Dans un précédent article nous avons évoqué la Porte des Morts qui s'ouvre depuis le bras sud du transept de l'église sur l'ancien cimetière. Dans cette porte, aujourd'hui murée, sont insérées deux dalles de pierre jaune de Rouffach portant des inscriptions. La première est un réemploi d'une inscription qui figurait très certainement sur la chapelle saint Nicolas, l'ancien ossuaire du cimetière, détruit en 1806. La seconde est l'épitaphe, incomplète, de Theobald Wolfhard, rédigée par ses deux fils, Konrad et Theobald, et vraisemblablement apposée sur un mur de la chapelle...
Un témoin de la culture humaniste à Rouffach...
Ainsi que nous le rappelle Hans Reinhardt dans son article La grande église de Rouffach, cette modeste dalle oubliée dans un mur nous renvoie à la grande époque où Rouffach fut un haut lieu de la culture humaniste au XVIème siècle et aux grands noms qui en sont issus:
- Conrad LYCOSTHENES (1518-1561)
- Conrad PELLICANUS (1478-1556)
- Jodocus GALLUS (1459-1517)
- et indirectement Sebastian MÜNSTER (1488-1552): Pellicanus et Conrad Wolfhard sont en effet les auteurs de l'article (livre III, pages 441 et suiv.) de sa Cosmographia Universalis consacré à la ville de Rouffach. (voir note)
… ne négligeons pas enfin un petit monument d'apparence des plus modestes, à première vue : la simple dalle gravée de lettres classiques, encastrée à l'extérieur dans le mur sud du transept. Il s'agit de l'épitaphe, posée à la mémoire de Theobald WOLFHARD, marguillier de l'église, syndic et quatre fois maire de Rouffach, par ses fils Conrad, au nom grécisé de LYCOSTHENES, et Theobald, frères germains. Theobald le Jeune fut curé à la paroissiale, LYCOSTHENES qui ajoutait presque toujours à son nom le toponymique de Rubiaquensis, s'est fixé à Bâle comme maître des langues anciennes et se fit connaître par sa collaboration aux éditions des œuvres d'Enée Silvio PICCOLOMINI (Pie II), de PLINE et de PTOLÉMÉE. Il fut le neveu protégé de l'oncle du côté maternel, Conrad KÜRSNER, dit PELLICAN, un des grands hébraïstes de l'époque. D'abord moine franciscain, à quelques reprises aussi dans sa ville natale, puis gagné à la Réforme et nommé professeur à l'université de Bâle, PELLICAN fut enfin appelé à Zurich pour assurer l'enseignement de l'hébreu à la fameuse Ecole Caroline. Il était neveu, à son tour de Jodoc HAN (GALLUS), gréciste réputé à l'université de Heidelberg et prédicateur à la cathédrale de Spire. Ainsi cette inscription d'aspect fruste, évoquant au-delà de son texte toute une famille de savants, nous rappelle l'apport non négligeable de Rouffach au mouvement humaniste haut-rhinois du XVIème siècle.
Hans Reinhardt in Annuaire de la société d'histoire des régions de Thann-Guebwiller vol.12 (1977-78)
Theobald Wolfhard était un honorable cordonnier établi à Guebwiller. Le 10 septembre 1510, il a épousé Elizabeth Pellican, sœur du théologien protestant Conrad Pellican ou Kürschner.
Transcription du texte de la dalle funéraire:
THEOBALDO WOLFHARDO SACR. ODI. CUR. URBIS. QUAS(I)
ARÆ: ÆDIL . PLEB : PRO . PRÆT .. AC CONS . DE REPUB .
RUBEAQUENSI OPTI . MER . CONRADUS LYCOSTHENES
ET THEOBALDUS FRA . GERM . PARENTI . COLEND .
PIETATIS ET MEMOR . ERGO HOC MONUM . F . C.
CONCESSIT AUTEM NATURÆ ANNO ÆTATIS SUÆ
LXVIII POST DEVASTATIONEM URBIS AB HENRICO
IIII ROMANO IMP . FACTAM .. CCCCLXXXVI A RESTI
TUTA VERO NOBIS PER CHRISTUM SALUTE M.D.
LIIII . XV CAL. OCT.
(Transcription Th. Walter dans Alsatia superior sepulta Die Grabschriften des Bezirkes Oberelsass von den ältesten Zeiten bis 1820, page 48 n° 158 Guebwiller 1904)
Note:
Rubeaci oppidi superioris Alsatiae descriptio per doctissimos viros, dominos Conradum Pellicanus et Conradum Vuolfhartum eius ex forore nepotem, natione Rubeaquenses.
Gérard Michel