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L'excursion à Soultzmatt et au Grand-Ballon

années 1935 et 193636
Bulletin officiel du Club Vosgien (Numistral : http://catalogue.bnf.fr)
1
Détails
Catégorie: Personnages
  • Bollenberg
  • ânes
  • Lidy

Mai 1863 : Une sortie de l’Association Philomatique d’Alsace et de Lorraine au Bollenberg

Nous invitons le lecteur à suivre une visite à la découverte de divers lieux de notre région, dans les pas de l’Association Philomatique d’Alsace et de Lorraine, du 23 au 26 mai 1863. Notre guide sera Frédéric KIRSCHLEGER, fondateur de l’association l’année précédente : éminent botaniste, professeur à l’École supérieure de Pharmacie de Strasbourg, il nous livre le compte-rendu de cette sortie en savante compagnie qui mêle les plaisirs de la table à la botanique et à l’archéologie Il est inutile que j’explique l’adjectif philomatique, Frédéric Kirschleger s’en charge dans les premières lignes.

Nous sommes en 1863, sous le second Empire, celui de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie. L’Alsace s’était mise à la mode parisienne et il faut nous imaginer cette docte compagnie en élégante tenue de ville : les dames élégamment protégées par leur ombrelle, vêtues de robes bouffantes à crinoline, les messieurs en gilet, redingote et canotier, se lançant à l’assaut des sentiers pierreux menant au Bollenberg, sous le radieux soleil de mai… après un copieux repas, bien arrosé !

Ils étaient partis à dix, le samedi 23 mai, de la gare de Strasbourg, en wagon 3ème classe, pour la gare de Rouffach. On les conduit chez Monsieur le juge de Paix, « qui possède un musée intime d’antiquités, de minéraux d’animaux, de plantes, d’armes, de monnaies… ». Ils visitent l'église et le château des Princes-Evêques de Strasbourg.où ils goûtent des Rieslings et des Gentils de 1857, 46 et 43... Ils rejoignent Soultzmatt en omnibus, où ils sont reçus par le maire: diner avec au menu des truites noires de l’Ombach, Riesling de 1846 et Gentil de 1834… Le dîner se termine par un toast porté au Maire: « Honneur aux maires qui unissent les qualités du cœur, la passion du Bien aux aspirations du Beau, aux avantages de l’Utile, au culte de l’Intelligence. Vive Monsieur le Maire de Soultzmatt… »

Cette joyeuse troupe, ils étaient plus de quarante après que des amis les eurent rejoints, découvre les lieux et se livre à des observations très détaillées sur la flore, la géologie, l'histoire et  l'archéologie... et également sur les crus qui leur furent servis fort généreusement aux tables de leurs hôtes ... 

Un merci particulier à Marc Grodwohl qui m'a fait découvrir ce délicieux compte-rendu de F. Kirschleger, dans son article Disparition des ultimes vestiges du site de l’église Saint-Martin du Bollenberg paru dans les pages d' obermundat.org, le 23 décembre 2020...


Voici un extrait de ce compte-rendu rédigé par Frédéric Kirschleger:

Les vins du banquet… un Gentil [1] exceptionnel 

" Ce toast en l'honneur de M. le maire fut sanctionné par la dégustation du vin des Trois-Rois, liqueur douce et alcoolique, mais sans bouquet remarquable, en sorte qu'on revint au Gentil, qui avait reçu des transports d'approbation unanimes ; il y en avait de deux sortes, l'une provenant de M. Arnold, médecin, l'autre de M. le maire Ingold. Il était difficile de se prononcer sur leur valeur relativement supérieure et le jury du banquet les déclara : ex aequo. M. le maire ne tarda pas à porter une santé en l'honneur de la Société philomatique, qui a pour but de visiter chaque année une autre localité vosgienne, d'en étudier le sol, les produits végétaux et animaux, l'histoire, les monuments, les légendes, les mœurs, les aspects pittoresques ; de constater l'état de la culture de la vigne, des champs, des prés, des forêts ; de faire connaître l'hospitalité des hôtels et auberges, l'état des chemins ou la viabilité en général, les moyens de transports, les avantages sociaux, etc.

