Stèle commémorative du massacre de religieux par les Suédois, le 15 février 1634…
Les horreurs de la Guerre de Trente Ans à Rouffach...
Il n’était pas rare, il y a quelques années, de rencontrer au hasard d’une promenade matinale, Pierre-Paul Faust, historien et archiviste de la Ville, arpentant d'un bon pas le tracé des anciens remparts. Dans ce tour de la ville ancienne, il marchait dans les traces de l'histoire de sa ville et les pas des personnages qu'il avait fréquentés dans ses lectures, sa vie durant : Berler, Pellicanus, Zwingli,... et bien sûr, François Joseph Lefebvre, sénateur et Maréchal d'Empire... Et lorsqu’on le croisait et lui demandait ce qu’il faisait là de si bon matin, il répondait invariablement, le sourire en coin :
Waïsch, ech pàss uff, un lüag emmer eb d’Schweda net wedder zeruck kumma,m’r waïss nia !
Tu sais, je surveille et je regarde toujours si les Suédois ne sont pas en train de revenir, on ne sait jamais !
Paul évoquait évidemment un des épisodes les plus douloureux du peuple alsacien et des plus sanglants de l’histoire de Rouffach : l’arrivée des Suédois en Alsace pendant la guerre de Trente Ans (1618 - 1648).
L’historien Th. Walter, dans un petit opuscule, Rouffach au temps de la guerre de Trente-Ans, exploite le peu de documents qui subsistent de cette triste période et présente un tableau précis des misères et des souffrances endurées par la population de la cité au cours de la Guerre de trente ans.
Je propose au lecteur une transcription et ma traduction en français de la préface et du chapitre II de cet ouvrage de Thiébaut Walter (1867 - 1930). L'original est rare, il est rédigé en allemand et imprimé en caractères gothiques: cet article permettra à tous les lecteurs d'accéder facilement à cet écrit de Th. Walter, fondamental pour l'histoire de Rouffach.
Cette publication permettra peut-être également de mettre fin définitivement aux sottises véhiculées par les réseaux sociaux, qui affirment que Rouffach aurait été protégée de l’invasion suédoise par l’intervention miraculeuse de la statue de la Vierge enchâssée dans la niche d’une maison, porte Riss, sur le chemin d’accès au château…
L'image en tête de l'article représente la stèle commémorative, fixée sur le mur sud du chœur de l’église paroissiale, commémorant le massacre de religieux par les Suédois, le 15 février 1634…
Rufach zur Zeit des 30jährigen Krieges
von Th. Walter (Separatabzug aus dem „Gebweiler Kreisblatt“, Buchdruckerei von J. Dreyfus 1897 Gebweiler)
Préface.
La première moitié du XVIIe siècle, qui coïncide avec la terrible guerre dite des Suédois (1618-1648), est l'une des périodes les plus malheureuses que le peuple germanique ait jamais connues. On peut affirmer sans exagération qu'il n'existe presque aucune ville, aucun village dans notre vaste patrie allemande dont les annales ne relatent, avec plus ou moins de détails, les souffrances indicibles dues à la famine, aux pillages et aux massacres de cette époque. Notre région natale, en particulier, a été dévastée et ravagée pendant des années d'une manière inouïe.
Je rappelle simplement les cruels massacres du Sundgau, à Dannemarie, Blotzheim et Landser, les incendies de Rosheim, Haguenau et d'autres villes encore, ainsi que la terrible famine qui a sévi à Colmar. Quel désespoir ne se révèle pas à nous en tous lieux ! Et aucune plume ne sera jamais en mesure de décrire, même approximativement, les souffrances et les privations endurées par les réfugiés, chassés de leurs foyers, dans leurs abris précaires.
Concernant la ville de Rouffach, hormis le petit ouvrage peu connu de Brunner, Die Märtyrer von Rufach, eine Erinnerung aus dem Schwedenkrieg im Elsaß. (Les martyrs de Rouffach, Rixheim 1871), rien n'a été publié. Et pourtant, Rouffach a connu des jours tels que peu de villes alsaciennes en ont vus. La tradition populaire évoque encore cette époque lointaine où la ville était si dépeuplée que des ronces poussaient jusqu'aux seuils des maisons.
