Découvrez l'Alsace d'autrefois avec l'histoire de Rouffach, capitale de l'Obermundat.
Parchemin A.M.R. JJ 7 P n° 10
les sceaux n'ont pas été conservés, il ne subsiste que les lacets (lacs) qui les retenaient...
Rouffach a la chance d’avoir conservé le fonds ancien de ses archives. Dans ce fonds, un ensemble exceptionnel de 1228 parchemins, dont le plus ancien date de 1270 et le plus récent a été découvert en 1854… dans le bouton de la croix de la flèche de l’église. Ce fonds de parchemin a été inventorié en 1910 par Th. Walter et l’archiviste de la Ville, Mme Thérèse Rueff a procédé en 2020 au récolement de cet ensemble, à la conservation duquel elle apporte son expertise et ses soins.
Avoir accès à ces précieux documents est toujours un grand plaisir pour le chercheur. Un certain nombre d’entre eux portent encore leurs sceaux, répertoriés et photographiés récemment pour le projet Sigilla, une base numérique des sceaux conservés en France, librement accessible en ligne.
Je propose au lecteur une des trois chartes sur le même sujet sur laquelle j’ai pu travailler récemment et qui porte encore les lacs (lacets de parchemin) auxquels étaient fixés les sceaux des différents signataires. Ces sceaux de cire ont disparu, abîmés, égarés ou victimes de collectionneurs indélicats.
Avec tous ses sceaux, cette charte devait avoir fière allure : on l’imagine, entourée des signataires, dont l’évêque, Johann von Dirpheim, les nobles von Laubgassen, et leurs cautionnaires. De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’un traité de paix passé entre l’évêque et les nobles de Laubgassen, de Suntheim.
par Jonas Senghaas et Tilmann Marstaller, archéologues, spécialistes du bâti médiéval et de la dendrochronologie.
Dalle exposée dans l’église Saint-Georges de Molsheim commémorant l’élection de Guillaume de Diest en 1394. (image Wikipédia)
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Guillaume de Diest (1394-1439), un personnage dont l’épiscopat de 45 ans, le plus long de toute l'histoire du siège de Strasbourg, sera un scandale quasi permanent...
Pendant ces 45 ans, il n’a cessé de vivre à crédit et d’aggraver l’endettement de son évêché déjà au bord de la ruine lorsqu’il en prit la charge en 1394. Il succède à Frédéric II de Blankenheim qui avait négocié en secret, mais avec l’assentiment du pape, un échange avec Guillaume de Diest, alors évêque d’Utrecht. Frédéric de Blankenheim, pour échapper à ses nombreux créanciers, se serait enfui de son évêché, de nuit, le 30 juillet 1393, pour s’embarquer sur le Rhin en direction de Nimègue dans son nouveau diocèse !
Pour lui succéder, le chapitre de Strasbourg avait élu en septembre Louis von Thierstein, abbé d’Einsiedeln. Mais celui-ci mourut subitement en chemin vers Strasbourg et le chapitre élut aussitôt comme successeur Burkard von Lützelstein, prévôt du chapitre de Strasbourg. Mais Guillaume de Diest, lui, avait été confirmé au siège épiscopal de Strasbourg par le pape ! La ville de Strasbourg prend le parti de Guillaume et finance sa guerre contre Burkhard. Ce dernier finit par renoncer à l’évêché contre une indemnité substantielle de 20.000 florins et la jouissance viagère de l’Obermundat. Burckard, marié puis remarié, conservera l’Obermundat jusqu’à sa mort de la peste en septembre 1418. Il sera enterré dans le chœur de l’église de Lützelstein, La Petite Pierre.
Lucas Cranach d.Ä. (atelier de) - Portrait de Martin Luther (Lutherhaus Wittenberg)
1592 - 1604 La guerre des évêques : deux évêques pour une seule cathèdre *, c'en est un de trop !
* Cathèdre : La cathèdre est un siège ou un trône liturgique réservé à un évêque dans un lieu de culte, généralement une cathédrale, ou à un abbé dans les bâtiments de l'abbaye dont il a la direction.
La guerre des évêques est une guerre de Religion commencée en 1592, qui met la basse Alsace à feu et à sang. En 1592, l'évêque catholique Jean IV de Manderscheid-Blankenheim décède et le siège épiscopal se trouve vacant. Deux factions, l’une catholique et l’autre protestante, se disputent le chapitre de la cathédrale, qui devait procéder à l’élection du nouvel évêque. Deux candidats furent présentés : Jean Georges de Brandebourg , luthérien, d'une part, et Charles III de Lorraine , catholique, d'autre part. Deux évêques pour un évêché, il y en a un de trop : et c'est la guerre !
Cette « guerre des évêques » oppose leurs partisans respectifs : les princes protestants et le Magistrat de Strasbourg d'une part, la Maison de Lorraine, catholique, d'autre part.
Le conflit est tranché une première fois par la diète en 1593 puis une seconde fois par le traité de Haguenau, le 22 novembre 1604. La paix, signée en 1604, après 12 années d’hostilités, aboutit à un compromis : le Cardinal Charles de Lorraine est reconnu seul titulaire du siège épiscopal. Il continuera à vivre à Saverne et à bénéficier des revenus et des droits sur les terres épiscopales. Strasbourg, sa cathédrale et ses terres demeureront luthériennes, jusqu’à l'annexion française de Strasbourg en 1681.
Les auteurs de l’article consacré à Rouffach dans la Cosmographie de Sebastian Münster rappellent cet avertissement au sujet du gibet de Rouffach : Der alte Galgen zu Rufach hat gut eychen Holtz ! Et ils rajoutent que pour dissuader les voleurs de leurs projets malveillants, il avait été installé bien en vue, non loin de la Landstrasse, sur le Gallbuhl, la colline du Galgen, du gibet !
Les archives municipales de Rouffach conservent un document de 1534 relatif à la construction d’une nouvelle potence, non plus en chêne mais en grès blond de Rouffach. Le greffier de ville ajouta même à la convention, un croquis de la future potence, qui fut « inaugurée » par Antonin Negelin de Still qui y fut pendu…
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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