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Le Restitutio universalis de Remus Quietanus
En 2016 un échange avec l’archiviste de la Ville de Rouffach m’a conduit à m’intéresser de plus près à la biographie de notre astronome local Johannes Remus Quietanus.
Nous avions là sur le cadran solaire du couvent des Récollets une représentation peu courante du Système solaire qui devait, croyait-on, commémorer une éclipse de Lune, et à l’intérieur de l’église Ste Catherine de ce même couvent, la tombe de l'épouse de celui qui (c’était une première mondiale) a observé un transit de Mercure en 1631 à Rouffach.
Depuis lors, j’ai vainement essayé de trouver une connexion entre ces deux sujets d’étude : la fresque astronomique des Récollets et la biographie de l’astronome local, mais hormis cette coïncidence géographique et chronologique, je n’ai pas trouvé d’autre relation jusqu’ici. Dans cette quête, je demandais à la Ville d’acquérir une copie numérisée d’un manuscrit que Remus Quietanus avait rédigé en 1615, alors qu’il était élève de Christoph Grienberger au Collège de Rome : le Restitutio universalis motuum caelestium. Le déchiffrage de ce fascicule, le plus scientifique que Quietanus nous ait laissé, ne m’a pas permis de valider mon hypothèse, mais il nous donne l’occasion de faire plus ample connaissance avec l’auteur et de mesurer ses connaissances et compétences en Astronomie. Quelques autres articles reviendront sur cette étude.
Jacques Mertzeisen
L’Ordre du Saint Esprit a été fondé vers 1180 par Guy de Montpellier dans le but de venir en aide à tous les déshérités de la vie. Ce qui était à l’origine une confrérie destinée au service d’un hôpital fut transformé en 1198 en Ordre hospitalier, religieux et militaire par le pape Innocent III. L’ordre essaima rapidement et les maisons se multiplièrent dans toute l’Europe. Huit d’entre elles s’installèrent dans le sud-ouest du saint Empire, la province Alemania superior: à Memmingen (1213), Stephansfeld (entre 1213 et 1216), Berne (1233), Neumarkt (1239), Wimpfen (1250), Rouffach (1270) Markgröningen 1297) et Pforzheim.
Dans un article paru dans les pages d’obermundat le 21 février 2020, sous le titre Le plus ancien parchemin conservé aux archives municipales de Rouffach : une charte du 27 février 1270... nous avons présenté l’acte par lequel le chevalier Jacques de Rathsamhausen et sa famille, offrent à l'hôpital du Saint Esprit la parcelle de terre sur laquelle l'hôpital et toutes ses dépendances, chapelle, moulin, ferme, etc. avaient été construits.
De cette institution de Rouffach il ne subsiste que très peu de traces écrites et les rares indices qu’elles livrent ne permettent pas d’en imaginer avec précision l’architecture, la structure et les activités.
L’Ordre du saint Esprit suivait la règle de Saint Augustin et s'inspirait du catalogue des sept œuvres de miséricorde. Les religieux et les laïcs de l’ordre avaient pour mission d'entretenir les enfants exposés et orphelins, les estropiés et les invalides, les malades mentaux, d'assister les vieillards pauvres, les familles victimes d’accidents de la vie, les malades de la peste, etc.
Les témoignages de cette activité hospitalière sont rares : il ne nous est parvenu aucun registre dans lesquels auraient pu figurer des mentions d’enfants trouvés, de nécessiteux, de femmes enceintes ou de prébendiers qui auraient été accueillis à l’hôpital.
Le seul document qui évoque des malades, « Siechen » est un texte que le lecteur pourra consulter dans un autre article publié dans ces pages le 8 décembre 2020 : La vie quotidienne d'un hôpital du Moyen-Âge : l'hospice du Saint-Esprit de Rouffach. Il s’agit d’un procès-verbal de la première moitié du XVème siècle (A.M.R. AA9), consignant les dépositions d’une quinzaine de bourgeois de Rouffach, de membres du Conseil, du curé de la paroisse et même de l’abbé de l’abbaye saint Grégoire de Munster, appelés à témoigner dans une procédure opposant Schultheiss et Magistrat de la Ville à Jos. von BADEN, Maître de l’hospice du Saint Esprit de Rouffach.
