L’alsacien boit et aime à boire. Il boit quand il a soif et il lui arrive souvent d’être altéré. Mais il boit aussi, alors qu’aucun besoin ne le presse, par habitude, par courtoisie, par bravade, par distraction, par goût…
Abbé Auguste Hanauer dans Etudes économiques sur l’Alsace ancienne et moderne, Denrées et salaires (1876-1878).
Et que boit-on à Rouffach? L’eau, celle de l’Ombach comme celle des nombreux puits de la ville, étant impropre à la consommation et nuisible à la santé, la population se rabat sur une autre boisson qui, elle au moins avait meilleur goût, meilleur aspect et n’entrainait pas les mêmes troubles que l’eau : le vin.
Ce vin, on le boit chez soi, mais aussi, et surtout, dans l’un des nombreux débits de boissons qui jalonnent les rues et ruelles de la ville. Les états des vins mis en cave dans les auberges, les poêles des corporations et les caves dimières révèlent des quantités impressionnantes : un inventaire du vin de la cour dimière de l’évêque à Rouffach, daté du jeudi 16 mars 1589, découvert aux A.D.B.R., donne des chiffres éloquents des réserves qu’elle renfermait: 86 fuder et 12 mesures, soit plus de 86.000 litres, l’équivalent de 115.000 bouteilles d’aujourd’hui ! Les chiffres relevés dans les caves des auberges sont tout aussi parlants : 5 foudres pour la seule Tribu À l’Eléphant, 4 foudres pour la Tribu À la Licorne, 81/2 pour l’auberge À la Demi-Lune et 6 foudres pour la Trinckstube du Magistrat… 6000 litres de vin blanc et rouge pour étancher la soif des conseillers ! Il ne s’agit pas là d’un état des achats de vin en une année, mais d’un état dressé dans une cave à un moment donné : dans certaines auberges, les achats de vin blanc en une année pouvaient aller jusqu’à 20, voire 24 foudres !
Marie Bigot, gravure sur bois anonyme, vers 1810
Cette année 2020 est le 250ème anniversaire de la naissance du compositeur allemand Ludwig van Beethoven né à Bonn en 1770 et décédé à Vienne en Autriche en 1827. Un autre anniversaire mérite notre attention ; celui du 200ème anniversaire du décès de la pianiste colmarienne et amie de Beethoven, Marie Bigot de Morogues (Colmar 1786 - Paris 1820).
Vischer A.M.R. AA 4
Dans la recherche en histoire, comme dans toute recherche, rien n’est jamais définitif : ce qui est sûr un jour peut être remis en cause le lendemain par une nouvelle découverte: vestige archéologique, chronique ou journal, document iconographique, écrits, imprimés, etc.
Ainsi deux documents redécouverts récemment dans nos archives photographiques, nous permettent de corriger mais surtout de compléter notre article publié dans ces pages le 27 mai 2020 sous le titre Règlement des pêcheurs professionnels de la Lauch (1564). Il s'agit de deux pages conservées aux archives municipales de la Ville de Rouffach:
La Lauch à Rouffach (photo G.M. mai 2020)
Le poisson tient une place essentielle dans l’alimentation quotidienne de nos ancêtres : les jours de jeûne et d’abstinence, imposés par l’Eglise, étaient nombreux, entre cent dix et cent vingt, voire plus, selon les époques, soit le tiers de l’année. Les Quatre-Temps, le Carême, les veilles des principales fêtes liturgiques, le vendredi et aussi le samedi, étaient des jours de jeûne obligatoires pendant lesquels la consommation de la viande était prohibée, celle du poisson par contre étant autorisée : la chair du poisson, "animal de nature froide", ne produirait pas « l’incendie de la luxure », contrairement à la viande, les graisses animales, les laitages et même les œufs ! D’où une pêche et un commerce intenses : poissons de mer conservés en saumure, harengs et morue, salés et séchés, acheminés par les bateliers du Rhin depuis les Pays Bas, mais surtout poissons d’eau douce locaux, fournis par des pêcheurs professionnels regroupés en corporations.
A Rouffach, les pêcheurs sont organisés en corporation et appartiennent à la tribu A la Licorne. Ils pratiquent leur activité dans la Lauch, la pêche dans l’Ombach étant réservée au seigneur du lieu.
Saint Urbain, saint patron des vignerons (phot. G. Michel)
Le vignoble et le vin ont de tout temps eu une importance considérable dans l’économie de la ville de Rouffach, participant à sa richesse et à sa renommée. C’est une source de revenus pour le peuple, c’est une source de richesse pour les bourgeois et surtout pour les nombreuses cours appartenant à de riches abbayes, dont certaines très lointaines, qui perçoivent les revenus des terres qu’elles possèdent à Rouffach. Le seigneur de la ville, l’évêque et les chanoines du grand chapitre perçoivent la dîme en vin, un vin conservé dans la cave dimière: un inventaire de 1589 note qu'y étaient entreposés plus de 86 "fuder" de vin, blanc et rouge, vin vieux et vin nouveau, 86.000 litres, soit près de 115.000 bouteilles d'aujourd'hui ! (source A.D.H.R.)
Cette activité viticole florissante a entraîné le développement des activités qui lui sont liées, en premier lieu celles de la tonnellerie et des métiers tels ceux de Büttner, Küfer, Böttcher, Schäffler ou encore Fassbinder. Partenaires du vigneron, leur travail joue un rôle essentiel dans l'élaboration, le vieillissement du vin, son transport et sa commercialisation.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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