Malefiz Recht gehalten freÿtags, den 5. Decembris Anno 1586
Nous avons eu maintes fois l’occasion de rappeler dans ces pages que la justice criminelle appliquée dans l’Obermundat, comme dans tout l’empire allemand, était régie par la Lex Carolina, la Constitutio Criminalis Carolina. Ce code de procédure pénale, rédigé entre 1530 entre 1532 sous Charles Quint, dont il reçut le nom, pose les bases du droit et des procédures pénales qui resteront en vigueur dans le monde germanique pendant près de trois siècles.
Le droit fait la distinction entre le délit, Frevel, et le crime, Malefiz. Est considéré comme crime, une infraction grave punie de la peine de mort : meurtre, homicide, rapt, viol, incendie volontaire, faux témoignage, adultère de l’homme, inceste, bigamie, blasphème, certains cas de vol comme le vol dans les églises, faux serment et violation de serment, rupture d’Urphed et, évidemment, le crime de sorcellerie.
Pour ce qui est des châtiments, la loi établit la distinction entre châtiment corporels et peine de mort. La peine d’emprisonnement n’est prononcée qu’en cas de petits larcins. La prison perpétuelle, même si elle est mentionnée dans la Carolina, n’est que rarement prononcée, je ne l’ai jamais rencontrée dans les documents d’archives concernant Rouffach et l’Obermundat.
Dans l’article qui suit, je propose un procès criminel, Malefiz Gericht,[1] engagé contre Michel Burckhardt, natif de Wittenheim, arrêté et incarcéré au château d’Isenbourg, le 31 octobre 1586, pour une longue série de chapardages perpétrés dans la proche région de Rouffach. Le lecteur pourra juger après cette lecture si les vols que reconnait le prévenu justifient la sentence prononcée contre lui à l’issue de son procès…
Comment Michel Burckhart est-il arrivé au château d’Isenbourg, où sont incarcérés ,en attente de jugement, les criminels dont les actes sont passibles de la peine de mort ? Dénonciation, flagrant délit ? Les documents dont nous disposons aujourd’hui ne permettent pas de répondre à cette question. De son procès, ne nous sont parvenus que ses aveux (Urgicht) et la sentence prononcée à son encontre par le tribunal (Urtheil).
Dans cette affaire, le demandeur ou requérant est le Seigneur du lieu, Jean [2], évêque de Strasbourg et Landgrave d’Alsace. Le défendeur, celui contre lequel le procès est intenté, est Michel Burckhardt, natif de Wittenheim, arrêté et incarcéré au château d’Isenbourg, le 31 octobre 1586, pour vol.
Ses aveux ont été enregistrés en présence du Schultheiss de Rouffach, du greffier de la Ville et du Landschreiber, à l’issue d’un interrogatoire « lieblich », spontané et sans contrainte physique, suivi d’un interrogatoire « peinlich », sous la torture. Un second interrogatoire, mené le 1er décembre 1586 dans les mêmes conditions, permettra d’obtenir d’autres aveux.
Tous les vols avoués par le prévenu ont été perpétrés, selon ses dires, « environ » il y a trois ans, il y a cinq ans ou il y a 7 ou 8 ans, sans autre précision de date. Par contre, le lieu de ces vols, une trentaine, est indiqué avec une précision étonnante :
- à Colmar, à la veuve de Lenz Iterlein
- à Ammerschwihr, à Bartlein Düminger, un domestique
- à Turckheim, à un domestique qui avait servi autrefois auprès du prévôt impérial
- à Wintzenheim, à un domestique qui servait auprès de l’aubergiste « A l’Etoile »
- à un voiturier de Saint Valentin, lorsqu’il était au service de la femme Strohmeyer
- à Berwiller, à la taverne
- à Battenheim, à un valet de Michel Viernagel, alors qu’il travaillait comme garçon d’écurie chez Hans Loder
Les localités sont toutes de la proche région :
Ruelisheim, Wittenheim, Bollwiller, Colmar, Battenheim, Geberschwihr, Munchhouse, Ammerschwihr, Eguisheim, Turckheim, Wintzenheim, Berrwiller, Feldkirch, Orschwihr, Ensisheim, Raedersheim, Pfaffenheim, Ungersheim, … sans oublier Rouffach!
