Parchemin A.M.R. JJ 7 P n° 10
les sceaux n'ont pas été conservés, il ne subsiste que les lacets (lacs) qui les retenaient...
Rouffach a la chance d’avoir conservé le fonds ancien de ses archives. Dans ce fonds, un ensemble exceptionnel de 1228 parchemins, dont le plus ancien date de 1270 et le plus récent a été découvert en 1854… dans le bouton de la croix de la flèche de l’église. Ce fonds de parchemin a été inventorié en 1910 par Th. Walter et l’archiviste de la Ville, Mme Thérèse Rueff a procédé en 2020 au récolement de cet ensemble, à la conservation duquel elle apporte son expertise et ses soins.
Avoir accès à ces précieux documents est toujours un grand plaisir pour le chercheur. Un certain nombre d’entre eux portent encore leurs sceaux, répertoriés et photographiés récemment pour le projet Sigilla, une base numérique des sceaux conservés en France, librement accessible en ligne.
Je propose au lecteur une des trois chartes sur le même sujet sur laquelle j’ai pu travailler récemment et qui porte encore les lacs (lacets de parchemin) auxquels étaient fixés les sceaux des différents signataires. Ces sceaux de cire ont disparu, abîmés, égarés ou victimes de collectionneurs indélicats.
Avec tous ses sceaux, cette charte devait avoir fière allure : on l’imagine, entourée des signataires, dont l’évêque, Johann von Dirpheim, les nobles von Laubgassen, et leurs cautionnaires. De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’un traité de paix passé entre l’évêque et les nobles de Laubgassen, de Suntheim.
Suntheim...
Suntheim, sur la vue de Sebastian Münster 1548:
l'église saint Etienne et la commanderie de l'ordre teutonique Teutsch Haus
On sait peu de ce village disparu de Suntheim qui se trouvait au sud de Rouffach, au débouché de la Vallée de Soultzmatt. Aucun vestige, pas la moindre gravure, peu de traces écrites, et pourtant ...
Suntheim était bien plus qu’un hameau de quelques pauvres bâtisses. A Suntheim se trouvait la première implantation des Chevaliers de l’ordre teutonique, avec des bâtiments et leur église. A Suntheim aussi, une église de paroisse, l’église saint Etienne dont des vestiges ont subsisté longtemps après la disparition du village. Un couvent de femmes qui fut transféré à Guebwiller et devint le couvent Engelpforten, de la porte de l’Ange, une communauté de religieuses de l’ordre teutonique, une léproserie, un moulin, des maisons d’habitation, des rues, des champs, des prés et des vignes…des gens, des activités, une vie qui demande qu’on s’y intéresse et dont l’histoire reste à faire.
Les Laubgassen, famille noble de Suntheim...
Ce petit village était également le berceau et la demeure de plusieurs familles nobles qui essaimeront plus tard en d’autres lieux. Parmi elles, la famille audacieuse et fière des Laubgassen, originaires de l'ancien Suntheim, mais qui plus tard s'établirent dans leur nid forestier, le château de Laubeck, sur les hauteurs du Laubeck qu’ils avaient reçu en fief de l’évêque de Strasbourg en récompense de leurs bons et loyaux services. Cette très ancienne famille de chevaliers, dont les premières mentions remontent au début du 12ème siècle, s’illustra au service des princes évêques de Strasbourg mais également à celui des comtes de Ferrette et des Ribeaupierre… Lors du siège de la ville de Rouffach vers 1280, Heinrich et Gebhard de Laubgassen, deux frères, trouvent la mort au combat et l’évêque institue en leur mémoire une fondation perpétuelle pour le salut de leur âme, sur l’autel de la Sainte Croix à Steinbach.
Conflits armés entre les Laubgassen et leur seigneur, l'évêque de Strasbourg...
A la fin du XIIIème siècle, le château de Laubeck se trouve partagé entre plusieurs branches de la même famille qui ne parviennent pas à s’entendre et entrent en conflit les unes avec les autres. En 1302, pour mettre fin à ces querelles incessantes, l’évêque impose aux protagonistes la signature d’une paix castrale, qui ne fut pas respectée. En automne 1315, l’évêque s’empare du château, le ruine et fait prisonnier Rudolf, dit d’Österreich, Rudolf, dit de Wulversheim et Hessen de Laubgassen, qu’il enferma dans les prisons du château de Rouffach et dans les geôles de Girbaden
Le 23 octobre 1315, la paix fut signée à Rouffach et les Laubgassen, à l’exception de Nibelung le Vieux, furent condamnés à une rançon de 600 Marks d’argent. En 1316, les Laubgassen renoncèrent à leur fief du Laubeck et se sépareront progressivement de leurs possessions à Rouffach, dont leurs terres et moulin de la Bodenmühle et la Sommerau.