Cette idée des congrès provinciaux voyageurs est digne des sympathies de tous les hommes de bien, à qui leur patrie restreinte n'est pas indifférente. M. le maire finit par un vœu en langage mythologique qui reçut une approbation unanime : « Que demain, dans votre course au Ballon, Éole vous soit favorable, Mercure (le dieu des voyageurs) sympathique, et Jupiter clément. »

Les eaux de Soultzmatt :

Nous causâmes ensuite sur le desiderata de la commune de Soultzmatt. Le besoin le plus généralement senti est celui d'une eau potable abondante. Il y a des difficultés à conduire l'eau de l'Ohmbach, depuis sa sortie de dessous le Muschelkalk, près de l'Osenbach. Ces difficultés consistent dans les droits des industriels, des moulins à farine, des filatures et tissage. Je proposais le filtrage de l'eau à travers des tuyaux de drainage entre deux barrages ; l'eau surabondante de la fontaine coulerait de nouveau dans le torrent.

Projet d’un haras asinien cantonal : où il est question des ânes de Soultzmatt et de Westhalten …

Un autre vœu presque aussi intéressant que celui de l'eau potable pour les habitants de Soultzmatt, c'est l'introduction d'une race asinine plus forte et plus vigoureuse que la race antique et habituelle. Soultzmatt est principalement une localité vigneronne ; la vigne y est plantée presque exclusivement sur la montagne, jusqu'à 400 mètres d'altitude. Il faut amener sur ces hauteurs des engrais, des échalas, et il faut descendre les récoltes ; des chemins carrossables n'existent pas sur ces collines assez abruptes. Il fallait donc à ces braves vignerons un aide domestique patient, sobre, infatigable. Ce compagnon fut bientôt trouvé. L'âne (equus asinus) a toutes les qualités requises susnommées. A Westhalten, village distant d'un kilomètre de Soultzmatt, l'éducation et la reproduction asinines sont, depuis des siècles poussés très loin.

Mais hélas, « tout dégénère », dit Béranger. M. le maire trouve qu'il faudrait retremper la race, insinuer un sang nouveau, afin d'obtenir des bêtes plus vigoureuses, supportant des fardeaux plus considérables. Toutefois, je crains que la race régénérée n'ait pas la patience et la douceur de l'ancienne engeance, petite, il est vrai, mais très-endurante. Il y a des races asinines très belles et très fortes en Provence, de la taille d'un petit cheval ; mais ils sont terriblement têtus. Ce n'est que par des degrés presque insensibles qu'on arrivera peu à peu à renforcer la race ancienne par des reproducteurs plus énergiques, en un mot, par l'institution d'un haras asinin établi, soit à Soultzmatt, soit à Westhalten. Ce haras serait cantonal et, au besoin, entretenu aux frais des communes.

Les vertus médicinales des liqueurs locales : gentiane, myrtilles, sorbier, alisier, mais aussi prune et quetsches…

On arriva au dessert et l'on déboucha les liqueurs locales. La plupart des sociétaires touristes n'avaient aucune idée de la gentiane, de l'airelle noire (brimbelle), encore moins du sorbier et de l'alisier, tandis que tout le monde connaît le kirch et la prune ou quetsche.

La gentiane (Enzian-Brand) était très vieille et sentait encore parfaitement son fruit. C'est un liquide en haute estime parmi nos montagnards. Il n'y a pas de flux muqueux trop abondant qu'on ne guérisse par la gentiane. Contre les brouillards ou plutôt contre leur influence catarrhigène, il n'y a rien au-dessus."

Le kirsch datait de 1811; c'est assez dire qu'il fut apprécié à sa juste valeur. La brimbelle (Heidelbeerwasser) est assez répandue dans les vallées vosgiennes, et beaucoup de personnes savent l'apprécier, notamment les chasseurs de coq de bruyère, dans leurs excursions matinales ou même nocturnes. Mais de toutes ces liqueurs, la plus suave, la plus parfaite était celle de l'alisier, Mehlbeere (Sorbus aria). C'était encore M. Arnold, le médecin, qui l'avait fournie ; il nous assura, l'épicurien raffiné, qu'il possédait un petit bois de 14 ares de contenance tout rempli d'alisiers en plein rapport ; il nous dit qu'il mettait tous ses soins à la distillation de cette liqueur favorite. ..

Après les ripailles, un peu d’exercice : l’ascension du Bollenberg…

Malgré les toasts assez nombreux, malgré la multiplicité et la variété des liquides plutôt dégustés qu'absorbés, nos touristes étaient parfaitement gais et dispos. Personne ne se plaignait ni des mollets rompus ni de céphalalgie (vulg. mal de tête). À 2 heures et demie on se mit en route pour le Bollenberg ; mais les botanistes avaient d'abord à visiter le Schlœssleberg, près de Westhalten, colline botaniquement découverte par le docteur Mühlenbeck en 1823.

