Schule Ordnung zu Ruffach
L’école latine de Rouffach, attestée depuis 1323, se serait trouvée, selon certaines sources, sur l’actuelle place de l’église, non loin de la chapelle-ossuaire Saint-Nicolas, entourée par le cimetière. D’autres sources, notamment Th. Walter, la situent en bordure de route, face au chevet de l’église.
Le document que propose le présent article date de 1542 : il est la copie, dans le registre des délibérations du magistrat, du règlement promulgué le 11 mars 1521 par l’évêque de Strasbourg, Guillaume III de Honstein, qui définit les droits et les devoirs du maître de l’école latine.
Heures de Louise de Savoie (B.N.F.)
Vers la fin du Moyen-Âge les institutions ecclésiastiques et Magistrat des Villes sont souvent associés dans l’administration de l’enseignement. Le cas de l’école latine de Rouffach est un exemple d’une telle collaboration entre autorités civiles et religieuses : en 1521, l’évêque de Strasbourg déclare que l’administration de l’école de Rouffach devait revenir au curé, au bailli, au Schultheiss et au conseil de la ville.
D’une manière générale, les écoles latines, qu’elles fussent urbaines ou ecclésiastiques, enseignaient les sept arts libéraux, mais surtout le trivium, grammaire, rhétorique, dialectique, ainsi que l’étude des textes latins, grecs et hébreux. Ces langues anciennes sont dites humanistes, du latin humanus qui signifie sociable, parce que l’étude de l’Antiquité, modèle de vie, d'écriture et de pensée, grandit l’homme et lui enseigne l’esprit de tolérance.
De là le mot humanités qui désigne leur étude et le mot humanisme qui désigne le courant intellectuel de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle.
Dans le règlement de l’école latine de Rouffach proposé ci-dessous, ne sont pas nommées, en dehors de l’étude de la musique, les études du quadrivium : ne sont pas mentionnées l’arithmétique, la géométrie et l’astronomie, ce qui ne signifie évidemment pas qu’elles n’étaient pas enseignées à Rouffach.
Ces études dans les écoles latines sont le prélude à celles que proposent les écoles humanistes alsaciennes, celle du couvent des Récollets de Rouffach où se formèrent Jodocus Gallus, Conrad Pellican, Materne Berler, Sebastian Münster, Valentin Boltz, Conrad Lycosthenes, ainsi que celle de Sélestat d’où sortit Beatus Rhenanus.
A noter qu’il n’est pas question de mixité, cet enseignement est réservé exclusivement aux garçons
Le maître d'école , Adriaen van Ostade 1662
Les principaux articles du règlement de 1521 :
- Afin que les jeunes disposent à l’école de la meilleure instruction et éducation, le prince, évêque de Strasbourg, a permis que sa direction et son contrôle soient confiés à un curé, aux côtés du bailli, du Schultheiss et du Conseil de la Ville qui en assurent la gestion et contrôlent le respect du règlement.
- D’abord, le maître d’école instruit les élèves dans le chant et il est tenu avec ses élèves de chanter les Vêpres tous les samedis ainsi que la messe, la procession et les vêpres des dimanches. De même à toutes les veilles de fêtes et les fêtes elles-mêmes… y compris les fêtes de Saint Arbogast, de Henrici imperatoris et des quatre docteurs de l’église, saint Augustin, saint Grégoire, saint Jérôme et saint Ambroise… De même ils chanteront tous les soirs le Salve Regina…
- Il devra tenir les élèves avec un peu plus d’ordre et de zèle qu’ils ne l’ont été dans le passé :
- En particulier les élèves iront à l’école en été de 5 heures au matin jusqu’à 9 heures et de midi jusqu’à 4 heures. En hiver, de 7 heures au matin jusqu’à dix heures et de midi à 4 heures…
- Il sera fait une distinction des niveaux pour que les élèves ne restent pas tous dans le même cours et qu’ils se gênent mutuellement.
- Certains étudieront la grammaire, et la conjugaison pendant que les plus jeunes s’exerceront à la lecture, ou à la déclamation…
- L’enseignement transmis par le maître d'école à ses élèves doit être exemplaire et donner envie à d’autres parents, qu’ils soient de Rouffach ou qu’ils soient étrangers, d’envoyer leurs enfants dans son école et de suivre son enseignement.
