L'Ombach en juin 1962 (photo G.M.)
A.M.R. DD 28 26 juillet 1752
Extrait du greffe de la ville de Rouffach
Estat des bâtiments, maisons communes, ponts, portes, murs, fontaines et généralement de tout ce qui est à l’entretient de la ville de Rouffach
Note : j’ai conservé l’orthographe du document original…
Un article sur le même sujet et documenté par le même extrait du greffe de la Ville de Rouffach a été publié dans ces pages le 28 décembre 2017.
Pourquoi republier le même article ? D’abord parce que sept ans et quelque mois c’est long, qu’on a eu le temps d’oublier et qu’il est toujours bon de se rappeler. Ensuite, parce que j’ai complété le texte avec d’autres documents sur le même sujet conservés aux A.M.R. qui ont permis d’ajouter quelques informations intéressantes.
Enfin, cet inventaire descriptif des bâtiments, des maisons, ponts, portes, murs, fontaines… pourrait inviter les rouffachois et visiteurs de passage à une flânerie printanière dans les rues et ruelles de leur cité à la recherche de son passé, une espèce de restitution virtuelle du Rouffach du milieu du 18ème siècle : suivre le tracé des remparts, suivre le tracé de l’Ombach et passer les ponts qui l’enjambaient, découvrir l’animation du marché, aux grains, aux oignons, aux chevaux… s’attarder devant les étals sous les arcades du Kauffhaus ou de la Halle aux grains, découvrir les riches sculptures du tympan de l’église, passer les portes de la Ville… Rouffach dévoile ses secrets, au fil d’une promenade chargée d’histoire.
Nostalgie ? Non, pas du tout. Se nourrir du passé et du patrimoine est essentiel pour construire un présent riche de sens et de créativité : l’histoire véhicule des valeurs, des savoirs et des savoir-faire qui peuvent orienter nos choix présents et futurs…
Maison de ville :
- la maison de ville où se tient ordinairement la justice, consistante en deux corps de maison habité par le sergent audiencier / icelle se trouve en bon état…
Chapellenies :
- celle de la chapellenie des Trois Rois, habité par le chappellain JEG.se trouve en quelque façon assez caduc…
- celle de Nostre-Dame de Bon Secours habité par le Sr. MÜLLER, chappellain demande beaucoup de réparations, mais comme le fondateur s’est soumis en l’année 1745 de la mettre en état à ses frais, étant mort, ses héritiers devant exécuter préalablement sa soumission avant que la ville y soit tenue de l’entretient
- celle de la chappellainie de Sainte Croix séparée de celle qui est à l’entretient de la seigneurie, icelle servant d’escurie, cour et pressoir au Sr. RAFFARRA qui en est pourvu.
les écuries, pressoir et remises de la Chappelenie de Ste Croix se trouve nouvellement construite et en bon état
Maître d’école :
- celle du maître d’Escolle habité par iceluÿ se trouve en un mauvais état
Marguillier :
- celle du marquillier habité par le même étante basti toute neuf, par conséquent dans un bon état à l’exception néanmoins qu’il y manque un four à cuire…
Tribunes :
- celle de la tribune de la fleur de Lis, (habité par les vallets des tribunes) est assez caduc
- celle de la tribune des vignerons, (habité par les vallets des tribunes) la maison de la tribune des vignerons se trouve en quelque façon assez caduc et pour la mettre à bon état, il serait nécessaire d’y employer:
o 50 chevrons
o 250 lattes
o 100 planches
o 1620 cloux
o 1500 thuilles
o 2000 planchettes
o 10 quintaux de chaux
o 300 briques
o 4 croisées de fenettres
Abattoir (tuerie) et boucherie
- celle de la Tuerie, habité de personne se trouvant à rez de chaussée, le haut appartenant à un particulier
se trouve en bon état et elle ne demande aucune réparation
- celle de la Boucherie, le haut servant souvente fois à mettre des fourages en cas de nécessité
le bas étant assez en bon état, la toiture demande d’être renouvelée (600 tuiles, trois quintaux de chaux, trois tombereaux de sable, cent six planches, quatre cens cloux, cent briques…)
Douane :
- celle de la Kauffhaus ou de la Doüane, le haut étant en partie habité gratis par celuÿ qui soigne l’horloge de la ville, et l’autre partie servant pour étaller les marchandises des marchands les jours de foires
la maison de la douanne se trouve en quelque façon assez caduc et pour la mettre en bon état il serait nécessaire:
• huit poudre (poutres) sapin
• 140 planches
• 1200 cloux
• 1000 tuiles
• 400 briques quarée
• 8 quintaux de chaux
• 8 tombereaux de sable
• une nouvelle cheminée
o 900 briques
o 6 quintaux de chaux
o 6 tombereaux de sable
Halles :
- celle des Hahles, le bas étant pareillement pour étaller les marchandises les jours de foires et marchés ordinaires, ainsÿ que pour ÿ placer
les équipages des trouppes de sa Majesté, le haut étant destiné pour les fourrages
se trouvent en quelque sorte à un assez bon état en sorte que cependant pour la bien réparer il est nécessaire d’y employer :
o mil tuilles
o 5 quintaux de cheaux
o 5 tombereaux de sable
o 4 chevrons
o 1000 briques quarrée
Halle aux blés :
- celle de la Kornhauss destinée, sçavoir le bas pour la vente des grains et en partie pour la fourniture des étappes, et le haut pour le fourrage de l’étappier
se trouve à un assez bon état à l’exception de la toiture qui avance sur le communal à laquelle il est nécessaire d’y employer:
o trois pièces de sapin
o 30 lattes
o mil planchettes
o mil cinq cens thuilles
o 112 cloux
o 16 quintaux de chaux
o 16 tombereaux de sable
Prison :
- celle du geôlier et des prisons, occupée par ledit geôlier se trouve en bon état à l’exception de la toiture qui devrait être à double thuille pour la mettre à couvert
Tuilerie :
- celle de la Tuillerie ensemble la thuillerie même, le thuillier habitant la maison la thuillerie se trouve dans un mauvais état pour ce qui concerne le four ainsi que la toiture, le four en soy même étant trop bas et caduc, l’eau y pénétrant devrait estre relevé d’environ quatre pieds eet pour le reconstruire il serait nécessaire d’y employer:
o 16 milles briques
o 40 quintaux de chaux
o 40 tombereaux de sable
o 100 tombereaux de terre grasse
quant à la toiture :
o Deux milles thuilles
o 200 lattes
o 10 000 planchettes
o Mil deux cens cinquante deux cloux
o 50 pièces de sapin
Nota : cette thuillerie est d’un grand entretient et l’on trouve pour le bien de la ville qu’il serait àpropo de la donner à titre de bail emphytéotique s’il plaisait à Mg. L’intendant de l’ordonner ainsi.
Tirerie : maison des archers, arbalétriers et arquebusiers
- la maison de la Tirerie pour la compagnie des arcabusiers (plus loin il sera noté que cette maison avait été incendiée en sa totalité en 1744 par la foudre et que pour la reconstruire il faudrait 600 livres)
Logis des portiers :
- les quatre portes de la ville, sçavoir celle de Colmar, Cernaÿ, Brisach et celle des montagnes dite Rissthor, consistantes en huit corps de logis, occupées par huit portiers gratis
Vachers, porchers et bergers :
- celle des trois patres consistants en trois différents corps de logis
la maison du vacher se trouve entièrement caduc
la maison du borquier (porcher) se trouve en quelque façon dans un assez bon état
la maison du berger laquelle se trouve dans un très mauvais état … pour mettre le tout en en bon état, il faudrait:
o 1 arbre chêne
o 30 arbres de bois de sapin
o 26 chevrons
o 40 pièces de bois de la même qualité
o 350 lattes
o 100 planches
o 2526 cloux de différentes espèces
o 800 thuilles
o 6000 planchettes
o 28 quintaux de chaux
o 28 tomberaux de sable
Nota : la ville esté authorisée par un décret de Monseigneur l’Intendant de vendre les trois susdites maisons des pattres, mais comme tous les maisons en généralle dans ces tems de misères ne se vendent qu’à un prix très modique, le magistrat a cru devoir surcir à la vente jusqu’à un autre temps
Forêts, forestiers, bûcherons :
- le magazin servant à y soigner les martereaux et ustancilles de la ville se trouve dans un assez bon état
- la maison du garde forestier dans le canton dit Ritzenthal occupée par le dit forestier gratis
- celle du garde forestier dans le canton appelé Frenckelbach occupée par le dit forestier gratis
- celle du censier dans le canton dit Ammelthal
- celle du boucheron qui façonne le bois de chauffage et eschalas pour les usages de la ville
Maison commune de Westhalten :
- la moitié de la maison commune de Westhalten, nouvellement construite, l’autre moitié étant à l’entretien de la vallée de Soultzmatt, cette maison sert en même temps d’écolle et elle est habitée par le dit Maître d’ Escolle.