La flore exceptionnelle des pentes du Bollenberg…

Stipa pennata

C'est sur ces rochers abrupts de calcaire jurassique que croissent de hautes raretés, parmi lesquelles je ne citerai que l'Armoise camphrée et une graminée à plumets délicats (Stipa pennata). Nous avons signalé cette riche flore dans le 3ème vol. de la Flore d'Alsace, p. 297, et il n'est donc pas nécessaire d'insister ici. Les botanistes quittèrent le Schlœssleberg à 4 heures pour faire l'ascension du Bollenberg, où les avaient précédés les archéologues, afin d'assister à l'exhumation d'un cercueil en pierre ; mais d'abord il faut faire connaître par quelques traits ce fameux Bollenberg. C’est sur ces rochers abrupts de calcaire jurassique, que croissent de hautes raretés, parmi lesquelles je ne citerai que l’Armoise camphrée et une graminée à plumages délicats, (Stipa pennata). Nous avions signalé cette riche flore dans le 3ème volume de la Flore d’Alsace, page 297, et il n’est donc pas nécessaire d’insister ici.

Les botanistes quittèrent le Schloessleberg à 4 heures pour faire l’ascension du Bollenberg, où les avaient précédés les archéologues, afin d’assister à l’exhumation d’un cercueil en pierre ; mais d’abord il faut faire connaître par quelques traits de fameux Bollenberg.

Le Bollenberg est une colline situe à 2 kilomètres au sud de Rouffach et à un kilomètre au nord de la commune de Bergholtz ; sa forme décrit un arc de cercle très ouvert ; elle ne s'élève pas à plus de 150 mètres au-dessus de la route de Rouffach à Cernay, et son altitude est d'environ 350 mètres. Le sol en majeure partie appartient au calcaire jurassique excepté la partie orientale dont la base géologique est le calcaire d’eau douce, et qui se continue sur tout le vignoble du ban de Rouffach. Sa superficie est tantôt rocailleuse, tantôt gramineuse, c’est-à-dire composée d’un gazon court et maigre qui néanmoins nourrit des plantes particulières très rares ailleurs, par exemple Micropus erectus qu’on n’y a constaté que depuis 1858, l’Euphorbia Lathyrus, le Lepidium petrocum, l’Alsine Jacquini, le Trinia vulg., le Potentilla opaca, etc. La partie supérieure est couverte par un petit bois. Vers la partie nord-est se trouve aujourd’hui une ferme, ancien couvent comme l’indiquent la carte de Cassini et d’autres du dix-huitième siècle ; vers la partie sud-ouest se trouve une chapelle dédiée à saint Apolla ou Appolonia.

La géologie du Bollenberg… et son histoire…

Au point de vue géologique, on trouve de gros blocs de grès vosgien, enfoncés à 50 de 80 centimètres dans le sol. Ces blocs ont été l’objet de discussions assez graves, nos géologues ont déclaré que c’étaient des blocs erratiques, que des archéologues ont voulu faire passer pour des blocs druidiques, amenés par la main d'homme. Dans le pays, le Bollenberg est mal famé ; c’était, ou c’est encore, le rendez-vous nocturne des sorcières jeunes ou vieilles des environs ; on se raconte de terribles choses sur le bruit causé par leurs voyages, à minuit, à travers les airs, sur les balais (Hexenbesen)

La littérature relative au Bollenberg est assez riche, notamment s'est-elle enflée dans ces derniers temps. L'étymologie même a donné lieu à une foule de controverses. Les Bollwiller étaient propriétaires de la colline, et les membres de cette famille prétendaient que leur nom avait donné lieu à celui du Bollenberg. Des savants alsaciens modernes ont cherché une étymologie bien plus mythique. Bel, Bol, Bool, c'est le nom du dieu Soleil chez les Druides ; c'est donc la colline du soleil.

Nous mentionnons ici quelques notices et mémoires sur le Bollenberg : J. Koechlin-Schlumberger (Bulletin de la Société industrielle, 1854, N° 127), à propos de l'Aperçu géologique du canton de Guebwiller, par le docteur Durwell, avec une carte géologique de ce canton, ouvrage publié séparément en 1856, chez J.-B. Jung à Guebwiller. Aug. Stœber (Samstagsblatt, 1856, p. 51) consacre une charmante notice au Bollenberg, description topographique et géologique. M. A. Stœber, à l'exemple de l'abbé Zimberlin [4], croit voir dans les prétendus blocs erratiques de grès vosgien des pierres druidiques (des Menhir), sur lesquelles les prêtres celtiques sacrifiaient à leurs dieux, et notamment à Bell. Les druidesses qui dansaient des rondes autour de ces pierres, se sont changées dans l'imagination des peuples en sorcières. M A. Stœber parle également de la famille de Bollwiller, et leur ancêtre sainte Apolla, dont le père aurait été au quatrième siècle roi d'Alsace.