Nous avons choisi dans l’article qui fait suite, de présenter de larges extraits du livre de comptes de l’économe de la Maison de l’Ordre du saint Esprit, Jacob ANSHELM. Aux détours de cette lecture apparaissent des indices qui permettent de reconstituer quelques éléments du quotidien de l’Ordre des hospitaliers du Saint Esprit à Rouffach.
Nous ne savons que peu de chose du quotidien de la maison de l’ordre du saint Esprit de Rouffach et de son hospice : il ne nous en est pas parvenu de chronique et parmi les rares documents que nous possédions, ceux qui peuvent aider le mieux l’historien à reconstituer quelques instants de vie de cette vénérable institution, sont les registres d’un schaffner, le comptable, chargé de tenir et d’équilibrer les comptes et de noter scrupuleusement les recettes et les dépenses.
Nous proposons dans cet article un item tiré du livre de comptes, Heülig Geist Register de 1603, tenu par Jacob Anshelm, schaffner des heiligen Geist Ordens und Hauses zu Ruffach.
Et si on payait nos loyers ou nos impôts autrement ? Pourquoi pas en chapons ou en poules ?
Dans les registres de comptes de Jacob ANSHELM, comptable des dépenses et des recettes, Schaffner, de l’hospice du Saint Esprit de Rouffach, entre les années 1573 et 1609, figure au chapitre des recettes, un état des cens dus à l’hospice par des bourgeois de Rouffach, Pfaffenheim, Orschwihr et Gueberschwihr.
Ces cens constituent vraisemblablement le loyer d’une terre donnée à un tenancier, suivant un contrat emphytéotique, à titre héréditaire (erblehen, hereditates) ou à bail. Ou alors zins désigne intérêts d’un prêt à intérêt, ce qui n’est pas le cas de cens, charge qui reste attachée à un bien fonds.
Habituellement, les cens sont annuellement, à date d’échéance fixe, le plus souvent à la Saint Martin, en espèces ou en nature. Le paiement en espèce est rare, pour une raison très simple : au moment de la signature, le tenancier fixe un loyer qui restera le même tout au long de la durée du bail emphytéotique, un bail de très longue durée, le plus souvent compris entre 18 et 99 ans, voire plus, puisqu’il peut être héréditaire. Si le cens est dû en nature, en grains par exemple, un boisseau de blé, de seigle ou d’orge représentera toujours le même volume, 99 ans plus tard ! De même, un omen de vin restera toujours un omen de vin… Par contre, qui peut dire quelle sera encore la valeur de la livre, du schilling ou du pfennig, un siècle plus tard ?
La sainte famille au repos pendant la fuite en Egypte (Musée Unterlinden Colmar)
Un paragraphe de l’article publié le 29 décembre 2020, Le clocher tors de l’église Notre-Dame de Rouffach, dont le sujet était la flèche de la tour sud, démolie avant les grands travaux du XIXème siècle, a suscité des remarques de lecteurs qui m’ont permis de revoir et corriger ma copie. Voici le paragraphe en cause :
Ce clocher de la tour Sud de Rouffach n’a pas été conservé et pour cause : s'il était vrillé, cela ne devait rien à la volonté et à l'art d’un maître charpentier qui aurait voulu réaliser là son chef d’œuvre, mais à sa mauvaise construction et à sa vétusté : il représentait même un danger permanent et il était plus qu'urgent d'intervenir !
C'était là une conclusion hâtive, en commentaire du rapport de l’architecte colmarien P.F.Janinet sur l’état de l’église, dressé le 2 juillet 1816 :
La tour dont il vient d’être question est surmontée actuellement par une flèche couverte en tuiles, dont la charpente est en sapin : font craindre à chaque instant qu’elle ne vienne à s’écrouler. Les pièces principales qui la soutiennent sont entièrement pourries par leur pied, leur inégale résistance a fait éprouver à toute la charpente un mouvement de torsion, en sorte que la flèche a perdu son aplomb et penche considérablement du côté de la place où se tiennent les marchés publics.
Gérard MICHEL
Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.
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