Les lacets (lacs) de parchemin auxquels étaient fixés les sceaux des signataires...
L'évêque Jean de Strasbourg conclut une trêve avec les nobles de Laubgassen qu'il retient prisonniers en ses châteaux de Rouffach et de Guirbaden - 23 octobre 1315.
Un seul sceau subsiste (fragment) ...
Archives municipales de Rouffach A.M.R. A/ JJ7 P
Dirre gegenwertige brief tut kunt allen den die in lesent oder hörent lesen, dass zwüschent dem erwirdigen Herren Bischof Johannese von Straßburg und sins Bistumes lüten und ouch sinen dienern allen ein site, unde
allenden von Löbegassen und Irn fründen, unde ouch Irn helfern, ane Hern Nibelunge den alten von Löbegassen ander site, beret und gelobet ist, umbe alles dass sie wider einander zu tunde hant, ein getruwer fride untze an
den nehsten zistag noch Sante Andres tag der nu zu nehest kumet und den tagen allen, und hat der vorgenant Bischof Rudolfen von Löbegassen, der genant ist von Osterriche, Rudolfen von Löbegassen,
dem man nement
von Wulversheim und Hessen von Lobegassen, die sine gevangen sind, us gegeben uf den vorgenanten tag fur sehs hundert marg lötiges silbers des geweges von Strassburg, die sie ime unverscheidenliche schuldig werdent rechter
schulde, obe sie vor dem vorgenanten zile mit ime niht werdent versunet, unde sich nicht wider entwurtent in sine bant zu Rufach und zu Girbaden, do sie gevangen gelegen sind, ane alle geverde. Unde
dass der und dis alles von In und allen iren frunden, ane Hern Nybelungen dem alten, stete blibe, darumbe hant sie dem vorgenanten Bischove gegeben und gesetzet die Bürgen, der namen hie nach geschriben stant.
Die hant gelobet und gesworn mit ufgehobeten handen zu den Heyligen, ob In, dem vorgenanten friden wider den vorgenanten Bischof oder Iemanne der sinen von den von Löbegassen oder von iren wegen iht
geschehe, oder ob es niht würt versünet, unde sich die vorgenanten gevangen niht wider entwürtetent, alse da vor geschriben stat, so süllent sich die Bürgen, so sie dar umbe gemant werdent, dar nach
in den ahte tagen entwürten zu Colmar unde zu Sletzstat in die zwo stette unde danach des Landes gewonheite in rechter gyselschaft leisten, untze alles das wider den friden geschehen ist, unde dass Her Heinrich
von Rapoltsteine, Her Johannes von Flohenstein und Her Johannes Ulrich von dem Huse erkennent und darumbe sprechent, gantzliche würt wiedertan und ufgerihtet, alse sie heissent und ouch, ob es niht
versunet würt, unde sich die gevangen niht wider entwürtent untze sehs hundert marg silbers, die sie darumbe unverscheidenliche rehter schulde schuldig werdent, dem vorgenanten Bischove, oder, ob er niht wer,
sinre Stift von Straßburg gantzliche werdent vergolten. Es ist ouch beret, obe der drier von Rapolsteine, Hohenstein unde von dem Huse deheiner in disen Sachen nicht möchte gesin, one geverde,
dass man einen andern, der gemeine si, darzü sol schicken, und sol man die burgen niht manen umbe iht, daz wider den friden geschiht, e sie darumbe gesprehent. Swelre ouch under den Bürgen
selbe niht leisten wil, der sol, one geverde , einen erbern ritter für sich legen, ane Heren Nybelunge den Jungen und Johannesen den phaffen von Löbegassen, die sulent selbe leisten, und ane Hern Mathisen von Heringheim,
der sol sinre sune einen oder siner tochtermanne einen, und Wernher zu Bach, der sol sinen eltern sun für sich legen. Unde köme es so, das under den, die sie für sich werdent legende, deheiner die gyselschaft breche,
an des stat sol der, für den er geleit wart, einen also güten legen oder sol gebrochen han / welre ouch under den Bürgen stürbe, an des stat sülent die von Löbegassen einen andern also guten geben, one geverde, in dem ma-