Le butin:
- des vêtements:
- une paire de culottes en laine blanche, une chemise et un chapeau
- des « wams », justaucorps, pourpoint , dont un en coutil (zwilch)
- une chemise de laine rouge, une chemise d’homme
- une paire de bas de laine rouge
- une paire de bottes
- une paire de chaussures
- une aune de tissu
- un morceau de cuir
- des chapeaux
- de l’argent : cent livres partagées avec 3 complices, 5 livres, deux florins, deux livres, une livre, dix livres dépensées en partie à l’auberge « A la Botte » de Rouffach
- du grain : 3 sester de Roggen, 12 sester de grains revendus à Ensisheim, 3 autres sester de grain revendus à Kaysersberg
- du sel : 1000 livres volées à Habsheim
- 6 livres de viande et deux autres dans une auberge
- 6 fromages
- trois armes : Wehr, sans qu’il en soit précisé la nature exacte. Un peu plus loin il sera question de Feüstling ou Fäustling qui désigne « ein kleines schieszgewehr, Faustrohr, Faustbüchse, Puffer », une arme de poing, un pistolet.
Ces armes, il ne semble pas s’en être servi, il n’est à aucun moment question de vol avec arme, une de ces armes il l’a d’ailleurs revendue.
Y a-t-il eu enquête auprès des victimes de ces vols, qui auraient été parfaitement identifiables grâce aux détails fournis par le prévenu ? C’est peu probable : l’aveu spontané ou celui obtenu sous la torture suffit toujours...
Le mercredi 3 décembre, Michel Burckhardt réitère ses aveux en présence des Sibner, sept témoins qui, lors son procès, pourront attester avoir entendu ces aveux de la bouche-même du prévenu.
A l’issue de ce procès est prononcé le verdict :
Il est reconnu après lecture des actes qu’il a commis que l’accusé a enfreint la loi et qu’il quitte aussitôt la barre du tribunal et que, selon le Droit de l’Empire et le règlement du Code de justice criminelle du saint Empire, il soit pendu entre ciel et terre aujourd’hui même au gibet, et passé de la vie à la mort par les mains et la corde du bourreau…
Michel Burckhardt a été jugé par un tribunal civil, qui a suivi à la lettre la procédure imposée par la Carolina, Peinliche Halsgerichtsordung.
A quelle peine serait-il condamné aujourd’hui, pour cette série de (petits ?) larcins ?
Deux autres voleurs, Hans Schambser de Freiburg et Hans Chritoffel Luzen avaient été, eux-aussi, aussi condamnés à la peine capitale, le 23 mai 1626.
