La découverte de l’été : les deux tomes manuscrits de Documenta Collecta d'Appolinaire Freyburger, (1813-1901) ...
Dans ses articles et ses ouvrages, l’historien rouffachois Thiébaut Walter fait référence aux sources qui ont guidé sa recherche : parmi celles-ci Materne Berler et sa célèbre chronique, Jean-Simon Muller et l’Urbaire de la Ville de Rouffach et Appolinaire Freyburger, auteur des deux tomes de Documenta collecta ad usum Ecclesiae Ruebeaquencis, resté à l’état de manuscrit et rédigé à partir de 1845. Walter cite souvent cet ouvrage qui était alors conservé aux archives paroissiales de Rouffach et que l’on pensait disparu depuis.
Il a été retrouvé, et les deux tomes, rédigés dans une très belle écriture manuscrite, sont parfaitement conservés.
Dans son avant-propos, l’auteur précise qu'il avait commencé cet ouvrage en 1845.
« … chargé de l’administration d’une paroisse considérable et peut-être dernier témoin dans cette paroisse d’une génération de prêtres qui allait s’éteindre et dont il ne resterait plus que quelques débris, j’avais un double devoir à remplir : étudier la paroisse que je devais diriger temporairement et recueillir l’héritage des traditions des mains défaillantes qui allaient les laisser échapper. Ce fut là mon occupation de tous les jours, ce fut encore celle de mes veilles. Et mes recherches ne furent pas stériles. »
Strasbourg le 5 février 1897
Freyburger, doyen du chapitre de la cathédrale
L’ouvrage de Freyburger est donc essentiellement, comme l’indique son titre, une collection de textes, chartes anciennes, correspondances diverses, notes éparses… concernant l’histoire du diocèse de Bâle, de l’église et de la paroisse Notre-Dame, mais également celle des Récollets, de Saint Valentin, de la léproserie, ainsi que des notes précieuses sur les nombreuses chapellenies, les autels, les chapitres ruraux…
Autant de documents qui intéressent au plus haut point les chercheurs… avec, en plus, quelques passages de chronique sur la « petite histoire » de la paroisse, dont le lecteur trouvera un exemple ci-après :
Mais que viennent donc faire dans un article consacré à l'histoire de la paroisse Notre-Dame de Rouffach trois images de la ligne de chemin de fer Strasbourg - Bâle et de la gare de Rouffach ? Une ligne de chemin de fer toute récente puisque inaugurée en 1841, et une gare, elle aussi toute récente. A droite de cette gare ne tarda pas à se construire une auberge, l'Auberge de la Gare, et dans les jardins de l'auberge, une grande tonnelle et deux plus petites. On verra par la suite que cette auberge et ses tonnelles furent à l'origine de bien des tracas et de longues nuits d'insomnies pour ce bon curé Freyburger et ses paroissiens, plus qu'inquiets pour le salut de la jeunesse de Rouffach, en grand danger depuis l'arrivée du chemin de fer...
La nouvelle auberge de la gare, antichambre de l’enfer…
« Les saints sacrements étaient bien fréquentés, on était très assidu aux offices des dimanches et fêtes. Mais j’avais pu faire une observation qui m’avait péniblement affecté. Le démon s’était montré très industrieux, pour faire perdre en une heure toutes les bonnes résolutions et tous les fruits que la grâce avait pu produire aux offices de l’église. Vers le soir, il n’y avait pas seulement les réunions dans les cafés et les cabarets ; mais depuis l’établissement du chemin de fer (1842), on avait organisé des jeux près de la gare du chemin de fer, pour les soirées des dimanches et des fêtes. Une nouvelle auberge, établie près de la station, cherchait par tous les moyens à attirer des clients, surtout parmi la jeunesse.
Ne serait-ce pas le cas d’organiser un office du soir, les dimanches et les fêtes ? C’est la question que je m’étais posée ; et cette idée me poursuivait depuis quelque temps, nuit et jour. C’était comme une voix du ciel, qui m’invitait à agir.