node der nach, so es an sie gevordert würt, geschiht des niht, so sülent die Bürgen darumbe leisten, so sie gemanet werdent, alse da vor geschriben stat. Dis sint die bürgen: Grave Waltraue von Thierstein , Her Heinrich von
Rapoltsteine , Her Johannes Ulrich von dem Huse , Her Mathies von Heringheim, Her Götfrit von Eptingen, Her Johannes Pülian von Eptingen, Her Heydene von Hertemberga, Her Hartman Hürus von Schönowe, Her Thyebalt
von Phirt, Her Wilhelm von Junkholz, Her Wilhelm Störe, Her Nyeclawes zur Kinden, Her Nybelung der junge, Her Johannes der pfaffe von Löbegassen, Her Peter Custer der munich von Lutenbach, Johannes Druh-
-sesse von Rinvelden, Ottoman von Botenheim, Hartman von Hertemberg unde, Werner zu Bach / wir die vorgenanten Bürgen veiechent offenliche mit disem gegenwertigen Brieve, daz wir gelobet und gesworn
hant, one aller slahte geverde, alse da vorgeschriben stat, unde des zu eime Urkunde, sint unsere Ingesigele an disen brief gehencket. Dis geschah zü Rufach an dem nehsten Dünrestage nach sante Gallen tag, des Jares da man zalte von gotz geburte drüzehen hundert und fünfzehen Jar.
Traduction:
Je propose ci-dessous une traduction pour l’instant encore un peu bancale... Peut-être un lecteur charitable, meilleur germaniste que moi, viendra à mon secours? Je l'en remercie par avance...
" Le présent écrit notifie à tous ceux qui le liront ou l'entendront lire, qu'entre le vénérable Seigneur Évêque Johann de Strasbourg et les gens de son diocèse ainsi que tous ses alliés et serviteurs d'une part, et tous ceux des Lobegassen , leurs amis et leurs serviteurs, à l'exception du Seigneur Nibelunge l'ancien de Lobegassen d'autre part, un accord et une promesse ont été conclus concernant tout ce qu'ils ont fait les uns contre les autres, une paix véritable jusqu'au mardi suivant le jour de Saint André, qui vient prochainement, et tous les jours suivants. Et l'évêque susmentionné, a [condamné] Rudolf de Löbegassen, appelé d'Osterriche, Rudolf de Löbegassen, dit de Wulversheim, et Hessen de Löbegassen, qui sont ses prisonniers, à lui verser, le jour susmentionné, six cents marcs d'argent fin au poids de Strasbourg, qu'ils lui devront incontestablement de juste dette, s'ils ne se réconcilient pas avec lui avant le délai susmentionné, et ne rejoignent pas leur prison (?) de Rufach et Girbaden, où ils ont été emprisonnés, sans aucune tromperie. Et afin que la paix et tout ceci de leur part et de tous leurs amis, à l'exception du Seigneur Nybelungen l'Ancien, demeure stable, ils ont désigné au susmentionné évêque leurs garants, dont les noms sont écrits ci-après.
Ceux-ci ont promis et juré, les mains levées vers les Saints, que si à l'encontre de cette paix susmentionnée, quelque chose devait arriver au susmentionné évêque ou à l'un des siens, du fait de ceux de Löbegassen ou de leurs représentants, ou si cela n'était pas réglé, et que les prisonniers susmentionnés ne retournaient ( ?) pas en prison, comme il est écrit ci-dessus, alors les garants, dès qu'ils en seront requis, se présenteront dans les huit jours à Colmar et à Sélestat dans les deux villes et se soumettront à la justice du pays en tant qu'otages légitimes, jusqu'à ce que tout ce qui est arrivé contre la paix, et ce que les Seigneurs Heinrich de Rapoltsteine, Johannes de Flohenstein et Johannes Ulrich von dem Huse reconnaîtront et décideront à ce sujet, soit entièrement réparé et rétabli, comme ils l'ordonneront. Et aussi, si cela n'est pas réglé, et si les prisonniers ne se remettent pas en prison jusqu'à ce que les six cents marcs d'argent, qu'ils doivent pour cela incontestablement de juste dette, soient entièrement payés au susmentionné évêque, ou, s'il n'est plus là, à son chapitre de Strasbourg.