Malheureusement, peu de documents authentiques nous sont parvenus. Néanmoins, je voudrais tenter, à partir de ces quelques documents sauvés, d'esquisser un tableau de cette période sombre, pour l'utilité et le profit de l'histoire de notre patrie.
Rouffach, en septembre 1897.
Th. Walter
Chapitre II.
Comme on le sait, les premières troupes suédoises arrivèrent à Strasbourg le 31 août 1632, sous le commandement de Horn et du comte du Rhin (Rheingraf). Après la capitulation de la vaillante garnison de Benfeld, le 8 novembre et le siège de Sélestat malgré ses solides murailles, la voie était ouverte aux armées étrangères vers le sud de l’Alsace. Sélestat ne put bientôt plus tenir et tomba, comme Colmar et d'autres villes, aux mains de l'ennemi. En conséquence, le conseil de Rouffach décida de se rendre volontairement, sans résister. Au début de 1633, il envoya quelques citoyens éminents de la ville comme envoyés à Colmar, où résidait le Rheingraf Otho Ludwig , et lui remit la ville par traité. Le Rheingraf put occuper la ville et habiter le château, mais il devait laisser les habitants et les monastères intacts, ce qu'il promit également.
Entre-temps, les troupes du margrave de Bade approchaient. L'ennemi abandonna donc rapidement les avantages qu'il avait acquis et se retira à Colmar. La ville ne connut la paix que quelques jours. Dès le 13 février, toute l'armée du comte du Rhin apparut devant les murs et les remparts, et le 14, aux premières heures du matin, l'ennemi entreprit un siège en règle et un bombardement. Les vieilles murailles ne résistèrent pas à la violence des projectiles ennemis. Bientôt, une large brèche apparut à la porte Riss, et seule l'obscurité de la nuit tombante, que les défenseurs surent habilement exploiter pour ériger de nouvelles fortifications, retint les assaillants. À l'aube, le combat s'intensifia plus que jamais. Les assauts répétés furent repoussés par les soldats courageux et les citoyens prêts à mourir. Finalement, ils durent céder, face à la supériorité numérique. Tels une vague sauvage, les Suédois se précipitèrent vers la ville ; les Impériaux se réfugièrent dans l'Isenburg, qu'ils avaient mise en état de défense.
le massacre des religieux réfugiés dans l'église...
Pendant ce temps, le clergé de la ville se trouvait dans l'église Notre-Dame, implorant avec ferveur Dieu de les protéger et de leur donner la victoire. Il s'agissait du recteur Hornung et de ses deux chapelains, Johannes Georg et Johannes Andrieu, des curés Petrus von Oberenzen, Andreas von Hattstatt, König von Sulzbach et Johannes von Gundolsheim, ainsi que des trois jésuites Mayering, Martini et Ackermann. Soudain, une bande de sauvages guerriers se jeta dans l'église, armes à la main, et s'abattit sur les suppliants. Ces malheureux se lamentaient et suppliaient. Mais cela ne fit qu'attiser la fureur de leurs bourreaux. Ils les piétinèrent, leur arrachèrent leurs vêtements et les traînèrent comme des bêtes sur le sol. Puis, ils emmenèrent leurs malheureuses victimes dans une maison voisine, où ils les entassèrent dans une petite pièce. Une demi-heure plus tard, un officier arriva et, les insultant, leur annonça leur condamnation à mort. À genoux, les pauvres hommes supplièrent pour leur vie et un délai à leur exécution. En vain. Au signal de cet homme impitoyable, huit bourreaux se jetèrent sur eux, les frappèrent et les poignardèrent de manière atroce. Plus de trois heures s'écoulèrent. Les soldats s'étaient retirés. Certains reprirent conscience. Ils rampèrent hors de la mare de sang et s'assirent sur des bancs proches, cherchant en vain de l'aide humaine. Soudain, une nouvelle troupe de soldats apparut, venant du sud. Les blessés supplièrent à nouveau d'avoir pitié d'eux et de les soulager. Mais ces barbares exigèrent une rançon si élevée que seuls quatre d'entre eux purent la payer. Ils furent confiés aux soins d'un chirurgien ; les autres furent impitoyablement décapités et les soldats poursuivirent leur route. Ackermann, bien qu'encore vivant, était resté parmi les morts, espérant ainsi éviter de nouvelles tortures. Une heure plus tard, un cavalier arriva en furie. Il n'avait pas encore aperçu les corps qu'il sauta de cheval, dégaina son épée et commença à trancher la gorge des morts. Un spectacle épouvantable ! Et alors qu'il s'apprêtait à enfoncer son arme dans la gorge du quasi-mort Ackermann, celui-ci se leva et s'agrippa désespérément à son bourreau, suppliant miséricorde à grands cris. Il dut sa survie à l'intervention d'un soldat allemand qui le prit sous sa protection. On l'enferma pour la nuit dans une maison voisine. Le lendemain matin, le greffier Simon Ottmann et le médecin Remigius Quietanus payèrent la somme de 100 thalers pour le libérer. Les corps des victimes furent enterrés en secret, à la lueur des torches, dans une fosse commune, et Ackermann partit en exil.