- L’instituteur devra prêter serment devant ses supérieurs qu’il mettra tout le zèle, ainsi que ses capacités et ses facultés dans l’exercice de sa fonction.
- Il assurera le chant à l’église aux heures et aux jours qui lui sont demandés selon les besoins et se conformer aux indications du curé ou du célébrant concernant le chant, afin d’éviter les erreurs.
- Il ne devra quitter Rouffach sans autorisation ni recevoir dans sa maison de personnes suspectes ou de mauvaise compagnie pour ne pas donner de mauvais exemple à ses élèves.
- S'il lui est permis, pour ses affaires, de s'absenter, il devra se trouver un remplaçant, compétent et habile.
- Il sera payé par chaque élève, une livre pour l’année, 4 Plapharts pour le bois de chauffage de l’école en hiver…
- Il percevra également douze florins, un foudre de vin et 5 quartauts de grains qui seront prélevés sur les émoluments réservés au curé et il touchera du Conseil de la ville, cette année, 6 florins supplémentaires…
- Pour que le maître d'école puisse mener une vie décente, il lui sera attribué dorénavant cinq plapharts et pour l'année une livre bâloise, ainsi que pour quatre plapharts de bois avec lequel il chauffera l'école en hiver. Auparavant, chaque élève ne payait à chaque Fronfast pas plus de quatre plapharts...
- L'argent qui lui est dû pour l'office du Salve, lui reviendra, comme c'était le cas auparavant...
- Les autorités (Bevelchhaber) de l’instituteur veilleront particulièrement à ce qu’il ne manque de rien…
Date: Sontag Letare Anno XVCXXI: 11 mars 1521 (le document A.M.R. BB 3 est une copie de 1542 dans le registre des protocoles du Magistrat)
Le bailli est Wilhelm Böcklin von Böcklinsau et l’Evêque de Strasbourg, Guillaume III de Honstein
Notes :
- Le Dimanche Laetare est le quatrième dimanche de Carême. Laetare signifie réjouissez-vous, c’est le premier mot du chant d’entrée du quatrième dimanche de carême qui invite à se réjouir parce que déjà perce la joie pascale, la joie de la Résurrection.
- Plaphart, Blaffert, Plappert, Blafard: monnaie valant 6 deniers
- Fronfasten: Quatre-Temps ou Fronfast désigne un temps de prière et de jeune de trois jours qui divise l’année liturgique en quatre temps appelés Quartale, ou Quatember (lat. quattuor tempora, les Quatre temps) ou encore Fronfasten : ils tombent le mercredi, vendredi et samedi après le mercredi des Cendres, après le dimanche de la Pentecôte, le dimanche de l’élévation de la Sainte Croix le 14 septembre et après la Sainte Lucie, le 13 décembre. Un dicton rappelle les dates de ces journées: "Aschen, Pfingsten, Kreuz, Luzei, d' Woch' darauf Fronfasten sei."
On est ici assez loin de l’image de l’instituteur miséreux et famélique véhiculée par la tradition et l'iconographie ! Ici, au contraire, il semble que l’évêque veuille redorer l’image de cette fonction et redresser une situation qui laissait à désirer. Il est dit dans le document que des habitudes prises dans le passé devaient être changées et il est même souhaité que la qualité de l’enseignement et le renom de l’école attire de nouveaux élèves, même « étrangers » …
On notera la place importante accordée au chant et à l’animation des offices, dans l’emploi du temps du maître et de ses élèves. Les autres disciplines dispensées sont littéraires, étude de textes, grammaire, conjugaison, lecture et déclamation.
Et la suite ?
C’est Appolinaire Freiburger qui nous renseigne , pages 98 et suivantes, dans le Tome II de son Documenta Collecta :
Les débuts du collège communal...
Depuis le XVème siècle, les lettres avaient été cultivées d’une manière particulière à Rouffach, grâce à l’impulsion donnée par Conrad de Busnang.
Il n’y avait point de collège communal. Mais on pouvait faire ses classes chez les PP. Franciscains et, en partie, chez les pères Jésuites.
Après la suppression des ordres religieux, ce sont des prêtres séculiers qui ont donné des leçons particulières. Tout le monde sentait le besoin de continuer l’œuvre des ordres religieux.
