La chaire extérieure de l'église des franciscains de Rouffach, dessin de Ch. Winkler
Délaissant pour quelques temps mes recherches sur des sujets rouffachois, je me suis intéressé à l’histoire de mon village d’Eguisheim, et plus particulièrement au Château Saint-Léon, serti dans son mur d’enceinte octogonal. Et là, j’ai retrouvé une connaissance : l’architecte qui a remodelé le château urbain d’Eguisheim pour en faire un mémorial à la gloire du pape Saint-Léon IX n’est autre que Charles Winkler, l’illustrateur de Kunst und Altertum in Elsass-Lothringen, un ouvrage que j’avais consulté en me documentant sur l’église Saint-Catherine de Rouffach. On lui doit notamment le dessin de la chaire extérieure bien caractéristique de cette église du couvent des Récollets.
J’ai alors essayé de faire plus ample connaissance avec Charles Winkler, et je me suis rapidement aperçu que du sud au nord de l’Alsace, ou alphabétiquement d’Altkirch à Wissembourg ou Zimmerbach, on trouve du Winkler partout ! Ici, je m’intéresserai davantage aux empreintes de Winkler aux alentours de Rouffach.
Jacques Mertzeisen
Denis HEISSLER
L'an dernier, M. Michel signalait la présence de deux pierres armoriées de réemploi sur une grange de la rue Ullin à Rouffach et suggérait qu'elles provenaient peut-être de l'ancien hôpital du Saint-Esprit.[1] L'une de ces pierres comporte un écu divisé en deux champs verticaux. Celui de droite[2] est en creux par rapport à celui de gauche et contient une étoile à huit branches en relief.[3] J'ai fait l'hypothèse qu'il s'agissait de l'armoirie des Zuckmantel à savoir : "Parti d'or plain et de sable à l'étoile à huit rais d'argent".[4] Hypothèse trop restrictive comme on va le voir.
Dans plusieurs articles précédents, nous avons essayé de montrer que l’histoire se construisait aussi, et surtout, dans le secret des réserves d’archives. Et c’est le plus souvent dans de modestes documents que le chercheur découvre des paillettes, bien minuscules, certes, mais qui finiront par s’allier à d’autres pour former une pépite et un lingot. Parmi ces documents, souvent d’une lecture longue et ardue, pour un résultat parfois assez mince, figurent les livres censiers et les registres de comptes.
Depuis quelques mois, j'ai entrepris de lire et de transcrire les livres censiers et livres de comptes de la maison de l’Ordre du Saint Esprit, rares documents conservés de cette vénérable institution du Rouffach ancien aux A.M.R. L’un des derniers articles mis en ligne sur obermundat.org se référait au Heülig Geist Register de 1603, tenu par Jacob Anshelm, Schaffner des heiligen Geist Ordens und Hauses zu Ruffach, receveur et comptable de l'Ordre du saint Esprit et de sa Maison de Rouffach.
Il m’a paru intéressant d’en savoir plus sur ce personnage dont les comptes, au chapitre des dépenses en particulier, sont parfois surprenants, surtout lorsqu’on se rappelle que ce sont ceux d’une institution dont la vocation première était de recueillir les enfants abandonnés et les orphelins…
Nous remercions ici François Boegly qui nous a fourni les éléments de biographie dont il disposait sur cette famille Anshelm. Le père de Jacob était greffier épiscopal (Landschreiber) et une pierre tombale à son nom est conservée dans l’église des Récollets de Rouffach.
Jacob sera receveur de l’hospice du saint Esprit et receveur du Klingertaler Hof, la cour domaniale de l’abbaye de Klingental, rue Pairis. Il a également été Meister (Maître) d’une importante confrérie de dévotion, la Reit Bruderschaft. Il est l’oncle de Maria Schlitzweck, épouse du Docteur Johann Remus Quiétanus, astronome et médecin de l’archiduc Léopold d’Autriche. Maria Schlitzweck a également une pierre tombale à son nom conservée aux Récollets.
Les sœurs de Jacob ont toutes épousé des notables : Elisabeth est l’épouse du Burgermeister de Rouffach et en secondes noces du receveur épiscopal de Rouffach, Anne est l’épouse de Tillmann Nevel, greffier de la ville de Rouffach et Catherine est l’épouse de Georges Guillaume Schlitzweck, greffier de la ville d’Ensisheim.
Jacques Anshelm épousera Madeleine Cuentz, qui sera condamnée pour sorcellerie et exécutée sur le bûcher en 1613. Les deux sœurs de Madeleine, Odile, épouse de Melchior Knechtlin, conseiller au Magistrat puis Burgermeister à Rouffach, ainsi que Anna, épouse de Jean Köbler de Wasselone seront, elles également, brûlées vives pour sorcellerie.
Comment et pour quelles raisons trois membres d’une famille de la grande bourgeoisie dirigeante de Rouffach ont-elles pu être compromises dans une affaire de sorcellerie, emprisonnées, torturées, condamnées et exécutées sur un bûcher ?
Je propose au lecteur une transcription et une traduction des pages mentionnant les dépenses de l’année 1608 / 1609, enregistrées dans le livre de comptes de l’ordre du saint Esprit (A / GG 58) . Certains items ne manqueront pas de surprendre... Nous y reviendrons…
Nous ne savons que peu de chose du quotidien de la maison de l’ordre du saint Esprit de Rouffach et de son hospice : il ne nous en est pas parvenu de chronique et parmi les rares documents que nous possédions, ceux qui peuvent aider le mieux l’historien à reconstituer quelques instants de vie de cette vénérable institution, sont les registres d’un schaffner, le comptable, chargé de tenir et d’équilibrer les comptes et de noter scrupuleusement les recettes et les dépenses.
Nous proposons dans cet article un item tiré du livre de comptes, Heülig Geist Register de 1603, tenu par Jacob Anshelm, schaffner des heiligen Geist Ordens und Hauses zu Ruffach.
La sainte famille au repos pendant la fuite en Egypte (Musée Unterlinden Colmar)
Un paragraphe de l’article publié le 29 décembre 2020, Le clocher tors de l’église Notre-Dame de Rouffach, dont le sujet était la flèche de la tour sud, démolie avant les grands travaux du XIXème siècle, a suscité des remarques de lecteurs qui m’ont permis de revoir et corriger ma copie. Voici le paragraphe en cause :
Ce clocher de la tour Sud de Rouffach n’a pas été conservé et pour cause : s'il était vrillé, cela ne devait rien à la volonté et à l'art d’un maître charpentier qui aurait voulu réaliser là son chef d’œuvre, mais à sa mauvaise construction et à sa vétusté : il représentait même un danger permanent et il était plus qu'urgent d'intervenir !
C'était là une conclusion hâtive, en commentaire du rapport de l’architecte colmarien P.F.Janinet sur l’état de l’église, dressé le 2 juillet 1816 :
La tour dont il vient d’être question est surmontée actuellement par une flèche couverte en tuiles, dont la charpente est en sapin : font craindre à chaque instant qu’elle ne vienne à s’écrouler. Les pièces principales qui la soutiennent sont entièrement pourries par leur pied, leur inégale résistance a fait éprouver à toute la charpente un mouvement de torsion, en sorte que la flèche a perdu son aplomb et penche considérablement du côté de la place où se tiennent les marchés publics.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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