Il mourut le 16 juillet 1654 à Würzburg.
... et celui des habitants de la ville...
Entre-temps, l'Isenburg avait dû se rendre. Les soldats furent graciés, mais les citoyens et les paysans qui s'y étaient réfugiés furent massacrés sans pitié.
Les Suédois renforcèrent rapidement les fortifications de la ville, postèrent des gardes et s'installèrent confortablement dans les maisons des habitants qui durent subir toutes sortes de vexations. En secret, une révolte populaire contre les envahisseurs se préparait. Malheureusement, ces préparatifs furent découverts et les Suédois réprimèrent la rébellion avec une cruauté extrême. Seize meneurs, des citoyens de la ville, furent arrêtés, enchaînés, et douze d'entre eux furent pendus. Les quatre autres furent décapités, leurs corps démembrés et exposés aux quatre portes de la ville en guise de mise en garde.
Ce n'est qu'après la bataille de Nördlingen, à l'automne 1634, que les Suédois quittèrent leurs garnisons en Alsace pour les remettre aux Français qui avançaient. Le 4 novembre, une garnison française sous le commandement de Chastillon s'installa à Rouffach et la paix sembla revenir sous la nouvelle autorité.
... les conseillers du Magistrat rançonnés et en otages à Colmar...
Mais dès le début de l'année 1635, le duc Charles de Lorraine, qui, sous le titre de duc de Wurtemberg, commandait une armée, envahit l'Alsace et délogea les Français de leurs positions. Fin février, Rouffach tomba à son tour, après une résistance de courte durée. Cette nouvelle domination fut cependant éphémère. Dix jours à peine après la prise de la ville par les Lorrains, l'armée française revint, sous le commandement du duc de Rohan. La ville fut assiégée et prise d'assaut malgré l'héroïque résistance de ses habitants. Le château, qui tint bon encore deux jours, fut rasé jusqu'aux fondations. La ville elle-même paya chèrement son soutien à la lutte. Pendant cinq semaines entières, le duc cruel livra la ville aux pillages et aux exactions de ses soldats qui fouillèrent chaque recoin, ne laissant derrière eux qu'un amas de ruines. Le maire et les conseillers furent traînés devant le conquérant et sommés de verser une rançon exorbitante de 4000 thalers en quelques heures. Face à l'impossibilité de réunir une telle somme dans une ville dévastée, la plupart d'entre eux furent emmenés comme otages à Colmar. Une lettre, reproduite ci-dessous dans son intégralité, que les otages adressèrent à ceux qui étaient restés à Rouffach, nous éclaire davantage sur la situation : ..
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A.M.R. JJ 3 13 mars 1635 :
Honorables, nobles, sages et très honorables seigneurs, chers et bons amis,
Nous vous informons en toute hâte que l'on ne nous accorde plus ni temps ni délai et que, si nous ne trouvons pas aujourd'hui même le moyen de fournir des garanties suffisantes ou de verser la somme totale demandée, non seulement on nous éloignera de nos foyers mais encore la mort nous est promise, comme le maréchal (Veldmarschalkh) Tibaud nous l'a déclaré hier soir de manière catégorique. Il a reçu l'ordre de Sa Majesté le Roi de France de pendre non seulement sept, mais autant de Rouffachois qu'il le souhaitera, et ensuite de réduire la ville en cendres.
Ainsi, non seulement nos vies sont en grand danger, mais vous, Messieurs, qui êtes concernés au même titre que nous, sinon davantage, avez de semblables malheurs à redouter.