Enfin, un acte providentiel fit trancher la question : Madame Veuve Treyer, par son testament du 17 novembre 1818, venait de fonder trois bourses au Grand-Séminaire, en faveur de sujets natifs de Rouffach. C’était un appel fait aux familles catholiques de Rouffach ; cet appel fut entendu. Il fallait donc préparer des sujets qui pussent jouir de cette faveur. La question de l’établissement communal était tranchée.
Le collège communal fut ouvert au mois de novembre 1820, sous la direction provisoire de M. l’abbé Vogelgsang. M. le recteur Meyer venait de mourir. Il fut remplacé par M. le recteur Fritsch, en 1819. Le nouveau curé de Rouffach fut nommé Principal du Collège.
Pendant les premières années, après l’ouverture du Collège communal, le conseil municipal continua de siéger dans le bâtiment qu’on appelait toujours le nouvel hôtel de Ville (aujourd'hui appelé Ancien Hôtel de Ville, à côté de l'actuel presbytère). Mais le nombre des élèves croissant d’année en année, on comprit que ce simultaneum ne pouvait pas continuer. Il fallait donc se décider à reléguer le conseil municipal à l’ancien hôtel de Ville (la Neuhaus, [ 1544 ? ] face au portail de l'église N.D.). Mais cet ancien hôtel de Ville, ayant paru insuffisant, ou peu convenable en 1716, il fallait se décider à le démolir, pour reconstruire l’hôtel de Ville actuel. C’est ce qui eut lieu en 1828.
Appolinaire Freyburger (1813-1901)
Pour les lecteurs courageux, la transcription du texte original en allemand:
A.M.R. BB 3 1542 / 49
Zu nutzlicher underhaltung der Schule zu
Ruffach, damit die Jungen desterbass darin
underwysen [1] unnd gezogen werdenn, so hatt
der hochwürdige Fürst, unnser gnediger
Herr vonn Straßburg bewilligt, das deren
regierung unnd uffsehen furterhin jeder
zeit neben eim pfarrer seiner gnaden vogt
zu Ruffach auch eim Schultheißen und
Rathe daselbst zustann gepurenn unnd uff
gelegt sein soll, also das der pfarrer der
kilchenn halb unnd darneben auch mit
seiner gnadenn vogt, Schultheiß unnd Rathe
der Schulenn verwaltung unnd ordnung
wie es der Schulmeister jederzeit inn der
kirchen am bequemlichstenn unnd inn der
Schulenn denn Jungenn am fruchtparsten
inn alle wege haltenn soll, zu bescheidenn,
zuenderen, zu minderenn unnd zu mehren
haben sollen. Und nemlich erstlich,
der Kirchen halb, sovil der Schulmeister
mit den Schulerenn Verstehung im Gesanng
thun sollen, furtherhin der Schulmeister
unnd Schuler alle Sambstag Vesper
auch sontags zum umbganng unnd mess
vesper zu singen verbunden sein, desglichenn
auch alle gepanner feyrabent unnd Tage zu der
Vespern unnd Messen wie obstat. Darzu auch
anndenn alterherprochtenn Chorfesten als
arbogasti, Heinrici Imperatoris unnd
quatuor doctotum, unnd alle nacht zu
gewonlichenn zeitenn das Salve singenn
also das sie ussert halb obbestimpter tagenn
der Kirchenn gesangs entladenn sein sollenn,
damit der Schulmeister zu Underwÿsung
der knabenn dester mehr zeit unnd die
selbenn desterbass lust zulernenn habe
dywÿl dann der Schulmeister der begenkunstenn
inn der Kirchenn entladenn sein
wurdt, so soll er auch der selben presentz
so er davon gehabt mangeln unnd die
furterhin dem pfarrer unnd Caplänen zu
glichenn theilenn volgenn und zustann
unnd aber der Schulmeister furterhin die
Schuler mit etwas bessernn vleiß unnd
ordnung inn der Schulen haltenn dann
bishere gescheenn, nemlich das sie Sommer
zeitten zu funnff urenn am Morgenn
bis neuen urenn, unnd zu zwölff uren
Mittags Zeit bis vier Uren, in der Schule
seyenn. Aber inn Wintters Zeit, am Morgen
zu sibenn urenn früe bis zehenn unnd
mittag zeit zu zwölffenn urenn widder
bis vier urenn darin bleybenn. Er soll
