Cet article fait suite à l’article intitulé L'assaut et la prise de la ville par les suédois en février 1634, racontée par Jean Simon MÜLLER dans l'Urbaire de la Ville, URBARIUM RUBIACENSIS CIVITATIS, de 1727. Rouffach sort exsangue de la guerre de Trente Ans: la population est décimée, l'économie ruinée, les cultures perdues.
Le chroniqueur conclut par ces mots :
Tout cela montre clairement ce que notre bonne ville de Rouffach a enduré au cours de cette guerre des suédois comme angoisses, chagrins et misère auxquels peu de bourgeois ont survécu, une grande partie d’entre eux sont morts de frayeur, de faim et de chagrin.
- 1. Vieux-Brisach devient Française, le Conseil souverain d'Alsace s'installe à Ensisheim, puis à Vieux-Brisach et enfin à Colmar...
- 2. le prince électeur de Brandebourg envahit Rouffach et sa région avec une armée de 2000 hommes
- 3. quatre-cents dragons brandebourgeois prennent Rouffach
- 4. la bataille de Turckheim
- 5. construction du canal Vauban et de la nouvelle Breisach
- 6. les céréales et le vin hors de prix
- 7. texte original en allemand
Jean Simon MÜLLER poursuit son récit avec le traité de paix de Münster en Westphalie qui ramena l’Alsace à la couronne française :
1. Vieux-Brisach devient Française, le Conseil souverain d'Alsace s'installe à Ensisheim, puis à Vieux-Brisach et enfin à Colmar...
En 1648 avec le traité de paix de Münster en Westphalie la ville de Breisach comme toute la haute Alsace et le Sundgau furent incorporés à la couronne française. Le roi de France établit en 1657 son Haut Conseil d’Alsace dans la ville d’Ensisheim. Mais en 1674 ce Conseil fut transféré à Vieux Brisach et fut appelé Conseil souverain d’Alsace. En 1698 il fut transféré à Colmar.
2. le prince électeur de Brandebourg envahit Rouffach et sa région avec une armée de 2000 hommes
Le 28 novembre 1674 le prince électeur de Brandebourg envahit l’Alsace avec son armée et établit ses quartiers à Rouffach.
Toute cette troupe, 2000 hommes, avec leurs femmes et une grande quantité d’enfants s’installèrent dans les alentours de la ville. Leur quartier général était à Colmar. Les bourgeois de Rouffach durent leur assurer la nourriture et le vin, ils ont affamé la population et ne sont partis qu’après cinq semaines.
3. quatre-cents dragons brandebourgeois prennent Rouffach
Janvier 1675, 400 dragons brandebourgeois entrent dans Rouffach.
En 1675, le 1er janvier, 400 dragons brandebourgeois entrent à nouveau dans Rouffach et laissent les bourgeois désarmés, mais ils ne restèrent que six jours.
4. la bataille de Turckheim
Le général Turenne passe au large de la ville à la tête d’une armée de 3000 hommes. Entre Eguisheim et Turckheim, une bataille opposa les français aux troupes de l’électeur de Brandebourg (le 5 janvier 1675) dont les français sortirent vainqueurs. L’armée austro-brandebourgeoise, battue, fut chassée du pays.
Après cette victoire, les français revinrent sur Rouffach qu’ils assiégèrent. Ils avaient mis en place quatre pièces d’artillerie. Ils entrèrent dans la ville : les quatre cents dragons qui s’y trouvaient s’étaient réfugiés au château : les français les débusquèrent et les firent tous prisonniers. Les français avaient reçu des ordres et la ville et la bourgeoisie ne subit aucun dommage.
5. construction du canal Vauban et de la nouvelle Breisach
En 1698 lorsque par le traité de paix de Ryswick la ville de Breisach et tout le Breisgau furent cédés à l’empereur du saint Empire romain, le roi de France entreprit la construction d’une nouvelle ville de Breisach, de ce côté du Rhin et l’on commença ici à Rouffach, les travaux de construction d’un canal qui allait vers Pfaffenheim en contournant la carrière de pierres, la Steingrub, appelée également Bihl, revenait ici à Rouffach et de Rouffach rejoignait Neuf-Brisach. Beaucoup de gens travaillèrent à ce canal : à Rouffach stationnaient en permanence trois ou quatre bataillons de soldats, qui travaillaient sans arrêt. Il y avait des ouvriers partout, autant à Pfaffenheim qu’à Gueberschwihr et dans tous les villages sur le trajet du canal, jusqu’à Neuf-Brisach. Ce canal fut achevé en peu de temps et il accueillit bientôt sur son cours les plus gros bateaux et les plus lourdes charges qui partaient d’ici ou de Pfaffenheim, de pierre, de bois, de chaux et de toutes sortes de matériaux, en direction de Neuf Brisach. C’est ainsi que la nouvelle Breisach put être construite en peu d’années. On creusa également depuis Rouffach un canal plus petit qui rejoignait Guebwiller […] sur lequel on transportait depuis la vallée de Murbach le bois nécessaire aux fours à chaux et une grande quantité de ce bois fut également menée à Neuf-Brisach.
Le grand canal enjambait la Lauch et de l’Ill et ces deux rivières passaient sous le canal. La Thur et le Muhlbach d’Ensisheim alimentaient le grand canal et l’on pouvait dévier dans ce canal toute l’eau nécessaire selon les besoins en utilisant des vannes en planches de bois actionnées par des vis et manivelles. On construisit également quelques écluses entre ici et Neuf-Brisach.
6. les céréales et le vin hors de prix
Cette année 1699 tout était devenu hors de prix : un quartaut de blé valait 16 livres, le blé à farine ( ?) 14 livres, l’orge 10 livres, l’avoine 7 livres.