Des filles de mauvaise vie venues par le chemin de fer…
Nous avions un nouveau juge de paix qui donnait en toutes choses le meilleur exemple à nos fidèles. Un jour, M. Senck, le juge de paix, vint me trouver, pour me dire ce qui venait de se passer à la station du chemin de fer : le dernier dimanche, on avait fait venir des filles de mauvaise vie, de Colmar et de Mülhouse, pour les réunions ordinaires du soir. En apprenant cette nouvelle, je ne pus plus résister à l’idée qui me poursuivait, j’aurais craint de résister aux ordres formels du Seigneur. Je me suis contenté de dire à Monsieur le Juge : « je vous suis bien reconnaissant de m’avoir fait cette communication, n’en parlez à personne et laissez-moi faire ». Dès le dimanche suivant, 19 novembre 1843, j’ai annoncé au prône qu’à l’avenir nous nous réunirions tous les dimanches, vers le soir, à l’église des Récollets, pour réciter le chapelet et entendre une allocution.
Ces réunions étaient très fréquentées et, de ce moment, je n’ai plus entendu parler de jeux et de réunions à la station du chemin de fer.
Quelque temps après, MM. les membres du conseil de fabrique me signalèrent un grand inconvénient qu’on remarquait surtout aux grandes fêtes. Les offices étant très fréquentés, et les solennités des grandes fêtes prenant plus de temps que les offices ordinaires des dimanches, les personnes qui sortaient de l’église après la grand’messe se rencontraient avec celles qui arrivaient pour assister à la messe de onze heures. Je répondis à ces messieurs que j’y mettrai ordre dès le dimanche prochain et voici comment : on sonnera pour l’office, comme à la cathédrale, un quart d’heure avant l’office avec la cloche moyenne, pendant dix minutes, et cinq minutes avant neuf heures, avec toutes les cloches ; à neuf heures précises commencera l’office. Aux grandes fêtes, à l’office du matin, sermon d’un quart d’heure et le soir, sermon principal et salut.
Une église bondée et un commissaire de police désœuvré !
A ces offices du soir, les jours de fêtes, l’église était encombrée de fidèles, comme un Vendredi-Saint. Après le salut, on restait encore quelques minutes à l’église pour faire l’examen de conscience et un acte de contrition, et pour dire un Pater et un Ave Maria pour les âmes du purgatoire. Puis cette foule défilait silencieusement à travers les rues pour aller se coucher. Un bon quart d’heure après le Salut, calme parfait dans toute la ville. Il est arrivé plusieurs fois que, le lendemain de ces fêtes, le commissaire de police vint me trouver pour me dire: « Quel délicieux moyen vous avez trouvé là : savez-vous que je n’ai plus rien à faire !»
in Tome II, Chapitre X, Administration de la paroisse 1839-1846 page 170 et suivantes.
Biographie d'Appolinaire Freyburger
Freyburger Appolinaire, né à Hecken, canton de Dannemarie le 8 février 1813. Ordonné prêtre le 12 août 1838, nommé vicaire de Rouffach le 26 novembre 1838. Nommé administrateur de la paroisse le 12 janvier 1842. Nomination ministérielle de Pro-Curé de Rouffach le 14 novembre 1844. Curé de Heimsbrunn le 12 juillet 1846. Curé cantonal d’Ensisheim, le 25 avril 1851. Proposé pour le poste de vicaire général en 1874, nommé chanoine titulaire le 28 août 1875, nommé deuxième vicaire général le 24 octobre 1880 et premier vicaire général le 8 mars 1883. De nouveau chanoine titulaire, le 20 juillet 1891, a célébré sa messe de diamant le 17 août 1898. (décédé en 1901)
Le chemin de fer à Rouffach
Pour en savoir plus sur l'histoire de la ligne Bâle- Strasbourg , le lecteur lira avec profit Chroniques ferroviaires d'Alsace (1839-2011) de Nicolas Stoskopf (2012) en cliquant sur ce lien: hal-01 27 1886
Gérard Michel
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