L'ancienne sacristie, côté est.
Appolinaire Freyburger (1813-1901) est administrateur de la paroisse N.D. de Rouffach en 1842 et nommé pro-curé de 1844 à 46. Il est l'auteur des deux tomes de Documenta collecta ad usum Ecclesiae Ruebeaquencis, resté à l’état de manuscrit et rédigé à partir de 1845. L’ouvrage de Freyburger est essentiellement une collection de textes, chartes anciennes, correspondances diverses, notes éparses… concernant l’histoire du diocèse de Bâle, de l’église et de la paroisse Notre-Dame, mais également celle des Récollets, de Saint Valentin, de la léproserie, ainsi que de notes précieuses sur les nombreuses chapellenies, les autels, les chapitres ruraux…
Autant de documents qui intéressent au plus haut point les chercheurs et les curieux de l'histoire de la Ville de Rouffach et de son église. Ils découvriront dans le passage qui suit une page consacrée à l'ancienne sacristie de l'église Notre-Dame transformée après sa restauration en chapelle de semaine. La sacristie actuelle, accolée au chœur, côté sud, est elle, une construction récente, de 1918.
L'ancienne sacristie de l'église Notre-Dame
« Avant la grande Révolution, la sacristie était partagée en deux ; la dernière travée, au fond de la sacristie actuelle, était réservée pour le Chœur ; le reste formait la sacristie des Chapelains. Les chapelains avec le curé formaient le Chœur.
Les deux sacristies étaient séparées par une cloison de menuiserie, avec une porte de communication pour les chapelains, qui se rendaient au Chœur. Nous avons pu constater, dans les montants de colonnes de la voûte de la dernière travée des rainures où venaient s’enchevêtrer la cloison de cette séparation. Du reste, il est facile de constater encore maintenant que l’arc de cercle de la dernière travée est plus orné que les arcs de cercle des autres travées.
Il y avait une porte de communication entre cette petite sacristie et le chœur de l’église. Cette ouverture est encore visible, elle forme actuellement l’armoire du fond de la sacristie. Il y avait une autre porte de communication entre la sacristie des chapelains et la nef de l’église, cette porte donnant sur le transept, vers l’autel actuel de Saint Arbogast. La porte actuelle, à l’entrée du chœur, n’existe que depuis le rétablissement du culte. En même temps que cette porte fut ouverte, on ferma la porte des chapelains, et on enleva la cloison qui séparait auparavant les deux sacristies.
Mais la sacristie n’était pas de niveau avec le chœur de l’église. Le niveau de la sacristie était d’une trentaine de centimètres au-dessous du niveau du chœur.
La sacristie était dans un pitoyable état. On descendait une marche pour y arriver, on avait l’air de s’engager dans un souterrain. Les dalles de la sacristie étaient tellement usées qu’on n’était jamais sûr de ne pas faire un faux pas. En outre, la sacristie était tellement encombrée d’armoires qu’il ne restait pour y circuler qu’une allée de la largeur d’un mètre. Il paraît que chaque chapelain avait sa petite armoire spéciale. Et avec toutes ces armoires sans fin, il n’y avait point de place pour loger convenablement les ornements.
Ce triste état de choses existait depuis quarante ans et la fabrique de l’église n’ayant pas même les ressources nécessaires pour couvrir les dépenses ordinaires, on ne pouvait pas songer à la restauration de la sacristie.
Par suite de la réduction des anciens anniversaires, en 1840 et la réorganisation des ressources et des dépenses de l’église paroissiale en 1841, la fabrique avait été remise à flots. Nous pouvions suffire aux dépenses ordinaires et prévoir même des dépenses extraordinaires.
C’est dans le courant de l’année 1844 que nous avons pu entreprendre la restauration de la sacristie.
