En complément de l'article Règlement des pêcheurs de la ville de Rouffach, voici un document découvert par hasard par François BOEGLY aux archives départementales de Colmar. Il concerne la livraison de soixante quintaux de carpes, à livrer à Frédéric DIETRICH de Rouffach par un marchand poissonnier de Chaud pour le temps de Carême de 1781. Je n'ai malheureusement pas conservé la cote du document...
Dans l'article La consommation des œufs doit-elle être autorisée pendant l’Avent et le Carême du 5 décembre 2017, le lecteur a pu se rendre compte de l'influence considérable que l'église catholique exerce dans le quotidien des gens. Y compris dans leur alimentation: le calendrier religieux fait alterner jours gras et jours maigres, ces derniers excluant toute viande. Pour l’Église, la viande est un aliment dangereux, qui favorise le péché de chair. Dans les périodes dites ordinaires, le vendredi est jour maigre. Le jeûne est obligatoire lors des périodes de préparation aux grandes solennités religieuses, Pâques et Noël notamment, où l'on doit vivre à la fois sobrement et chastement. Il ne reste donc plus, si l'on suit le calendrier religieux, qu'un tiers de l'année où l'on pouvait manger librement! Les graisses animales, lard, saindoux, les laitages et les œufs sont prohibés durant ces temps "maigres". La viande est alors remplacée par le poisson : sa nature « froide et humide » ne risque pas « d’échauffer les sens » du consommateur et de déclencher « l’incendie de la luxure ».
Le poisson de mer est consommé traditionnellement en Alsace depuis le Moyen-Âge, conservé en saumure, salé et séché, transporté par bateaux sur le Rhin. Quant au poisson d'eau douce, il est pêché sur place, dans les rivières, la Lauch, la Thur, l'Ombach (la pêche y reste le privilège du Seigneur) et même les fossés de la Ville...
Il y avait à Rouffach des pêcheurs "professionnels" réunis en une corporation affiliée à la Tribu de la Licorne, sévèrement réglementée par les autorités de la seigneurie et celles de la Ville. Nous proposons dans cet article un règlement de 1564, traduit en français et remis à l'ordre du jour en 1697. Une fois encore, la ville a exhumé de son fonds d'archives un document vieux d'un siècle et demi, pour l'opposer aux nouveaux droits accordés au seigneur de l'Obermundat, après le rattachement de l'Alsace à la France, jugés contraires à l’usage et la tradition, et surtout aux droits et privilèges séculaires qui avaient été accordés à la Ville par les évêques depuis des siècles...
Page du Registre du Magistrat de 1600 (A.M. Rouffach BB 1)
Dans les articles de ce site, le mot Magistrat revient fréquemment. De quoi s’agit-il ? Pour rester simple, le Magistrat est le Conseil de la Ville, l’ensemble des personnes qui administrent la cité. A Rouffach il est composé de quinze conseillers et d'un greffier municipal, qui se réunissent sous l’autorité du prévôt, représentant le bailli, lui-même représentant le Seigneur, l'évêque de Strasbourg.
Qui sont ces personnes et comment sont-elles choisies ? Un document extrait d'un ancien Urbaire de 1580 va nous donner quelques éléments de réponse:
gravure extraite du Livre des Prodiges de Conrad LYCOSTHENES
En l’année 1502 un bailli de l‘évêque fut déféré devant la justice. Il fut condamné à être pendu mais aussitôt gracié. Mais avant que la grâce épiscopale reconnaissant son innocence parvienne à Rouffach, la sentence avait été exécutée. L'exécuteur des Hautes Œuvres le détacha aussitôt du gibet, mais il était trop tard. Il fut inhumé avec grande tristesse dans la galerie du cloître des Récollets. Mais dans les nuits qui suivirent, on racontait qu’il se passait de drôles de phénomènes sous le gibet, et cela fut confirmé par les gens de Pfaffenheim. Du feu tomba du ciel, et brûla longtemps au-dessus du gibet. Des flammes jaillirent également des profondeurs de la terre…
Photo: le cardinal de Rohan, par Hyacinthe Rigaud
Le texte qui suit est un des nombreux documents édités, maintes fois réédités et complétés par la Régence épiscopale, destinés à réglementer la vie quotidienne des sujets de l'Obermundat. On ne peut que louer une telle démarche chez un évêque qui se montre si soucieux de la vertu et du salut de ses ouailles! Mais si les premiers articles peuvent paraître en rapport avec les préceptes religieux enseignés par l'église, ce n'est plus du tout le cas des derniers. De plus, les manquements aux règles ne sont plus punis d'une pénitence sous la forme de prières à réciter, de cierges à offrir à l'église ou de pèlerinages à effectuer, mais se payent avec des amendes substantielles à verser dans le trésor du prince... Ce règlement est en fait une liste d'infractions et de délits, touchant plus ou moins les préceptes de l'église, avec, noté en face de chaque manquement, le "tarif": jusqu'à trois cents livres d'amende pour avoir joué aux cartes... à verser au prince-évêque...
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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