M. Max de Ring (Revue d'Alsace, 1861, p. 561), consacre un assez long article au Bollenberg. Le savant archéologue insiste principalement sur le rapport du Bel ou de Boll avec Apollon, et sainte Apolla sur les blocs dites erratiques, dont il décrit la forme et la position. M. Max de Ring conclut il leur origine géologique ou « erratique » et nullement druidique. Néanmoins il pense que le culte de Bel et d'Apollon a pu être célébré sur ces roches, que les premiers missionnaires chrétiens n'avaient qu'à changer un o en un a pour que sainte Apolla fût honorée en ces lieux à la place de Bel. Or, les hagiographes ne connaissent pas de saint de ce nom. Tout ici est légendaire. Il y a bien une sainte Appolonie morte en Égypte au deuxième siècle ; M. Ingold nous en avait parlé au souper de Soultzmatt. On ne connaît sainte Apolla qu'à Orschwihr; un acte notarié de 1768 en fait encore mention. Nous reproduirons dans nos Annales l'opinion très plausibles sur sainte Apolla et sainte Appolonie de M. Ingold. M. Mossmann, dans le musée historique et pittoresque de Rothmüller, consacre aussi quelques alinéas au Bollenberg. Nous ne voulons pas entrer dans plus de détails bibliographiques sur cette colline mystérieuse et intéressante à tous égards, ce que nous avons dit peut suffire pour le moment et nous allons continuer le récit de notre excursion.

J'étais avec les botanistes qui venaient de quitter le Schlœssleberg pour escalader la partie nord-ouest un peu abrupte du Bollenberg, par des sentiers plus ou moins rocheux, où nous fûmes tout étonnés de trouver en abondance parmi la rocaille l'Epurge (Euphorbia lathyris) avec toutes les apparences de la spontanéité. Nulle part je n'ai vu la Cynoglosse plus commune. Arrivés au plateau, nous trouvâmes parmi les Graminées étriquées du gazon une petite plante laineuse, blanche ; c'était le Micropus erectus (connu seulement depuis 1858, et qui ne se trouve pas indiqué dans le texte de la Flore d'Alsace comme aborigènes, mais comme pouvant être trouvé). Il en est fait mention dans les additions aux 26 et 36 volumes.

Les sarcophages de la ferme Lidy : une attraction pour un public nombreux, et une bonne aubaine pour le fermier ...

Un sarcophage découvert sur le domaine de François LIDY...

Nous arrivons à la ferme de Lidy, ancien couvent et église. Une foule considérable occupe les alentours ; sous un hangar nous voyons un débit de vin fort achalandé. Lidy nous a annoncés. Il avait fait courir le bruit qu'au dimanche de la Pentecôte, à 3 heures, il y aura dans sa vigne, au Bollenberg, exhumation d'une tombe païenne, et que l'on trouverait dans sa grange et sa cave de quoi se rafraîchir, Je puis évaluer à trois cents le nombre des visiteurs, qui appartenaient à toutes les classes de la société. Il y avait même beaucoup de dames qui paraissaient fort désireuses d'assister à l’exhumation. La foule se presse vers la tombe creusée jusqu'au couvercle en pierre, long de 1m. 80. Des gardes champêtres sont obligés d’arrêter et de maintenir la, foule impétueuse qui veut faire irruption de tous côtés. Pendant que les ouvriers s'apprêtent à lever, moyennant crics et leviers le couvercle de la tombe, on m'en montre un autre qui sert de seuil à la porte à la grange ; un sarcophage sert d'auge à un puits. Le couvercle qui sert de seuil est remarquable par une figure symbolique que M. de Ring a copiée et qu'un de nos élèves a aussi dessinée.