Schambser qui a volé des objets sacrés dans des églises, profanant ainsi les saints sacrements de l’Eglise, aura d’abord la main droite tranchée et sera précipité vivant dans les flammes du bûcher. Quant à Luz, il sera pendu « zwischen Himmel und Erden ». Leur supplice sera pour eux, selon la formule du verdict, une punition méritée et pour tous les autres, un exemple hautement dissuasif :
« … ihnen beÿden zue wohlverdienter Straff, und andern zu abscheuhlichem Exempell…“
[1] Malefiz désigne un crime relevant de la justice criminelle Malefiz Gericht : la sorcellerie est un de ces crimes, avec une douzaine d’autres… Ne nous laissons pas induire en erreur par l’analogie entre Malefiz et le mot maléfice…
[2] Jean de Manderscheid-Blankenheim (1538-1592), évêque de Strasbourg de 1568 à 1592
Transcription du texte original
Malefitz Recht gehalten freÿtags den 5. Decembris anno 1586
Zwischen des Hochwürdigen fürsten und herren, herren Johan, Bischoven zu Straßburg und Landgraven zu Ellsas, unsers gn. Fürsten und Herren, weltlicher Räth, Anwälten, Clegern an einem, entgegen und wider Michel Burckhardt, gepürtig von Wittenheim, Malefizichen Beclagten, am andern Theil
Da erstlich die vorsprecher, [1] als der Herren Cleger, Diebolt Aveneÿ und für den Malefizichen Beclagten Jonas Krotz, Rathsbott, zum Rechten sich verdingt, volgentz von des Beclagten wegen Ime das gebendt abzethuen und uf freÿen fueß [2] stehn zulassen gebetten. Darauf die Clag fürpracht die Urgicht und Puncten seiner des beclagten angrieff schrifftlich eingeben und verlesen, volgentz uf die Clag geantwort und deren ohne einen Puncten, das der Beclagt seinen freünden fewr einzulegen und ein Roß hinweg zu reiten getrawen haben solle von Ime gestanden worden
Und seind dieß die articul seiner Urgicht:
Freÿtags, den 31 octobris A° 86, ist Michel Burckhardt von Wittenheim begangnen diebstalls halber eingezogen uff Ißenburg, erstlichs beÿsein des Schultheißen, Statt und Landtschreibers, güetlich und peinlich verhört worden, der bekhandt also wie volgt:
Item, er habe beÿ ungefahr fünff Jahren zu Ruelisen, als er beÿ Michel Obbrecht gedient, eim Knecht ein weiß wullin par hossen, item ein hembd und ein hueth entwehrt
Item, zu Witenheim, eim Karcher ein zwillchen wammest entwehrt als er noch jung gewesen
Item, zu Polweiler eim Knecht, so beÿ Hanß Pfulben dient, ein wammes gestolen
Item, er habe zue Collmar, beÿ dreyen Jahren, Mart Ulmern ein stuekh platzleder gestolen
Item, zue Batenheim, einem dienstknecht beÿ Michel Viernagel, da er beÿ Hansen Lofer für ein Roßbueben gedient, hab er ein roth wullen hembd gestohlen.
Item, immer dem weinsticher zue Gebersweihr, zwen sester Roggen gestohlen, die selbige zue Sulz verkhaufft
Item, zue Münchhausen, Lenntz Fiernagel ein Manns hemd entwehrt
Item, er bekhendt das er sampt noch dreÿen gesellen, mit namen Hans Merckhlein von Marckholzen, Claus Merdinger von Kenzingen und Hans Jacob von Üringen im Preißgaw, zue Batenheim Hans Fiernageln beÿ nacht ins haus prochen, ein laden beim Beeth, darin ein hundert pfundt gewesen entwehrt, das gelt haben sie hinder der scheünen geteilt, demnach theÿls verzert, seÿen Ime uf die ellff pfundt darvon worden, ist die nehst kirchenweÿhe uf zweÿ Jahr lang gewesen.
Item, er bekhendt, dass er samt bemelten seinen dreÿ gesellen zu Haabsheim ein salz casten nachts gebrochen, denselben mit eim Pflueg sech (sach) geöffnet und daraus uf die tausent pfundt entwerth.
Item, er hab zu Collmar, Lenz Iterleins witib, beÿ dreÿen Jahren siben pfundt außem kensterlein uß eim becher gestolen
Item, zu Amerschweihr beÿ Bartlein Dürminger eim Knecht, ein Hueth, ein eln schwartz und dreÿ Pfundt gestolen
Item, zu Egesheim, Jacob Köplen sechs Käas gestolen
Item, zu Türckheim, eim Knecht so beim Reichs Schultheißen gedient, fünff pfundt entwerth
Item, eim Knecht zu Wintzenheim so beim würth zuem Sternen gedient, zwen gulden entwerth, so dann ein wames und ein hueth
Item, zue Berweÿler, im Würtzhauss, ein sackh, darin ein weidtsackh, sampt zweÿ pfundt fleisch und ein new par schuech gewesen entwehrt
Item, Hans Luffer zu Veldkirch, zwen gulden entwehrt darumben er zu Sultz stockh visch khauffen sollen.