Nous vous supplions instamment, au nom de Dieu, de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour nous aider. Nous vous demandons de prendre les mesures nécessaires, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la ville, et ce, sans délai, pour contacter les envoyés, tels que Messieurs Weckherlin, Wetzel et Kopp, à Bâle ou ailleurs, afin de les informer de notre situation et de leur transmettre cette lettre. Nous implorons également une réponse réconfortante qui nous permettrait de tenir encore un peu plus longtemps.Au verso de la dernière page :
À l'honorable, noble, sage et très honorable sieur Simon Ottmann greffier du bailliage, ainsi qu'aux burgermeister et aux autres membres du conseil de Rouffach, nos très chers Herren et bons amis.
Les archives de Rouffach conservent une autre lettre, également datée du 13 mars 1635, que Th. Walter ne mentionne pas dans son texte et que je reproduis ici. Elle est adressée à:
dem Ehrsamen unseren freundlichen lieben herren Clauss Wetzelen, Schulthaißen in Sultzmatt, unseren lieben freund zurhanden
Elle est signée :
arme gefangene in Colmar und Schultheiß, ein ehrsamer Rath und die ganze Burgerschafft und gemeind in Ruffach.
A.M.R. A / JJ 3 13 mars 1635
Notre très humble et amical salut vous soit présenté en premier lieu, honorable Monsieur le Bourgmestre.
Il nous est parvenu, à nous pauvres prisonniers détenus à Colmar pour une somme d'argent, ainsi que par votre marchand de Bâle du nom de N. Steiger, à qui vous auriez acheté du vin pour huit cents florins, qu'il vous resterait encore cette somme à percevoir de lui.
C'est pourquoi nous, pauvres prisonniers, dans le plus grand désespoir, au nom de toute la ville de Rouffach, nous adressons non seulement à ce marchand susmentionné, mais aussi à d'autres personnes de bien, une supplication instante pour nous aider avec une somme d'argent. Ce marchand nous a assuré que s'il recevait de vous un écrit attestant ces huit cents florins, il serait disposé à les donner pour notre libération, sur votre recommandation.
C'est pourquoi nous vous supplions instamment de bien vouloir faire preuve de miséricorde chrétienne et d'autoriser le versement de cette somme pour notre libération, en vous promettant de vous la rembourser avec gratitude. Nous n'oublierons jamais ni ne manquerons de vous le rendre.
Fait à Rouffach, dans la plus grande hâte, le 13 mars 1635
Vos très dévoués et bienveillants, les pauvres prisonniers de Colmar…
Ils n'oublièrent pas les prisonniers dans leur malheur. Des messagers furent envoyés dans toutes les directions, mais la plupart revinrent bredouilles ; la misère était telle que l'argent était devenu extrêmement rare. Finalement, la somme nécessaire fut réunie. Parmi les donateurs, on compte le riche marchand Steiger de Bâle, la ville de Soultzmatt, le bourgmestre de Biltzheim, la commune suisse d'Arlesheim, et même le bourreau, maître Jakob.
À partir de ce moment, la ville de Rouffach sombra dans le chaos. L'occupation par des soldats débauchés mit tout à feu et à sang ; chacun luttait pour survivre dans les ruines dévastées. Plutôt que de nous étendre davantage, nous laisserons la parole aux deux « bourgmestres » de Soultz et de Guebwiller qui, le 9 août 1635, adressèrent une lettre au duc Charles de Lorraine, datée de Rouffach :
A.M.R. JJ 3 13 mars 1635 :
Très puissant et très gracieux Seigneur,
Que nos plus humbles et obéissants services vous soient offerts avec toute la ferveur possible.
