Le parchemin aurait été inventé au deuxième siècle avant J.C. dans la ville de Pergame d'où il tire son nom, peau de Pergame. Son usage est apparu en Europe au cours du VII ème siècle. Il sera abondamment utilisé pendant au Moyen-Âge jusqu'à ce que le papier apparaisse et le supplante progressivement. Son usage restera réservé à des circonstances particulières, comme dans le document de 1854 présenté dans cet article. Thiébaut Walter le résume ainsi dans l'inventaire qu'il a dressé des parchemins conservés aux archives municipales de la Ville de Rouffach:
Pergamentblatt, das in Turm Knopf aufgefunden wurde, das Turm Kreuz in der Revolution betreffend.
...un parchemin découvert dans le bouton de la girouette, sur la flèche, qui se rapporte à la dépose précipitée de la Croix surmontant le clocher, sous la menace des révolutionnaires...
Sur les 1228 parchemins conservés aux A.M.R. seuls deux sont du XIX ème siècle: celui-ci, de 1854, et un autre daté de 1825, qui est le document d’approbation des armoiries de la Ville de Rouffach par Charles X, qui ne cessera de répéter au Maire de Rouffach, lors de sa visite trois ans plus tard, le 11 septembre 1828:
Ah, Monsieur le Maire, que vous avez de bons habitants! 1
1. cité par Walther Thiébaut dans Abrégé de l'histoire de la Ville de Rouffach août 1920 page 33
Pergamentblatt, das in Turm Knopf aufgefunden wurde, das Turm Kreuz in der Revolution betreffend.
L’an mil huit cent cinquante-quatre, le premier décembre,
sous l’administration de M.M. de Cambacérès,[1] Préfet du Haut-Rhin, Dietrich Aloyse, maire, Quimfe Ignace, premier adjoint, Callinet Ignace, Kuentz Joseph, Fries Joseph, Ackermann Jérôme, Wilhelm Aimé, Ruehl Martin, Bass Hensi, Heimburger François-Xavier, Hassenforder Jean-Baptiste, Haberer Joseph, Weingand Sébastien, Isner Erasme, Mertian Jean-Baptiste, Rauch Georges, Eschbach Joseph, Ihler Thiébaut, Claudon Sébastien, Stumpf Joseph et Kiené Joseph, conseillers municipaux, Stoecklé Joseph, curé, Senck Désiré, juge de paix, Metzger Louis, Principal du collège municipal, a été plantée la présente Croix, par suite d’une nouvelle réparation faite au clocher. Lors de l’enlèvement de la girouette remplacée par la dite croix, on a trouvé dans la boule un écrit, dont la teneur suit :
Une commission révolutionnaire, arrivée dans cette commune dans le courant de la 3ème année républicaine ou en 1794, a forcé la Municipalité d’alors, avec menace de faire guillotiner tous les membres qui la composaient, de faire ôter la Croix de fer qui, jusqu’à cette époque existait sur cette tour et ne donnèrent pour tout délai que 24 heures. Ce court délai a ôté à la municipalité, ainsi qu’aux ouvriers employés à la descente de cette croix, tout moyen de faire les échafaudages nécessaires pour opérer cette descente, de sorte que par cette manière précipitée, la tour ainsi que la toiture ont été cruellement dégradées et sont restées ouvertes pendant près de deux ans à toutes les injures du temps ; ce qui aurait fini par entraîner la ruine totale de ce monument.
Les membres qui composaient la municipalité d’alors étaient les citoyens : Antoine Allemand, maire, Thiébaud Sommereisen, Rodolphe Dreyer, Dominique Bilger le jeune, Jean-Baptiste Frossard, Paul Wirth, Xavier Dietelé, Antoine Sartory fils, officiers municipaux, Michel Frick agent national, Nicolas Langlois secrétaire.
Mais à la fin du mois de Fructidor [2] an IV [3] de la République, les membres composant l’agence municipale de cette commune soussignés, se sont procuré les moyens de faire recouvrir la tour et l’église et faire remettre le tout en bon état.
Nous en mettons la carrière entre les mains du Tout Puissant et le prions en même temps de préserver cette commune, ainsi que toutes les autres, de la visite de pareils hommes.
Signé : Langlois, Wirth, Frick. Nom de l’ouvrier qui a reconstruit la tour : Théobald Jobin
Signatures :
l’abbé Metzger principal, Roland inspecteur de l’enseignement, Sébastien Claudon, Bass, Quimfe, Callinet Cadet, Weingand, etc.
Dans la marge :
Joseph Schemmel pharmacien, Heitz instituteur directeur des écoles, Anthoine receveur des domaines, Hess receveur des impôts, Dr. Triponel médecin cantonal et membre du conseil d’arrondissement
Au verso :
En 1846 ont été achetées par la Ville les baraques qui entouraient l’église et exécutés les travaux de consolidation à cet édifice classé dans les monuments historiques depuis 1845.
Müller Xavier, 2ème adjoint au maire, est mort le 20 novembre 1854 , à l’âge de 79 ans. Son grand âge l’a mis à même de raconter souvent pendant sa vie à ses concitoyens, les circonstances de la descente de l’ancienne croix.
Intering, secrétaire de la mairie
[….] secrétaire de la mairie
Schwob Gustave, appariteur de la Mairie
Le parchemin est en excellent état, sans la moindre trace d'humidité ou de moisissures. S'il a effectivement été placé dans le bouton de la nouvelle croix comme le suggère le texte et le soutient la tradition, il n'a pas dû y rester très longtemps... En 1873, dix-neuf ans plus tard, au moment d'une autre dépose de la croix lors de travaux à la tour, on trouva bien des documents dans le bouton, mais il n'est pas fait mention de ce parchemin!
Gérard Michel
[1] Jules Léonard Cambacérès, Préfet du Haut-Rhin (★ Nîmes 1798 † Paris 1863).
[2] Fructidor était le douzième et dernier mois du calendrier républicain. Il correspondait, à quelques jours près (selon l'année), à la période allant du 18 août au 16 septembre.
[3] l’an IV de la République a commencé le 23 septembre 1795 et s'est terminée le 21 septembre 1796.