Nous rentrons dans la vigne, le couvercle est séparé de la bière ; on parvient à l'auge du sarcophage qui est remplie de terre et de débris d'os humains ; un de nos élèves naturalistes et un élève en médecine recueillent les os, ils amènent bientôt un crâne, une colonne vertébrale, des cubitus, un fémur, celui-ci par sa direction fait supposer que l'on a affaire à un squelette féminin. Dans ces fouilles on trouva une bractée de l'évêque de Bâle, qui est réclamée par M. d'Anthès, de Soultz. Dans des fouilles antérieures on avait trouvé des monnaies des temps mérovingiens, et même des monnaies romaines. M. l'abbé Zemberlin fait remonter ces sarcophages aux huitième et neuvième siècles. Ces os, loin d'être bien conservés, étaient d'une extrême friabilité. L'emplacement, de la ferme Lidy est marqué sur une grande carte du dix-huitième siècle de couvent, quoique M. de Ring affirme qu'il n'a jamais existé, près de cette petite église, d'établissement religieux. Cette affirmation nous paraît trop absolue. La foule se retira peu à peu.

Une fermière peu commode et près de ses sous !

 

La ferme Lidy en 1919

Nos amis de Guebwiller nous avaient donné rendez-vous chez Lidy et nous, eûmes le bonheur de serrer la main à plusieurs collègues, confrères et collaborateurs. Nous nous disposions à nous mettre en route vers Bergholtz, quand tout à coup la femme Lidy se précipite vers nous et nous tient à peu près ce langage en fixant ses deux mains sur ses hanches, les coudes très écartée, l'œil en feu, le front haut :

         « Ah çà, Messieurs, vous vous en iriez comme çà, sans me dédommager. Ma vigne a, été trépignée par la foule ; j'ai eu la peine de faire creuser la terre jusqu'au couvercle de la tombe ; des dégâts nombreux ont été commis dans mes champs de pommes de terre et de seigle et dans mon jardin, et je n'aurai rien pour tous ces déboires. Je n'entends pas de cette oreille-là, vous me devez des dommages et intérêts. » Ces Messieurs de Guebwiller objectaient à cette excellente femme de ménage que la consommation sous le hangar a dû largement la payer de ses peines. Ah vous croyez cela, non, je veux que ces Messieurs les professeurs me dédommagent. » Alors, s'adressant à notre caissier (voulant me débarrasser de cette brave femme), je le priai de donner 10 fr. à cette âpre propriétaire, qui entendait si parfaitement ses petits intérêts. Dès qu'elle tint entre les mains la petite pièce d'or, il y eut un changement subit et admirable dans sa physionomie. La colère avait fait place à la bonté. « Merci, Ihr Herre, a glückliki Reiss, un i bedank mir gar schoen. »

Du haut du Bollenberg on jouit d'un spectacle admirable sur la plaine, le pays entre Bergholtz, Issenheim, Gundolsheim et Rouffach ressemble à un verger ; il est extraordinairement riche et pittoresque. Nous atteignîmes à Bergholtz notre omnibus [5], qui conduisit les plus fatigués à l'hôtel du Canon d'or, à Guebwiller.

 

Notes: 

Frédéric Kirschleger (Munster 1804 - Strasbourg1869) Pharmacien et botaniste alsacien, professeur à l’École supérieure de Pharmacie de Strasbourg. Il est le créateur avec le Dr. Faudel de l'éphémère Société Alsato-Vosgienne en 1868 (précurseur du Club vosgien). En 1829, il soutient sa thèse de médecine : Essai sur les eaux minérales des Vosges.

[1] Cette dénomination très ancienne désigne un assemblage de vins d’Alsace composé au minimum pour moitié de cépages nobles (riesling, pinot gris, muscat, gewurztraminer).

[2] Henri-Gustave Muhlenbeck, botaniste réputé (1798 -1845). S’établit comme médecin généraliste à Guebwiller. De cette ville, il prospecte les massifs calcaires du Schloessleberg, Bollenberg, la colline de Westhalten. Muhlenbeck, qui herborise de nombreuses nouveautés dans le massif, ne publie que peu, mais a laissé un herbier de grand intérêt scientifique.

[4] Zimberlin Antoine Georges 1799 – 1882) bibliophile

[5] Un omnibus (« pour tous », datif pluriel du mot latin omnis, « tout ») est, historiquement, un véhicule à traction hippomobile assurant un service de transport public régulier. Le terme a donné ses dérivés : autobus et bus. L'omnibus circule à des horaires déterminés sur des lignes fixes, ce qui le distingue du fiacre, ancêtre du taxi, qui, loué spécialement, se rend à la destination requise par ses clients.

 

Gérard MICHEL

 

Article publié le 3 juin 2025 par Gérard MICHEL.

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L'auteur

Gérard MICHEL

Ancien professeur de Lettres et passionné de paléographie, je partage sur ce blog le fruit de plus de 20 ans de travail autour de documents d'archives.

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