pratique du Zutrincken, le jeu, les bagarres, le tapage nocturne, les blasphèmes et les jurons, l'absentéisme aux offices, messes, vêpres..., la fréquentation des filles de joie, etc. Ainsi, par exemple, comment saurait-on que l'un des passe-temps favori des hommes dans les tavernes était les jeux de hasard, cartes, dés et autres jeux prohibés, bassette, pharaon, landsquenette, etc. si un article d'ordonnance n'interdisait pas ces jeux et en dressait un inventaire précis?
Les règlements et ordonnances de police interdisent également le luxe ostentatoire et les dépenses excessives lors de fêtes familiales: repas de mariages, baptêmes, fêtes patronales et banquets..., cadeaux de mariage et de baptême... Le costume est ainsi réglementé de manière très précise, jusque dans les couleurs et la longueur de robes! Il est rappelé régulièrement que chacun devait se vêtir d'une manière spécifique selon son rang. Ces lois visent à rendre visible, par le vêtement, les tissus et les accessoires, la classe sociale à laquelle appartient celui qui les porte. Ainsi on pourra, dès l'abord, distinguer le seigneur du sujet, le bourgeois du manant, le maître du compagnon et de l'ouvrier...
Le document qui fait l'objet du présent article, une Ordonnance de sa Majesté l'Empereur transmise à Erasme, évêque de Strasbourg en 1565, rappelle comment doivent se vêtir les hommes et leurs femmes, gens de la noblesse, paysans et vignerons, artisans et ouvriers, Conseillers du Magistrat et bourgeois aisés qui vivent de leurs rentes...
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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