le clocher roman de l'église paroissiale Sainte Agathe de Gundolsheim
C'est le procès d'une pauvre fille, séduite par un garçon qui lui avait promis le mariage. Mais elle s'est retrouvée enceinte et son amant l'a quittée pour s'engager dans l'armée. Une histoire malheureuse certes, mais presque banale: celle d'une fille de 26 ans, allant de place en place, vivant loin de sa famille, dans un pays qui lui est étranger: elle est originaire de Berne en Suisse et de religion calviniste... Elle ne s'est confiée à personne sur son état et sans doute ne comprenait-elle pas très bien ce qui lui arrivait, elle accouche seule, un matin froid d'octobre, dans les vignes de Gundolsheim, et elle tue l'enfant, à sa naissance.
A l'issue de la sentence rendue par le Conseil de la Régence de l’Evesché de Strasbourg, à l’encontre d’Ursule KOCHerin, natife d’Egerten du canton de Berne, le 28ème 9bre 1689, faisant suite au procès instruit par Jean Christophe FRIES, bailly de Rouffach, à la requête d’André KANSBERGUER, procureur fiscal de l’Obermundat, demandeur et accusateur, Ursule KOCH, accusée d’avoir tué son enfant nouveau-né dans la maison de Claude GROSS, bourgeois de Gundoltsheim … et ensuitte enterré dans une vigne attenante à la maison, le 4ème d’octobre (1689), sera condamnée de faire amande honorable, nüe, en chemise, la corde au col. Puis elle sera conduite au lieu habituel des exécutions pour y estre pendüe et estranglée jusques à ce que mort s’en suive, à une potence qui sera dressée pour cet effet.
Elle était venue à Gundolsheim ce 4 octobre 1689, pour les vendanges dans la propriété de Claus GROSS, à Gundolsheim. Vers les 10 heures du matin, elle a produit son enfant estant debout derrière la grange, s’appuyant contre un pied de vigne. L’enfant, de sexe féminin est né viable, elle l’a laissé à terre pendant une demi heure. Il s’est complètement refroidi à cause du grand vent qu’il faisait ce matin-là… puis elle lui a mis un doigt de la main droite dans le col , de quoi l’enfant est mort. Elle l’a enterré dans un trou qu’elle a creusé, sous une vigne : le trou étant fort petit, elle a couvert le petit cadavre de terre et tassé la terre à coups de talons, pour éviter que les porcs le découvrent…
Elle dit avoir agi seule, et personne ne l’a persuadée d’agir ainsi.
Interrogée qui estoit le père de l’enfant, a dit que c’est un jeune garçon nommé Ulrich qui a servi chez PONTINS à Beblen (heim ?), qui lui avait promis la foi de mariage, mais s’est ensuite engagé dans les trouppes et qu’il n’a eu affaire avec elle que deux fois et qu’il n’a eu aucune connaissance qu’elle était enseingte...
Quand on lui a demandé si elle avait conscience qu’elle avait commis un crime, elle répond :
...a dit ouy, elle sçavait bien que cela estoit un grand crime, mais par l’instigation du DIABLE, elle venait en cette despération de tué son enfant…
Elle est en outre condamnée à payer tous les frais liés à son procès et à son emprisonnement… et ses biens seront saisis.
- elle a accouché et tué son enfant le 4 octobre 1689
- elle est interrogée le 7 et le 8 octobre 1689
- la sentence est rendue le 28 novembre 1689. Pourquoi ce délai ?
Et elle a vraisemblablement été exécutée le même jour, c'est-à-dire presque deux mois, 55 jours, après les faits
Cette affaire est intéressante même si des affaires semblables il y en a eu bien d’autres, auparavant. Mais au début du 17ème siècle elles sont très rapidement aspirées dans le tourbillon de la sorcellerie. Or en 1689, alors que les bûchers semblent s’être éteints, et malgré une formule très malheureuse qui aurait pu faire d’elle un demi-siècle plus tôt une sorcière livrée aux tourments de la torture et des flammes : … mais par l’instigation du DIABLE, elle venait en cette despération de tué son enfant… , les juges n’ont, semble-t-il pas retenu l’intervention du démon…
L'affaire sera donc jugée comme un crime d'infanticide selon la procédure propre aux infanticides et non comme un crime de sorcellerie qui suit une procédure différente.
