Les archives municipales de Rouffach conservent dans leurs réserves une précieuse collection de parchemins allant du treizième au dix-neuvième siècle. Le présent article propose un document de 1825, rédigé sur parchemin à une époque où le papier avait largement supplanté ce support d'écriture rare et coûteux. Il s'agit ici de la lettre de concession et de confirmation des armoiries de la Ville, un acte officiel signé par le Roi Charles X et vraisemblablement reçu à Rouffach avec toute la pompe dont un événement de cette importance devait être entouré. L'usage du parchemin s'imposait dans de pareilles circonstances!
Charles, par la grâce de Dieu Roi de France et de Navarre
A tous présens et à venir, Salut
Le Roi notre auguste frère et prédécesseur, voulant donner aux fidèles sujets des Villes et Communes du Royaume un témoignage de son affection et perpétuer le souvenir des services que leurs ancêtres ont rendus aux Rois nos prédécesseurs, services consacrés par les armoiries qui furent anciennement accordées aux dites Villes et Communes et dont elles sont l’emblème, a, par son Ordonnance du 26 septembre 1814, autorisé les Villes, Communes et Corporations du royaume à reprendre leurs anciennes armoiries, à la charge et se pourvoir à cet effet, par devant la Commission du Sceau ; se réservant d’en accorder à celles des Villes, Communes et Corporations qui n’en auraient pas obtenu des Rois nos prédécesseurs ; Par autre ordonnance du vingt-six décembre suivant, les Villes, Communes et Corporations ont été divisées en trois Classes,
En conséquence, le Maire de la Ville de Rouffach, arrondissement de Colmar, Département du Haut-Rhin, autorisé à cet effet par Délibération du Conseil Municipal du trois février mil huit cent vingt-quatre, s’est retiré par devant notre Garde des Sceaux, Ministre et Secrétaire d’Etat au Département de la Justice, lequel a fait vérifier en sa présence par la Commission du Sceau, que le Conseil municipal de ladite Ville de Rouffach a émis le vœu d’obtenir de notre grâce des Lettres patentes portant Confirmation des Armoiries suivantes :
D’azur, à une Vierge de carnation assise de front dans un Trône d’or, vêtue de gueules et d’azur et couronnée d’or, tenant sur ses genoux son enfant Jésus, aussi de carnation, ayant la Tête entourée d’une Gloire d’or ; et tenant de sa main dextre une haute Fleur de Lis du même ; et un Ecusson de gueules à une Bande d’argent, posé au pied du Trône de la Vierge
desquelles armoiries ladite Ville était anciennement en possession. Et, sur la présentation qui nous a été faite de l’avis de notre Commission du Sceau et des conclusions préalables du Commissaire pour nous au Sceau, nous avons autorisé et nous Autorisons la Ville de Rouffach à porter les Armoiries ci-dessus énoncées telles qu’elles sont figurées et coloriées aux présentes.
Mandons à nos amés et féaux Conseillers en notre Cour Royale de Colmar de publier et registrer les présentes : Car tel est notre bon plaisir ; Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, notre Garde des Sceaux y a fait apposer, par nos ordres, notre grand Sceau en présence de notre Commission du Sceau.
Donné à Paris, le vingt-deuxième jour de Janvier de l’an de grâce mil huit cent vingt-cinq et de notre règne le premier [1]
Charles
Par le Roi
Le Garde des Sceaux Ministre et Secrétaire d’Etat au Département de la Justice
[1] Charles X: 9 octobre 1757 - 6 novembre 1836 , Roi de France et de Navarre de 1824 à 1830
Le sceau de Charles X
Les armoiries de la Ville de Rouffach, aujourd'hui:
D'azur à la Vierge de carnation assise sur un trône d'or, vêtue de gueules et d'azur, tenant de sa main droite une haute fleur de lys d'or, la tête couronnée et entourée d'une gloire de même, sur ses genoux l'Enfant bénissant de carnation, au nimbe crucifère d'or, un écusson de gueules à la bande d'argent brochant en pointe.
Ces armoiries réunissent le sceau de la Ville (la Vierge et l'Enfant) et les armes de la seigneurie des évêques de Strasbourg de gueules à la bande d'argent .
Sources: Archives départementales du Haut-Rhin Armoiries des communes du Haut-Rhin,
C. Wilsdorf, L. Rohn, A. Herscher
Brève histoire de l'héraldique en France:
En France, durant l’Ancien Régime, tout individu, quelle que soit son origine sociale et sa confession, peut porter les armes de son choix à la seule condition de ne pas usurper celles d’autrui.
Les révolutionnaires de 1789 associeront les armoiries aux privilèges de la noblesse dite " féodale ". Leur usage sera interdit et sévèrement réprimé par un décret du 19 juin 1790. Les armoiries sont alors souvent saccagées, comme on peut le constater encore à Rouffach sur beaucoup de bâtiments .
Napoléon rétablira le port des armoiries, mais l’associera uniquement à la noblesse par le biais d’un contrôle administratif sévère sur leur utilisation. Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe feront de même.
Aujourd’hui, chacun peut librement adopter les armoiries de son choix à la seule condition de ne pas usurper celles d’autrui déjà existantes.
L'héraldique: un vocabulaire et une syntaxe particuliers:
L’héraldique se sert d’un nombre restreint de couleurs qui portent le nom générique d’émaux:
- Les émaux du groupe des métaux sont l’or et l’argent.
- Le groupe des couleurs reconnaît cinq émaux qui portent les noms respectifs de gueules pour le rouge, de sable pour le noir, d’azur pour le bleu, de sinople pour le vert et de pourpre pour le violet. S'est ajoutée carnation pour la couleur chair.
- Un troisième groupe est celui des fourrures dont les principales sont le vair et l’hermine.
Gérard Michel
A consulter:
Armorial général de Haute et Basse Alsace (1697-1709) sur le site B.N.F. Gallica pour les lecteurs intéressés par l'héraldique, qui y trouveront des blasons de villes, de villages, de monastères, de nobles, de bourgeois, de confréries,... d'Alsace.
Héraldique sur Wikipedia