Ponts et pont-levis :
- les sept ponts levis sçavoir deux à la porte de Collmar, deux à la porte de Cernaÿ et deux à la porte de Brisach et un à la porte appelé Riss Thor :
pour ce qui concerne ces pont levis, il est à observer que la Ville est obligé d’en faire construire tous les années deux en neuf pour lesquels il est besoing d’employer:
o 96 pièces pièces de bois de chesnes ce qui fait au moins quatre arbres
o La main d’œuvre du maréchal ferrant le fer et les cloux
o 20 madriers
En outre il est à scavoir que les dits ponts levis doivent être tous les années redoublé de madrier à quoi il est besoing d’employer 360 madriers et 100 cloux
- le pont de la petite porte servante en temps de vendanges
il est nécessaire d’y employer trois arbres servants de solives pour les voitures livrés sur la place + 10 madriers
- le pont de bois appelé proche de la Radix Kappell
- le pont de bois traversant le canal en deça de Gundelsheim…/…
- le pont de bois traversant le même canal au canton dit Lauchenweg
- le grand pont de bois appelé proche Ossesteeg
- les deux ponts de pierre traversants les rivières dites Ohnbach et Dorrfgraben
se trouvent dans un bon estat et n’ont besoing d’aucune réparation
- le pont de bois appelé Endenloch
- les deux petits ponts de bois au-dessus de la porte de la montagne
- les deux ponts de bois traversant la rivière dit Thür
- le pont dit nouvellement à construite en deça de la Thür Mühl
- le grand pont avec gardes foux appelé Langbruck de la longueur de 530 pieds voûtée avec sept arcades
- le deuxième pont en deçà ledit moulin
- le troisième pont aussi en deçà ledit moulin le pont de bois traversant le Canal appelé Spittelbach
- le pont de bois appelé Judenmatt
- le pont de bois appelé Mattenruntz Brucke Mattruntz
- le grand pont de bois avec des garde-fou appelé Mattsteg
- le pont de bois au canton dit Kaegelsgraben am Kegelgraben
- le pont de bois appelé Metzgergass Brücklen
- le pont de bois sur le rempart
- le pont de bois appelé Kaesselgasslen Bruck (Kapelgasslen?)
- les deux ponts de pierre dit Wassergarthen et Seegmatt
- le pont de pierre auprès la porte de Cernaÿ appelé Feürbächlen Brucklen
- les deux ponts de pierre dans la ville appelé Hechtenbrücklen et proche la rue des Prêtres
- le pont de bois auprès de l’hospital
- le pont de pierre entre les deux portes de Brisach allant sur le rampart
- les deux ponts proches du moulin dit beÿ der Hummel Mihl
S’ajoutent le pont dit Mattruntz, Mattsteg, Kegelgraben, Metzger Gass, Schwanen Brücklein, Hechtenbrücklein, …
Murailles, remparts:
- Nota : les murailles intérieures d’icelles étantes à la charge du seigneur
- plus les murailles extérieures à l’entour servantes de la clôture de la ville
pour réparer parfaitement les murailles extérieures de la ville, il est nécessaire d’employer :
o soixante voitures de pierres
o 250 quintaux de chaux
o 250 tombereaux de sable
- la voutte (voûte) où les eaux de la ville passent a besoing d’être reconstruit à neuf de la longueur de 26 pieds, de la largeur de deux pieds et demi et de la hauteur de quatre pieds et demi
La rivière Ombach :
Pour clore ainsi que d’aurientée (orienter) la rivière appelée onbach traversant la ville il conviendra d’employer 2312 pieds pierre de taille ce qui coutera 1734 livres, pour la main d’œuvre de l’ouvrier qui posera lesdites pierres de taille : 372 livres
Fontaines :
- les deux fontaines sur les deux places publiques ; outres les deux fontaines il se trouvent encore à l’entretient de la ville quinze puits dans différentes rües publiques de la ville.
Ecluses :
- plus huit écluses tant grands que petits pour arroser les preries du banc (servant à conduire les eaux de la rivière sur les prez)
- l’escluse servant à la conduite des eaux dans la ville en cas d’incendie demande
o trois chênes, neuf matriers, 25 pieds de pierre de taille, la ferraille, chaux, sable, main d’œuvre charpentier et maçon
Pavés :
- le pavés de la dite ville
le pavet de la grande route a esté ordonné d’estre reconstruit en neuf, les matériaux étant fournis par corvés, la main d’œuvre pourra coûter 800 livres
les autres rues de la ville estantes anciennes demandent beaucoup de réparations dont on ne peut aisément faire l’évaluation de ce dont ils en pourront coûter
On est frappé par le nombre de pont-levis, sept au total : Rouffach est protégé par une double enceinte et des fossés dont une partie est en eau. Trois portes permettent d’accéder à la ville : la porte de Breisach dite Froeschwiller Thor, celle de Cernay dite Rheingrafen Thor et celle de Colmar dite Neues Thor. La poterne, dite ici petite porte, ne sert que pour les vendanges et la dernière porte, la Riss Thor protège l’accès au château.
On note également une quantité impressionnante de ponts, en pierre et en bois, à l’intérieur de la ville, qui enjambent l’Ombach, aux intersections avec les rues et les ruelles… L’Ombach n’était pas alors le petit ruisseau que certains des plus âgés de nos lecteurs ont pu connaître dans leur jeunesse, avant qu’il ne soit détourné et recouvert, mais une rivière capable d’alimenter tout une série de moulins et d’ateliers divers, capable également de colères parfois dévastatrices…
Au final, le bilan de cet état des lieux n’est pas très brillant : beaucoup de bâtiments et autres ouvrages sont dit « caducs » et les frais à engager pour les remettre en état sont considérables.