Minores ... Barfüsser, le couvent des frères mineurs qui vont pieds-nus..
Echangeons prières ferventes et saintes messes contre pain et vin ...
Les moines franciscains de Rouffach écrivent au maréchal de Cour Hoffmarschalk 1 et au Conseil du grand chapitre cathédral de Strasbourg pour se plaindre. Ils affirment que leur receveur refuse de fournir au couvent de Rouffach les vivres (grains, vin et de l'argent) qui leur sont dues annuellement. Ils demandent donc que l’on intervienne pour qu'ils obtiennent ce qui leur revient de droit.
Le document n’est pas daté, mais le style, la graphie et la teneur permettent de penser qu’il suit d’assez près le texte proposé dans l’article précédent, Heurs et malheurs du couvent Sainte-Catherine de Rouffach, publié le 30 octobre 2024.
Traduction :
Votre très haute et très gracieuse Seigneurie, évêque de Strasbourg, notre très gracieux prince et Seigneur, a bien voulu nous faire parvenir annuellement de l’administration du bailliage huit quartauts 2 de grain et huit ohmen 3 de vin…
Or, cette année, le receveur, Nicolas Hans, a refusé de nous délivrer ces denrées, sans en avoir reçu ordre exprès de Votre Grâce, alors que nous en avons besoin pour assurer la subsistance de notre couvent, sans quoi nous serions dans l’embarras.
C’est pourquoi, nous supplions très humblement Votre Seigneurie très illustre et très princière de bien vouloir donner l’ordre nécessaire au dit receveur pour qu’il nous fournisse lesdits huit quartauts de grains et les huit ohmen de vin et qu’il nous les fasse parvenir. Nous implorons ainsi Votre haute bienveillance paternelle et Votre miséricorde, que nous nous efforçons de mériter par nos prières quotidiennes ferventes et nos saintes messes.
En attendant l’effet de Votre très gracieuse volonté, nous nous recommandons très humblement à Votre Seigneurie.
Vos très humbles et très obéissants
Guardian 4 et frères du couvent de l’ordre de Saint François à Rouffach
4.-o-o-o-o-o-
A.M.R. Archives municipales de Rouffach: A / GG 51
La lecture du document n’est pas toujours aisée, en particulier dans les notes et surcharges, et la transcription de certains mots (en italique et soulignés) reste « improbable », mais leur absence n’altère pas la compréhension du texte… Le scribe de l’époque, (ou le transcripteur d’aujourd’hui…) devait être fatigué !
Pour ce qui est des fleischpfennings (une taxe sur la viande) qui sont mentionnés dans le texte et qui étaient également dus au couvent, je ne sais rien de plus, pour l’instant et je ne comprends pas leur rôle dans cette affaire...
Un peu de vocabulaire:
1. le maréchal de la cour (Hofmarschall) était un office des cours d'Allemagne, d'Autriche et de Russie. Il était chargé des affaires économiques de la Cour. Il faisait partie des plus grandes familles de la noblesse, proche des souverains…
2. Viertel : mesure de capacité de grains, quartaut, rézal, correspondant à env. 116 litres
3.Ohm, Ohmen, Omen, mesure de capacité de vin correspondant environ à 50 litres
4.Guardian d’un couvent : G(u)ardianus, G(u)ardian, Gardion, Gwardian, Quardian
Supérieur d’un couvent franciscain (dans les autres ordres mendiants, il porte le titre de prieur). Il n’est pas élu par le couvent, mais désigné, non pas à vie, mais à temps, à l’origine par le provincial, plus tard par le chapitre provincial. Comme les autres frères, il est souvent muté d’un couvent à un autre. Il est parfois flanqué d’un vice-gardien. (article de Bernhard METZ dans dhia sous gardien: https://dhialsace.bnu.fr/wiki/Gardien
Transcription du texte original:
Hochwohlgebohren, Wohledelgebohren, Gestreng, Hochgelehrt und Veste, Gnädige Herren,
Demnach Ihre hochfrst: gn: Bischhoff zue
Straßburg, unser gnädigster fürst
und Herr, uns jährlich aus der Ambt-
schaffneÿ alhie acht fiertel frucht und
acht ohmen Wein gnädigst reichen und liffern lassen
rajout en marge[ sodann jährlich wegen des fleischpfennings 18 R. guet gelt]
liffern lassen, so [surcharge: beede?] der hohen Stifft ambt-
schaffner, herr Nicolaus Hans, vor dis
Jahr, ohne gemessenen gnädigen befelchs
abfolgen zue lassen, verweigert, undt
aber wir dessen zue erhaltung unsers
Convents ohnempörlich von nöthen,
als gelengt an E.Gn.: Strg: undt
Frst: unser underthenige demüetigistes
flehen und pitten, die geruehen gnädige
an besagten herren ambtschaffnern gnädig
gemessenen befelch zue ertheilen, dass
er uns bedeüte acht firtel frucht undt
acht ohmen Wein aus der Ambtschaffneÿ
liffere und guetmache, an der wider-
fahrt uns ein hohe väterliche gnad
und werckh der barmherzigkheit so wir
mit unserem alltägigen eüffrigen gebett
und heiligen Messen zuverdienen dienen unns
eüffrist angelegen sein lassen wöllen
zue deren beherrlichen gnaden und gnädiger
Willfahr, uns darmit demüetigst empfehlendtUnderthenige demmüetigste Guardian und Convent des ordens Sti. Francisci zue Ruffach
ahn
die hochgebohrne, wohledel geborne , gestreng, hochgelehrt und veste Herren, Herren Hoffmarschall hoher stifft und cammerräthe hoher stifft Straßburg
Note :
Hochgebohrne, wohledel geborne, gestreng, hochgelehrt und veste Herren se traduit littéralement par : très noblement né, noblement bien né, rigoureux, sévère, très savant, clément, miséricordieux, gracieux… toutes ces expressions expriment une attitude de soumission, de respect et de reconnaissance envers la personne à qui l’on s’adresse. C’est une manière de solliciter la bienveillance et la clémence de son interlocuteur de rang supérieur.
Ce langage, certaines de ces expressions, peuvent sembler archaïques ou même pompeuses aux oreilles modernes. Autre temps, autres mœurs… quoi que… : certains lecteurs se souviennent peut-être qu’il n’y a pas si longtemps, pour obtenir de son supérieur hiérarchique une demi-journée d’absence au travail, la demande (sur papier 21x29,7 blanc, et au stylo à encre S.V.P.) devait impérativement commencer par la formule : J’ai l’honneur de solliciter de votre haute bienveillance l’autorisation de … Aujourd’hui un S.M.S. fait l’affaire…
Gérard Michel
Droit d'auteur et propriété intellectuelle
L'ensemble de ce site relève de la législation française et internationale sur le droit d'auteur et la propriété intellectuelle. Tous les droits de reproduction sont réservés. Toute utilisation d'informations provenant du site obermundat.org doit obligatoirement mentionner la source de l'information et l'adresse Internet du site obermundat.org doit impérativement figurer dans la référence.