Un Ohmen (l’Aime = environ 50 litres) valait 14 livres, le vin nouveau (vin de l’année) parce qu’il était particulièrement aigre (acide) ne valait que 3 livres…
7. texte original en allemand
Woraus dan genuegsamb erhellet, was in disem schwedtischen
Krüeg die guete Stadt Ruffach für Trangsallen,
Kummer undt Noth erlüdten habe, das also gar wenig
Bürgers Leüth überblüeben, sondtern mehrentheil
Forcht, Hunger undt Kummers halben gestorben.
Anno 1648 in dem Fridtenschluss züe Münster in
Westphallen, wurdte die Stadt Breÿsach wie auch Ober-Elsass
undt Sundtgau der Cron Franckhreich incorporiert
undt setzte der König in Franckhreich Anno 1657
sein höchsten Rath über das Elsass in die Stadt Ensisheim.
Anno 1674 aber wurdte gemelter hoher frantzösische
Rath auf alt Breÿsach versetzt undt wurdte genandt
Conseil Souverein . Anno 1698 aber wurdte er nacher Collmar verstezt.
Anno 1674, den 28. Windtermonadt füelle der Churfürst
aus Brantdenburg, mit seiner Armae in das Elsass
undt wurdte in die Stadt Ruffach in das Quartier
gelegt, 2000 Man brandtenburgischer Völckher, undt solche
haben gehabt 300 Weiber undt gar vil Kindter, undt
ist seine gantze Armae umb die Gegend Ruffach herumb
verlagt wordten, das Haubt Quartier ware in der Stadt
Collmar, die Burger in Rufach haben ihre Völckher
mit Essen undt Trinckhen müessen versehen, haben die
Stadt mechtig ausgeessen undt seindt nach 5 Wochen
widter abmarschiert.
Anno 1675, den 1. Januarii, seindt widter 400 brandtenburgische
Dragoner auff Ruffach komen, undt haben
die Burger völlig wehrlos gemacht, seindt aber
nur sechs Tag darin gelegen.
So ist der französische Generall Turené mit 3000 Man frantzossen,
nechst der Stadt vorbeÿ passiert, undt zwischen Egisheim undt
Türckheim mit der brandtenburgischen Armae eine
Schlacht gehalten, alwo die frantzosen die Schlacht
gewunnen undt die brandtenburgischen geschlagen wordten
undt darauff widter völlig aus dem Landt veriagt worten.
Nach dieser Schlacht seindt die frantzosen widter zuruckh
vor Ruffach geruckht, dieselbe belägert, auch mit
vier Stuckh anfangen zuebeschiessen, es haben sich die
brandtenburgische 400 Dragoner in das Schloss retriert,
worauf die frantzosen die Stadt erstiegen unndt die
brandtenburgische Dragonner gefangen bekommen.
Die Frantzosen haben guet Ordter gehalten undt ist der
Stadt undt Burgerschafft kein Leith geschehen.
Anno 1698 als durch den Rÿswickhischen Fridtenschluss
die Stadt Breÿsach, sambt dem gantzen Breÿsgaw dem römischen
Keÿsser widter von der Cron Franckhreich ist
abgetredten wordten, so hadt der König in Franckhreich
eine newe Stadt Breÿsach diseits des Reihns anfangen
zu bawen undt wurdte Anno 1699 der Canall alhier
in Ruffach angefangen, gienge zue Pfaffenheimb
umb die Steingrub odter Bihl herumb, allhier auff
Ruffach, undt von Ruffach auf newen Breÿsach. Es arbeitete
gar vil Volckh an disem Canall, dan in Ruffach
lagen continuierlich 3 odter 4 Badtallion Soldaten, so
beständtig arbeiteten, so dan ebenmässig in Pfaffenheim undt Gueberschweÿer undt in allen Dörffern bis
auff Breÿsach lage alles voll Volckh. Diese Völcker schafften
klaffter Weiss undt wurdten braff undt wohl bezalt.
Dieser Canall kame in kurtzer Zeidt zu seiner
Vollkommenheit undt füehrte man die größte Schüff, so dan
auch die größte Last in solchen Schüffen, von hier undt
Pfaffenheimb von Stein, Holtz, Kalch, undt allen Materiallen
auff Newen Breÿsach, welches verursacht das
New Breÿsach in kurtzen Jahren erbauen ware.
Es wurdte noch ein kleiner Canall von Ruffach nach
Guebwiller undt hinter Guebwiller gemacht, auff welchen
Canall aus dem Murbachischen Thall das Brennholtz zue
dem Kalch zu brennen, ein grosse Quandtitet gefletzt wordten
undt von solchem Holtz eine grosse Quandtitet auff Schüffen
nach Breÿsach gefüert wordten.
Der große Canall wurdte über die Lauch undt über die
Ill gericht undt lüeffen diese beÿdte Wasser undt dem Canall
durch, die Thur undt der Müllbach von Ensisheimb lüeffen
in den großen Canall, undt köndte man von solchen
beÿdten letsten Bächen so vil Wasser in Canall lassen
so vil man darin vonethen hädte, das übrige lüesse
man hindurch lauffen, durch Schussbredter so mit Schrauben
auff und zue gemacht kendten werdten, undt seindt
etliche Clussen von hier bis auff Breÿsach gemacht wordten.
Damahl ist alles sehr theür gewesen undt gülte
in Anno 1699 ein Fiertel Weitzen 16 Pfundt, Mahlkorn 14Pfundt,
Gersten 10 Pf., Habern 7 Pf.
Ein Ohmen alter Wein 14 Pf., ein Ohmen newer Wein
aber weillen derselbe gar saur golte 3 Pfundt.