Le martelage (sous le second Empire)
in Les bûcherons et les schlitteurs des Vosges, dessins de Théophile Schuler - Paris, 1867.
Dans l’affaire évoquée dans les deux documents qui suivent, deux bourgeois de Hattstatt , Diebod Schultheiss et Hanns Imelin ont été condamnés à une peine de prison au château d’Isenbourg pour avoir falsifié des arbres-lisières qui marquaient les limites de pâturages entre les bans de Rouffach d’une part et ceux de Herrlisheim et Hattstatt d’autre part. Grâce à l’intervention du seigneur de Hattsttat, ils ont bénéficié d’une grâce accordée par le seigneur de l’Obermundat mais cette grâce est assortie d'une Urfed par laquelle ils s’engagent solennellement de ne pas se retourner contre ceux qui les ont condamnés, sous peine de devenir parjures et hors-la-loi.
Le 23 avril 1613, Laurent de la Ramée fut décapité au château du Haut-Barr, près de Saverne : un tribunal d’exception venait de le condamner pour haute-trahison et intelligence avec l’ennemi. Les âmes sensibles éviteront de poursuivre la lecture, les autres découvriront quelques agissements pas très catholiques de notre évêque Léopold de Habsbourg.
À vrai dire, Laurent de la Ramée n’était pas un enfant de chœur. C’est lui qui se trouvait à la tête de la populace guerrière de Passau (Passauer Kriegsvolk) lors de son invasion de la Bohème en 1611 [1]. D’ailleurs dans cette aventure, ses intentions, comme celles de l’Archiduc Léopold ne sont pas des plus limpides : selon ses dires, il s’agissait de prêter main-forte à l’empereur Rodolphe II dans la rivalité qui l’opposait à son frère Mathias, déjà roi de Hongrie qui convoitait à présent le trône de Bohème. La motivation des fantassins de cette soldatesque avait des raisons moins politiques : mal payés de leurs campagnes, les mercenaires voulaient s’en prendre à l’Empereur pour lui réclamer leur dû et ils se servaient au passage, vivant de rapines et pillages.
Les automates de l'horloge médiévale (Photo Thiébaut Walter 1899)
Ces éléments sont aujourd'hui conservés au Musée du Bailliage de Rouffach.
Sur la façade occidentale de Notre-Dame de Rouffach, il a existé, une horloge à jaquemarts, datable de la fin du XVe siècle et démontée en 1859. L'animation s’organisait autour de l’arbre de la connaissance, sur lequel s’enroulait le serpent. De part et d’autre, on voyait Adam et Ève. Cette dernière présentait à son compagnon la fameuse pomme, tandis qu’Adam frappait les heures sur un timbre avec un marteau. A ce moment, un personnage grotesque surnomme d’r Lalli, surgissait d’une fenêtre au-dessus de la scène et tirait la langue.
Rouffach et les communes de l’ancien Obermundat ont été façonnés au XVIe s. et au début du XVIIe s. par des artisans de haut niveau, maîtrisant l’ensemble du processus depuis les carrières jusqu’à l’élévation des façades ornementées. On ne sait pas grand-chose de ces professionnels, qui pourtant ont laissé des traces dans les comptes de chantier - lorsque les documents ont été conservés - ce qui limite le champ aux bâtiments publics ou seigneuriaux. Leur connaissance est toutefois facilitée par ce que l’on appelle communément et à tort des « marques de tâcheron », ou ce qui est mieux : « marques lapidaires ». Le bon terme est cependant l’allemand « Steinmetzzeichen » ou marque de tailleur de pierre. Ce sont des signes de complexité variable, hauts de quelques centimètres, gravés en des endroits bien visibles des édifices. Ce ne sont pas des marques facilitant le paiement à la tâche, comme on le dit trop souvent, mais des signatures propres à chaque artisan ou artiste, et bien sûr au Baumeister, l’architecte.
Les archives municipales de Rouffach conservent dans leur fonds ancien les protocoles des audiences du Magistrat depuis la toute fin du XVème siècle jusqu'à la Révolution, avec une interruption de 1631 à 1642 due aux troubles de la Guerre de Trente Ans.
Ces protocoles sont une source inépuisable de renseignements pour le chercheur: Tout au long des pages, le lecteur y découvre les événements, même les plus secrets, de la vie quotidienne des hommes et des femmes du Rouffach ancien.
Rappelons qu'un membre du Magistrat est à la fois conseiller, c'est-à-dire qu’il siège dans les assemblées qui gèrent les affaires courantes de la ville mais aussi juré dans les assemblées qui jugent les délits mineurs qui relèvent de la police de la ville : déplacement de bornes, litiges au sujet de clôtures ou de murs, pâturage sur des terres non autorisées, injures, coups et blessures... A d’autres moments il peut également être amené à siéger comme juré dans des affaires criminelles : vols, vols dans les églises, impudicité, adultère, assassinats ...et sorcellerie. Le Magistrat a donc une double fonction : celle d’une cour administrative et celle d’une cour de justice. Bien souvent d'ailleurs, le même conseiller peut être désigné - ou alors il signe lui-même - tantôt par « des Raths » tantôt par « des Gerichts » apposé à la suite de son nom : Jacob FISCHER des Raths et Jacob FISCHER des Gerichts, Jacob FISCHER membre du Conseil ou Jacob FISCHER membre du tribunal.
Le présent article propose un extrait du registre BB 39 qui consigne les protocoles des années 1626 à 1629 qui traitent de sujets aussi divers que le balayage et la propreté des rues de la ville, la réception de nouveaux bourgeois, la répartition de la glandée des porcs dans la forêt du Hochberg, et, dans le document qui nous intéresse, la nomination et le salaire de l'organiste et du souffleur de l'orgue de l'église Notre-Dame. Cet orgue est, en 1626, un orgue neuf, puis qu'il venait d'être installé par Thomas Schott facteur d'orgues de Bremgarten, en Suisse. Cette orgue avait été déchargé le 5 mai de la même année d’un bateau du Rhin à Neuenbourg sur cinq chariots et était arrivé dans la soirée à Rouffach accompagné par le facteur d’orgue et une vingtaine d’autres personnes.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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