Les Archives municipales de Rouffach conservent un fonds ancien d'une richesse exceptionnelle. On y trouve en particulier un ensemble rare de 1228 parchemins dont le plus ancien date du treizième siècle, de 1270 plus précisément, et le plus récent de 1854. [1] Ces documents précieux, et fragiles, demandent une attention et un soin particulier lors de leur manipulation, en particulier ceux qui ont conservé leurs sceaux.
Nous avons choisi de présenter dans cet article, le plus ancien de ces parchemins conservés aux archives municipales de Rouffach: l'acte par lequel le chevalier Jacques de Rathsamhausen et sa famille, offrent à l'hôpital du Saint Esprit la parcelle de terre sur laquelle l'hôpital et toutes ses dépendances, chapelle, moulin, ferme, etc. avaient été construits.
[1] cf. Inventaire des Parchemins: Théobald Walter et Thérèse RUEFF Attachée de conservation du patrimoine, archiviste de la Ville
L'Ombach en juin 1962 (photo G.M.)
... quand Rouffach était encore protégée par ses tours, ses portes monumentales et ses remparts, avant qu’on eut démoli l’ossuaire saint Nicolas du cimetière, le Tanzhaus, le Neuhaus, la Metzig, la vénérable Isenburg, et que l’Ombach coulait encore à ciel ouvert dans la vieille ville…
Il s'agit d'une vue figurant la place de l'église, avant 1862 / 1863, puisqu'y figure encore un bâtiment qui sera rasé cette année là, à la suite de la vente ou de l'expropriation pour cause d'utilité publique, des six logements qui le constituaient,. L'objectif était d'éliminer tous les obstacles qui pouvaient gêner la restauration de l'église Notre-Dame et de dégager un espace pour l'agrandissement de la place du marché. Cette place avait déjà été débarrassée du cimetière qui l'occupait, de la chapelle-ossuaire Saint Nicolas et de toutes les baraques élevées entre les contreforts autour de l’église, dont les dernières disparurent en 1849. Ce fut là une entreprise qui fit couler beaucoup d’encre par action judiciaire.
Le dernier bâtiment, un immeuble abritant les six logements, visible à gauche de la lithographie, disparaîtra en 1862 / 63: die Fräulein Häuser, les maisons des demoiselles.
Pourquoi une ruelle du saint Esprit à Rouffach ?
Vers 1180, Guy de Montpellier (1160-1208) fonde l'ordre des Hospitaliers du Saint-Esprit et de la confrérie du Saint-Esprit dont la vocation est d'accueillir tous les déshérités de la vie, les enfants abandonnés, les pauvres et les malades. L’ordre se répandit rapidement dans toute la chrétienté, surtout en Italie et en France, avec près de 800 maisons. En Allemagne, il y en eut beaucoup moins, une dizaine, surtout en Allemagne du Sud : le premier et le plus important d’entre eux était situé en Alsace, à Stephansfeld, fondé vers 1210, au sud de Brumath. En 1270 est fondé une filiale de Stephansfeld, l’hôpital du Saint Esprit de Rouffach, que l’on appellera altes Spital, le vieil hôpital, pour le distinguer du neues Spital, le nouvel hôpital, l’hôpital saint Jacques, cité pour la première fois en 1311.
L'ordre a connu son apogée au XVe siècle, avec près de mille hôpitaux à travers l'Europe puis disparut presque totalement au XVIIIème siècle pour ne subsister aujourd'hui principalement qu'en Espagne et en Pologne.
Ci-dessus une page du carnet de relevés des marques lapidaires effectués par Pierre Paul Faust en 1961 sur la façade occidentale de l'église Notre-Dame de Rouffach. L'édifice a été minutieusement prospecté par étages numérotés (ici le n° 8) correspondant aux travées de l'échafaudage qui avait été mis en place pour la restauration de la façade, de deux mètres en deux mètres. Il s'agit là d'un document unique et d'un intérêt exceptionnel pour l'histoire de la construction de notre église... (collection personnelle)
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Il ne s'agit pas, dans les deux cas, de signes que l'on appelle communément "marques de tâcherons" qui sont des marques d'assemblage ou de montage, comme on peut en trouver quantité à l'église Notre-Dame de Rouffach, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, mais de la marque propre à un maître qui signe là son oeuvre.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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