Le dallage de la sacristie a été renouvelé totalement et mis au niveau du dallage du chœur. Toutes les anciennes armoires ont été enlevées pour ne plus paraître, à l’exception de celle qui se trouvait à la gauche de la porte d’entrée de la sacristie. L’ancien ameublement a été remplacé par une armoire-table, placée au milieu de la sacristie. Cette armoire-table renfermait toutes les chasubles étendues sur des tablettes, les vases sacrés et le linge de la sacristie. »
Appolinaire Freyburger
Documenta Collecta Chap. V, art. X, page 117
Il fut procédé également à la restauration du linge de l’église et des ornements qui, mal entretenus étaient en piteux état : surplis, aubes, purificatoires, corporaux, huméraux, nappes d’autel, tout était à restaurer ou à renouveler…
Travée ouest de l'ancienne sacristie
Chapelles, chapellenies et chapelains :
Un procès-verbal de visite datant du milieu du 18ème siècle signale encore l’existence de huit autels dans la nef. Ce nombre s’explique par les différentes chapellenies et prébendes fondées en ce lieu : de St. Laurent, de la Ste Croix, de St. Jean Baptiste, de la Trinité, des Trois Rois, de Ste Catherine entre autres. Chacun de ces autels est desservi par un chapelain, Kaplan.
La chapellenie Kaplanei est instituée par un acte de fondation devant Schultheiß et Conseil, effectué par un clerc ou un laïc, dans le but de faire dire des messes, le plus souvent pour l’âme des défunts... Cet acte précise les services qui incombent au chapelain ainsi que sa rétribution, appelée bénéfice. Un autel lui est affecté dans l’église paroissiale, dédié à la Trinité, au Christ, au Saint-Esprit, à un mystère du Christ (Résurrection, Ascension...), à la Vierge (Immaculée Conception, Assomption, ...), à un saint, un bienheureux ou une dévotion (Rosaire, Saint-Sacrement, les Âmes du purgatoire...), aux Trois Rois...
die Pfründe, la prébende, désigne le revenu fixe accordé à un prébendier, le chapelain, pour son office, tel que défini dans l’acte de fondation qui précise le nombre de messes à dire, la fréquence de ces messes, vêpres, les chants, les sonneries de cloches, le nombre et le poids des cierges…
Une fondation perpétuelle...
La fondation est dite perpétuelle, pour « mille ans et plus » : elle est alimentée par les revenus d’un montage financier censé garantir sa perpétuité, jusqu’au Jugement Dernier. Par une charte officielle établie devant le Schultheiß et des membres du Conseil, le fondateur lègue à l’église un fonds constitué par un capital en argent, des revenus en grains et en vin, les revenus d’une maison et de ses dépendances, ceux de pièces de vignes… A charge pour le Magistrat, sous le contrôle d’un Pfründschaffner, l’économe chargé de la gestion des prébendes, d’affecter les revenus générés par ce fonds à l’entretien et aux divers frais de l’autel de la fondation, à la rétribution de ses chapelains et autres acteurs (chantres, sacristains, maître d’école, etc.) et aux frais de cire des cierges, pour la célébration de messes pour le salut des âmes des légataires et de leur descendance… Sont également affectées à la chapellenie les offrandes versées par les fidèles dans le tronc de cet autel.
Mille ans et plus, jusqu’à la fin des temps !
Quelques pages plus loin, le curé Freyburger s'interrogera sur les fondations dites "perpétuelles" les plus récentes. Les anciennes étaient tombées dans l'oubli depuis bien longtemps. L'ingénieux montage qui devait en garantir le financement n'aura pas résisté bien longtemps à l'érosion des monnaies, à la dégradation et à la dispersion des biens qui devaient les sous-tendre, aux négligences de ceux chargés d'en assumer la gestion, à la disparition des chartes de fondation, aux négligences du clergé, et plus simplement, à l'oubli ... Qui se souvient en effet encore aujourd'hui des messes anniversaires fondées, parfois à grands frais, et "à perpétuité" par nos grands-parents ou arrière grands-parents, dans l'église de leur village?
Les anniversaires fondés étaient, à peu près, la source unique des revenus de la fabrique de l'église. Or ces fondations étaient tellement négligées que, depuis vingt-cinq ans, on connaissait à peine les noms de quelques fondateurs, et que les charges de ces fondations furent acquittés au hasard. Cette incurie, en ôtant la confiance aux fidèles, faillit empêcher toute nouvelle fondation Que signifient donc ces fondations perpétuelles, disaient les fidèles: on les acquitte pendant quelques années, puis il n'en est plus question!
Appolinaire Freyburger, en 1840
Gérard Michel
La jeune fille au touret, entrée de l'ancienne sacristie
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