Il est également convenu que si l'un des trois seigneurs de Ribeaupierre, Flachslanden et von dem Huse ne pouvait ou ne voulait pas (honnêtement et sans tromperie) être présent dans cette affaires, il devra envoyer un autre à sa place […] Quiconque parmi les garants ne voudrait pas s'exécuter lui-même devra, sans tromperie, présenter pour le remplacer un noble chevalier, à l'exception de messire Nibelung le Jeune et de Jean der Pfaffe de Löbegasse, qui devront s'exécuter eux-mêmes, et à l'exception de messire Mathis von Heringheim, qui devra envoyer l'un de ses fils ou l'un de ses gendres, et Werner von Bach devra envoyer son fils aîné à sa place. Et s'il arrivait que l'un de ceux qu'ils envoient à leur place rompît la caution, celui pour qui il a été envoyé devra en présenter un autre de qualité égale, [...] Si l’un parmi les garants venait à mourir, ceux des Lobegasse devront en proposer à sa place un autre de même qualité, en toute honnêteté, dans le mois qui suit, quand cela leur sera demandé.
Voici le nom des cautionnaires: le comte Waltraue von Thierstein, messire Henri de Ribeaupierre, messire Jean Ulrich von dem Huse, messire Mathis von Heringheim, messire Götfrit von Eptingen, messire Jean Pulian von Eptingen, messire Heydene von Hertemberg, messire Hartmann Hurus von Schönau, messire Thiébaut de Ferrette, messire Guillaume de Junkholz, messire Guillaume Störe, messire Nicolas zur Kinden, messire Nibelung le Jeune, messire Johannes der pfaffe von Löbegassen, messire Pierre Custer le moine de Lautenbach, Jean Druhsesse von Rheinfelden, Ottoman von Botenheim, Hartmann von Hertemberg et Werner von Bach. Nous, les garants susmentionnés, déclarons publiquement par cette présente lettre que nous avons promis et juré, sans aucune tromperie ni arrière-pensée, comme il est écrit ci-dessus, et en témoignage de cela, nos sceaux ont été apposés à cette lettre. Cela s'est passé à Rouffach le jeudi qui suivait la Saint-Gall, l'an de grâce mille trois cent quinze."
En son temps, Th. Walter avait souhaité que l'on conserve la mémoire de Suntheim en citant son nom dans la dénomination qu'on allait donner à l'hôpital qu'on construisait alors sur l'emplacement du village disparu. On ne l'a pas écouté ... Aujourd'hui, un petit panneau au bord de la route, pourrait à peu de frais, signaler l'endroit ... On pourrait même imaginer que l'on réalise le vœu de Th. Walther en faisant figurer Suntheim dans le nom du nouvel Ehpad?
Gérard Michel
Sceau de Rodolphe III de Laubgassen 1302 Base Sigilla
https://sigilla.irht.cnrs.fr/227547
Die letzten Reste Alt Suntheims wären somit vom Erdboden verschwunden und neues Leben blüht bereits aus dem Ruinenfelde. Das ist nun einmal so der Zeiten lauf und der lebende hat immer Recht. Aber eine heilige Pflicht der Pietät den schweigsam Toten gegenüber würde unsere Landesbehörde sicherlich erfüllen, wenn sie wenigstens den Namen der alten Siedlung der Nachwelt retten wollte, indem sie der neuen Heil und Pflegeanstalt die Bezeichnung Rufach - Suntheim oder Suntheim bei Rufach beilegen würde.
Gräberfunde bei den Erdarbeiten in Suntheim-Rufach in Straβburger Post Nr 757.
Les derniers vestiges du vieux Suntheim ont ainsi disparu de la surface de la terre et une nouvelle vie s'épanouit à présent sur le champ de ruines. Ainsi va le cours du temps et la vie reprend toujours ses droits. Mais le noble sentiment du devoir accompli envers ces morts silencieux gonflerait certainement les cœurs des autorités de l'Etat si elles consentaient au moins à préserver pour la postérité la mémoire de cette vieille communauté, en ajoutant à la suite du nom du nouvel établissement de soins la mention Rouffach-Suntheim ou Suntheim-près-Rouffach....
Th. Walter
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