Nous ne pouvons vous cacher ce que malheureusement tout le monde sait trop bien, et ce que tout le pays connaît : à quel point, parmi d'autres villes, les trois villes de Rouffach, Soultz et Guebwiller, ainsi que leurs habitants, ont été, pendant trois années consécutives, si profondément et jusqu'à la moelle, épuisées par des cantonnements permanentes, des contributions intolérables, des incendies, des pillages et des rançons imposés par les troupes impériales, suédoises et françaises, qu'il est tout simplement impossible de supporter davantage. Si l'on considère par exemple que les habitants de Rouffach, lors de la dernière prise de la ville par les Français et les cavaliers de Degenfeld, ont été pillés sans relâche pendant cinq semaines entières, que les moindres recoins ont été fouillés et tout ce qui a été trouvé a été emporté, que le duc de Rohan a en outre fait démolir et dévaster le château de telle sorte que la ville ressemble désormais à un village, et qu'en outre, plusieurs bourgeois et membres du conseil ont été emmenés prisonniers à Colmar et y ont été détenus jusqu'à ce qu'une rançon de 4000 thalers eut été effectivement versée ; et si l'on considère ensuite ce que les Croates et les Hongrois, lors de leur cantonnement, n'ont pas consommé par une consommation excessive de nourriture et de boisson, et ce qu'ils ont laissé derrière eux en emportant du vin et d'autres biens, le lieutenant supérieur des soldats d'Ascanie , qui était alors à Dannweiler, a achevé ce travail et a emporté presque tout le reste ; et maintenant, la population est encore plus durement éprouvée par les dragons de Weimar qui, bien qu'ils aient reçu l'ordre de Votre Altesse Sérénissime de se cantonner dans les villes de Delsperg, Saint-Ursitz, (Saint - Ursanne) Frohberg et leurs dépendances, doivent néanmoins être logés à Soultz et à Guebwiller. Ils ont ainsi, jusqu'à présent, et avec une grande difficulté, été approvisionnés en pain, en viande et en vin conformément à l'ordonnance de ravitaillement de Sa Majesté Impériale. Mais ils ne veulent pas s'en contenter et le major Boliat exige en outre chaque semaine 35 thalers, un doublon par jour pour chaque officier et six mesures de vin, ce qu'il obtient par la force. Les soldats ordinaires, eux aussi, ne sont pas satisfaits de leurs rations et ne cessent de tourmenter et de harceler la population affamée, de telle sorte que certains doivent donner jusqu'à six, sept, huit ou dix mesures de vin par jour à un seul soldat, en plus d'autres victuailles. S'il reste encore un petit peu de grain dans la maison de quelqu'un, ils le volent et le vendent, si bien que ce qui est encore trouvé dans les champs, après avoir été récolté avec beaucoup de peine et de danger, est jeté aux chevaux sans être broyé et piétiné sous leurs sabots, afin que tout soit détruit. Ni les malades ni les bien portants ne sont en sécurité dans leurs maisons ; ils y pénètrent et les pillent, de sorte que même les enfants dans le ventre de leur mère en souffrent. On entend dans les maisons et dans les rues des lamentations si pitoyables et des plaintes si douloureuses qu'un cœur sensible ne peut s'empêcher d'en souffrir. ...
Nous vous supplions donc instamment, Très Puissant Seigneur, d'avoir pitié de nous et de ces pauvres habitants, et de nous accorder votre aide. Nous vous en serons éternellement reconnaissants.
Votre Altesse Sérénissime,
Très humblement et très obéissant, le Bourgmestre, les Magistrats et le Conseil, en leur nom propre et au nom de toute la communauté de la ville de Guebwiller.
Le Bourgmestre, les Magistrats et le Conseil, au nom de toute la bourgeoisie de la ville de Soultz.
Au Très Illustre et Très Haut-Né Prince et Seigneur Charles, Duc de Lorraine, de Calabre et de Bar, Roi des Romains, et de Hongrie et de Bohême par la grâce de Dieu, Généralissime de Sa Majesté Impériale, notre très gracieux Prince et Seigneur.
La population se nourrit d'herbes, de racines et de dépouilles d'animaux ...
L'adresse du destinataire d'un autre document n'a malheureusement pas pu être retrouvée. Il date du mois d'août 1638 et a été rédigé conjointement par les trois bailliages du Haut-Mundat. Il se lit comme suit :
A.M.R. A / JJ 3 9 août 1638
Très Révérend, Très Noble et Très Gracieux Seigneur,
Nous vous présentons nos très humbles et obéissants services.
Nous avons appris par le greffier du bailliage que certains États voisins ont décidé d'envoyer une délégation à Votre Majesté de Hongrie pour se plaindre de la dévastation de leurs terres et de leurs biens. C'est pourquoi le greffier du bailliage vous a informés, car la situation dans notre bailliage du Haut-Mundat est telle qu'il est impossible de décrire par écrit, ou même oralement, l'étendue des dégâts sans verser des larmes. C'est pourquoi, le cœur rempli d'humilité et de tristesse, nous ne pouvons nous empêcher de vous adresser ce bref rapport, à vous, notre très gracieux Seigneur et notre haute autorité.