SENTENTIA
- … derowegen zu Ihrer wohlverdienten
- Straff und Abbüsung diser Übelthat, anderen
- zum abscheülichen Exempel
- … erstlichen vor der Pfarrkirchen zu Gundoltsheim,
- kniendt, den Strang ahn dem Hals hangendt,
- ein zweÿ pfündige Waxkerz in der Hand, Gott
- den allmächtigen offentlich um Verziehung
- zu bitten, solche Buss auch vor Claus GROSSen
- Behausung zu besagtem Gundelsheim noch mahlen
- zu widerholen und demnächst durch den
- Scharpffrichter auf die gewohnliche Richtstatt
- hin zue füehren, alda mit dem Strang vom
- Leben zum Todt zu condemniren…
28. 9bris 1689
... pour ce crime (cette mauvaise action) elle sera condamnée à une punition bien méritée et qui sera pour tous les autres un exemple dissuasif ( , répulsif, qui provoque le dégoût...): d'abord, à genoux devant l'église paroissiale de Gundolsheim, une corde au cou, un cierge de deux livres à la main, elle demandera publiquement pardon pour sa faute au Dieu tout puissant. Elle renouvellera cette même pénitence devant la maison de Claus GROSS (son maître) de Gundolsheim. De là, le bourreau la conduira au lieu habituel des exécutions, où elle sera exécutée par pendaison...
dans A.M.R. A FF/80 le 7 octobre 1689 Procès pour infanticide de Ursula KOCHerin, 26 ans, de Oberherkhen
- … als haben wir, den Obervogt, Beamte und Greffier
- Landschreiber uff das Rathaus der
- Statt Ruffach [ver…ÿt] und die
- gefangene Persohn aus dem Gefangnuss abholen,
- vor uns füehren lassen, welche dannach praestierten Aÿidt
- von uns interrogirt, folgendt ausgesagt :
- Wirdt befragt wie ihr Nam seye, wie
- alt sie seÿ, was ihr Thuen und Lassen
- seÿ undt woher sie seye.
- Hat geantwortet heisse Ursula KOCHerin
- von etwa 26 Jahr, seÿe ein Dienstmagd
- zu Rapschweÿr gewest undt habe
- seit Johann (depuis la Saint Jean) zue Oberherckhen
- beÿ ihrer Schwester Anna KOCHerin
- sich auffgehalten, seÿe sonst lutterischen Religion (rayé et surchargé: calvinisch)
- # von Segerten aus dem berner Gebieth. Begehre nach der Examination ein
- Religo umb sich mit ihm des Glaubens halben zue recoligieren [1].
- Wirdt befragt ob sie nit vor etlich
- Tag. zue Gundelsheimb gewesen,
- und wan sie alda hinkommen
- undt wider hinweg gangen ...
- au bas de chaque page la "signature" de l'accusée: Beclagtin Handzeichen, un petit signe autographe
la signature d'Ursule Koch, au bas de chaque page du compte-rendu de son interrogatoire
- Antwortet: seÿe verschienen Sontag umb
- 5 Uhren Nachmittag mit [Polloron ?] [ENSSen ?]
- Hausfraus in der Horb (?) [2] gangen umb
- alda zue lesen [3] und seÿe darauff folgenden Mittwochen umb 5 Uhren
- wider hinweg auff Monweÿler
- gangen, alwo sie in dem Würthaus über
- Nacht geblieben [4] und den anderen Tag
- auff Oberherckheimb zue ihrer obgenanten Schwester gangen.
- Interro: ob sie nit den vergangenen Zinstag
- zue Gundelsheimb gewesen, umb welche Zeit, in welchem
- Orth und wehr beÿ ihro gewesen.
- Antwortet: Ja, zwischen 10 und 11 Uhren
- vormittag, habe sie ein Kindt gebohren
- nachdem sie die gantze Nacht und
- Morgens zuevor die Wehe gehabt.
- Seÿe kein Mensch beÿ ihro gewesen,
- in dem die Leüth alle in die Reben
- gangen, habe das Kindt in den Garthen
- hinder der Scheüer gantz allein empfangen.
- .../...
- Wirdt befragt was sie mit dem Kindt
- gemacht, wie sie es gebohren gehabt
- und wo sie es hin gethan.
- Ant: habe es wohl ein halb Stundt auff der
- Erdten ligen lassen, weiss es weilen
- es ohne das ein kalter Winth gangen
- gantz erkalten, das es sich nur noch
- ein wenig gewüchret ( ou gewüehret): worauff sie
- ihme erstlich den Finger mit der
- rechten Handt in den Hals gestossen,
- nachgehend aber mit gedachter Handt ein
- halb Vatter Unser lang die Gurgel
- zue getruckht und nachgehens als
- es todt wahr, in die Reben
- under den Grundt vergraben.