Item, Urban Cuelman zu Orschweihr, ein gulden entragen, den er beÿ ime wegen Jerg Höckhen zu Ensisheim gefordert
Item, er, sampt obbeschribnen dreÿen seinen gesellen, haben in ein dorff oberhalb Obernehen, eim in ein Cammer brochen hembdter und kleider, auch tuech ab der stanngen entwehrt
Item, Jerg Hackhen zu Ensißheim ein wehr entragen
Item, er hab seinen freünden zu Witenheim getrewen weil sie in nit dolen (dalen) wellen fewer ein zulegen, unnd das best Ross hinweg zu reüten, weil er ein Roßbueb gewesen
Item, dem Karcher zu Sant Veltin, als er beÿ der Stromeÿerin dient und er darin gewerckht, hab er beÿ siben oder acht Jahren zwen gulden genomen
Weiter, bekhendt er den ersten decembris A° 86 güetlich und peinlich:
Item, er habe wegen Claus Mördingers zu Rättersheim zehen pfundt eingenomen, theils zum Stiffel zu Ruffach verzehrt und theils verkleidet
Item, er hab zue Pfaffenheim Thoman Stollen dem alten, zwen sester frucht uß der scheünen genomen und zue Ensisheim verkaufft.
Item, in Ungersheim, beÿ dem Schultheißen, eim knecht ein roth wüllin paar strimpff gestolen
Item, eim knecht beÿ Hans Perlein zu Ensen, ein wehr weidner unnd ein hueth entragen.
Item, zue Peühl, eim Müller im Wirtzhauß ein wehr gestolen.
Item, zue Collmar, Veltin Gallen, ein par Stiffel, ein Wammest, ein Feüstling gestolen und entragen, den Feüstling zu Pfaffenheim umb ein pfundt und die Stiffel eim Karcher beÿ Hans Renckhen zu Sultzmath, umb neün bazen verkaufft.
Item, zu Ruffach einer Wittfrauwen Güetlerin, dreÿ sester frucht entwehrt zu Kaißersperg verkhaufft, seÿ korn und habern gewesen, ußem sester neün bazen gelöst.
Hüerüber ist er besibnet worden Mittwochs, den driten decembris A° 86.
Dem allem nach, ist dieße Urtheil ußgesprochen unnd an dem beclagten exequiert worden, des Inhalts:
Urtheil
Zwischen des hochwürdigen Fürsten und Herren, Herren Johan, Bischoven zu Strassburg und landgraven zu Ellsas, unsers gnedigen Fürsten und Herren, weltlicher Räthen, Anwaltden, Clegern an einem, und Michael Burckhart von Wittenheim gepürtig, dem malefizischen beclagten am andern theil, ist, nach angehördter Clag, Antwort, ein und Gegenredt, verlesener und bekhandter Urgicht, Kundtschafft, allem vorpringen unnd gethonem Rechtsatz, zu Recht ußgesprochen und erkhandt obbemelter beclagter Michael Burckhart hab an verlesenen und geclagten Mißhandlungen unrecht gethan unnd soll darumb alsbaldt vom Schranckhen hingenommen unnd nach außweisung keÿserlicher Rechten und des heÿligen Reÿchs peinlichen halßgerichts Ordnung, an heüt, zwischen himel und erden an ein lieichten galgen gehenckht und durch den Nachrichter mit dem Strang vom Leben zum Todt gericht werden.
[1] Vorsprecher : n technischem sinne der Vertreter der Parteien vor Gericht im mittelalterlichen Prozess, dann überhaupt als Berufsbezeichnung ein Rechtsbeistand, Sachwalter, Advokat
[2] Auf freiem Fuess : en liberté, être libéré de prison
Gérard Michel
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