En effet, puisque Son Altesse Sérénissime l'Archiduc Léopold-Guillaume, Évêque de Strasbourg et notre très gracieux prince, est trop éloigné de nous, nous nous permettons de vous informer que notre bailliage du Haut-Mundat, avec ses villes et ses villages, a été entièrement pillé et dépouillé de tout. Les maisons sont tellement endommagées qu'une grande partie d'entre elles ne sont plus habitables. Les habitants, riches et pauvres, ont été tellement appauvris qu'ils ne peuvent plus se procurer de quoi se nourrir. Beaucoup ont dû quitter leurs foyers et leurs fermes pour se réfugier dans les forêts et d'autres lieux sauvages. Ils vivent de racines et d'herbes sauvages comme des bêtes. Ils volent parfois des chevaux et du bétail morts, abandonnés à l’écart de la ville au dépôt d’équarrissage et les mangent pour survivre. Ils contractent des maladies mortelles à cause de cette nourriture avariée et meurent de faim en grand nombre. Si Dieu ne nous accorde pas bientôt un peu de soulagement grâce à votre bienveillante intervention, et s'il ne met pas fin à ces afflictions, les habitants mourront tous de misère et notre pays sera complètement dévasté. En effet, les quartiers permanents, les contributions excessives et les autres fardeaux insupportables n'ont pas de fin. Les récoltes, que nous espérions avec tant d'impatience, ont été détruites. Si nous perdons également la petite récolte de vin que Dieu nous a accordée cette année, nous n'aurons plus aucun moyen de subsistance. Les enfants mourront de faim dans le ventre de leurs mères et les innocents encore au sein de leur mère périront misérablement. Aucune des parties en conflit ne semble vouloir mettre fin à cette situation. Étant donné la situation actuelle, nous avons jugé bon de porter cela à la connaissance de Votre Grâce et de solliciter Votre bienveillance paternelle. Nous vous supplions très humblement de bien vouloir nous garder dans votre mémoire. Jusqu'à présent, nous, vos serviteurs, avons agi de manière à plaire à Dieu Tout-Puissant et nous sommes restés fidèles à nos devoirs. Nous sommes prêts à donner corps et âme tout au long de nos jours pour mériter votre bonté paternelle. Nous nous recommandons à votre très haute bienveillance.
En date du 9 août 1638, vos très humbles et très obéissants sujets, Baillis, Maîtres des Tribus, Burgermeister, Conseillers et Juges des trois bailliages de la seigneurie du Haut-Mundat
[Au dos de la 4ème page :] Très humble et pressante supplication et appel
De tels mots n’appellent aucun commentaire ; ils expriment à eux seuls, de la manière la plus claire, la désolation et l'insoutenable situation dans ces terres dévastées.
Theobald Walter
Traduction (perfectible...) Gérard Michel, avec la complicité de l’I.A. Gemini
Notes :
Th. Walter ne m’en voudra sans doute pas d’avoir fait figurer dans cette traduction une lettre du 13 mars 1635 dont il n’a pas évoqué l’existence dans son ouvrage, et d’avoir reproduit in-extenso les deux autres lettres, qu’il n’avait reproduites qu’en partie.
Pour compléter ce tableau, le lecteur pourra se reporter aux pages de obermundat.org qui traitent des atrocités de la Guerre de Trente ans, à Rouffach. Non seulement on volait des carcasses de chevaux et de bovins qui se décomposaient sur le Wasen ou Keipacker de la Ville, où elles avaient été transportées par le Wasenmeister, fonction première du bourreau de la cité, mais on forçait également la porte de l’ossuaire du cimetière pour voler des cadavres humains…
Voir L'assaut et la prise de la ville par les Suédois en février 1634, racontée par Jean Simon MÜLLER dans l'Urbaire de la Ville, URBARIUM RUBIACENSIS CIVITATIS 1727
Pour en savoir plus, je vous conseille vivement de suivre une passionnante conférence, enregistrée, du Pr. Georges Bischoff La Guerre de Trente Ans en Alsace (durée 1 heure 45)
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