aber die Knaben underscheidenn das die
nit inn einer gleichenn leere / sunder, die
so zu underwÿsung der Grammatic anzufuren
sind, vonn denn andern sundernn das
keiner denn andern irre unnd also den selben
am Morgenn zwo lectiones die ein inn der
Grammatic, die ander was er achtenn mag
denn Knaben neben der grammatic für ein
autor am fruchtparstenn sein,unnd sonnst die
jungstenn zum lesen der tafel, unnd danots[2]
auch der declamationn, conjugationn unnd
verstands derselbenn anhalte, und also die
Knaben dermassen instituier, damit sie
Ime, dem Schulmeister, zu eeren Irer lere
gelobt unnd andere, frembd unnd heimsche
geursacht werden, Ire Kinder auch zu
seiner schule unnd underwysung zu schickenn
davonn Ime dann nit wenig nutzes
bekommen mag unnd allermassen wie
es mit solchenn lectiones vor mittag
gehaltenn, soll es auch nach mittag
wolzogenn werdenn, damit auch dem
allem also gelept (gelopt) unnd nachkhomenn
werde. So soll der Schulmeister solichs seins
Ampts halbenn, obgemeltenn der Schulenn
bevelchhabern ann eids statt gelobenn, das
er also der Schule unnd Schulerenn, mit seiner
unnderwysung unnd lere, nach seim bestenn
verstand unnd vermögenn am nutzlichsten
wolle vorsein unnd darinn nichts versaumenn.
Desgleichenn zu geordenten zeitenn unnd
tagenn die kirchenn mit dem gesanng
sovil Ime zustatt nach notturfft versehen
und deshalben jederzeit denn pfarrern
oder celebrantenn fragen, wes er sich
singens halb haltenn soll, damit dester
weniger geirrt werde. Er soll auch one
erlaubung obgemelter bevelchhaber über
nacht nit ussert der Statt Ruffach sein.
Ob Ime aber zu sein geschefftenn also erlaubt
wurde, soll er doch die schuler mitler zeit
mit eim andern der dar zu tuglich unnd
geschickt ist versehen. Es soll auch, der
Schulmeister, khein verdechtlich personn
noch ander ungeschickt geselchafft inn
seiner wohnung uff der Schule haltenn,
damit die Jugent davonn nit geergert
werde / dagegen unnd damit der Schulmeister
solches Ampts underwÿsung unnd
lerenn der Schulmeister dester stattlicher
zugewartenn habe unnd sich dabeÿ betragenn
unnd erhaltenn möge, so soll er dis Jare nach
volgende Competentz habenn, nemlich als
bis here jeder Schuler nit mehr dann vier
Plaphart für ein fronvasten gellt zu jeder
fronvastenn gegebenn, soll furterhin ein
jeder solcher Schüler zu jeder Fronvastenn
fünff Plaphart unnd also für das gantze
Jare ein pfund Basler gebenn, dar zü
vier plaphart holtz geltt davon der Schulmeister
die Schul über Winter beholtzenn
soll. Das Salve gelt soll Ime auch wie
vor zugehorenn / so will unnser gnediger
Herr vonn Strasburg an Statt des pfarrers
underhaltung (die derselb einn Schulmeister
hevor bewÿsenn) furterhin nemlich
dis Jars das inn der fronvast Invocavit
angangen ist uss seiner Gnaden Zehend
Heue fur ein Competentz disem Schulmeister
gebenn lassen zwölff guldenn, ein fuder
weins unnd funff fiertel khorns unnd
dagegen dem pfarrer sovil abziehenn
dar zu der rathe zu Ruffach uss der
Statt Seckel diss Jar noch sechs Gulden
zu Steuer geben sollen / und ein
Fuder Holtzes zuversuchen obe der Schulmeister
damit zuerhalltenn sein unnd
die Schule bass dann bishere gescheen
versehenn werde. Was auch obernante
der Schule bevelchhaber jeder zeit ann
versehung derselbenn oder des Schulmeisters
person mangelhafft befundenn, das
sollenn sie zu straffenn, zu endern unnd
zu bessern haben, wie sie jederzeit nach
[1] unterweisen : instruire, instruire qq. dans qqch.
[2] dannocht danocht dannacht
Gérard Michel
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Bibliographie :
- DHIA, Dictionnaire historique des Institutions d’Alsace, à l’entrée École en Alsace