- Interro: Ob das Kindt in völligem Leben gewest
- und ob sie es mit den Füessen getretten
- oder sonsten in der Geburth getruckht.
- Ant: habe es auffrecht an einem Rebstockh sich haltend gebohren
- und das Kindt also auff die Erdt
- schiessen lassen, habe es nit hören schreÿen,
- wohl aber gesehen dass es uff der Erdten
- ligent den Athem anfang starckh zue
- ziehen, bis endtlichen, wie vorgehend.
- …/…
- paragrapho bereits ausgesagt, habe es
- sonsten nit mit den Fuessen gedretten,
- ausser als sie mit einem Stecken
- ein Loch gemacht, umb selbiges darin
- zue vergraben, habe sie mit den
- Füessen die Erdte zue gedretten
- damit nit etwan solches nit ein Schwein
- heraus grabe und dadurch an
- den Tag kömme.
- Int: Wirdt befragt warumb sie ihr eigen
- Kindt umgebracht und ob sie solches, als sie
- es getragen, nit vorhero Willens gewesen umbzuebringen.
- Ant: wisse nichts anders als dass
- sie es aus ……alein Müethigkheit gethan in deme niemandten beÿ ihro
- gewest und die Schmertzen so gross
- gewesen, dass sie nit wusste was sie thäte,
- habe niemahlen die Gedankhen gehabt
- als sie es getragen selbiges umb zuebringen, seÿe iro herzlich leit und
- bittet umb Gnadt
- Interr: ob sie ihrer Schwester
- oder andren Persohnen nit geöffenbahren dass sie mit
- dem Kindt giehent (?)
- Ant: Nein, habe es niemahlen gesagt, in
- sie so lang als sie mit dem Kindt
- gan. die geringste Schmerzen verspüret.
- Interr: von wem Sie geschwangert worden
- und ob der selbe ihro nit Andeitung
- geben das Kindt umzuebringen und
- das Factum zue vertuschen.
- Antw: von einem ledig jungen Kerlen, namen
- Ulrich, den Zuenamm wiss sie nit,
- welcher nur zweÿmal mit ihro zue thuen gehabt,
- seinen Angeben nach solle er von Zoffing in
- der Schweitz gebürtig sein, habe ihro
- die Ehe versprochen gehabt, seÿe aber
- umb Johann in Krieg gezogen, habe
- ihme niemalen gesagt dass sie schwanger
- seÿe, in deme sie es selbsten nicht gewüsst, dahero zue solcher That ihro
- niemahlen gerathet.
- Int: ob sie sich einmahlen Plundt. oder
- sonsten mit Kleider umbwükhlet umb
- dass man nit sehen solle , ob sie schwanger seÿe.
- Antw: Neün!
- Interr: ob es ein Meidelein oder ein Bieblein gewesen.
- Antw: seÿe ein Meidtelein gewesen.
- …/…
- Nach geschehener Examination ist ihro der
- Infanticidien alles von Worth zue Worth
- vor und abgelesen, und allem inhaerirt (?)
- war zue, darauffen sie, weilen
- sie des Schreibens ohnerfahren und
- deswegen interpellirt ihr Handzeichen
- gemacht: Ruffach, ut supra
- der Beclagtin [ ] Handtzeichen.
- Continuatio Examinis.
- Ruffach, den 8. octobris 1689.
- Demnach die Deliquentin gestrigen Tags
- nit gestehen wolle, das Kindt mit den
- Füessen gedretten zue haben
- # das Kindt aber auff der Backen
- und auff der Seithen einige Mahlzeichen hätte# als ist ihro
- das Kindt in Confrontatione vorgewissen, und über folgendtes befragt worden:
- erstlichen wurdte ihro das Kindt welches in
- volliger Perfection seines alters war
- vorgewissen und sie befragt ob das
- ihr Kindt wehre: welches sie es gleich
- erkhendt und gesagt dass es ihr seÿe
- welches sie geküsset und herzlich
- anfangen zue weinen
.../...
[1] recolo, recolere : pratiquer, reprendre, réfléchir, repasser dans son esprit, se rappeler…
[2] peut-être un lieu-dit ?
[3] lesen : action de cueillir, ramasser, récolter, vendanger
[4] la route est pour le moins curieuse : partir de Gundolsheim, passer la nuit à l’auberge de Munwiller pour aller à Oberhergheim ?
Gérard MICHEL avril 2018