Vue de la Ville de Rouffach, ses tours et ses remparts au 17ème siècle
Détail de La sainte Famille au Repos Musée Unterlinden Colmar
La démolition des tours et des portes de la ville exigée avec insistance par le préfet Desportes, le « démolisseur des Portes », dans une série de courriers adressés au citoyen Maire de Rouffach, entre juillet 1803 et décembre 1804, débutera finalement en janvier 1809 et durera 6 semaines.
Celle de la double rangée de remparts qui entouraient la Ville se fera dans le même temps, toujours sous le contrôle du même préfet.
Comme pour les portes et les tours, les raisons invoquées pour cette démolition par le cahier des charges présenté le 8 janvier 1808, étaient « de donner une uniformité de hauteur,… plus d’aspect et plus d’air à la ville… ». Les murs extérieurs, selon le même cahier de charges, « seront abattus jusqu’à la hauteur de 32 centimètres (un pied) d’élévation au-dessus de la terre…».
Ce souhait de « donner plus d’air à la ville » est récurrent dans ce premier quart du siècle : un courrier du Préfet Desportes prétendait en juillet 1803, que « les tours de votre ville sont encore plus étroites et plus malsaines pour l’intérieur » que ne l’étaient celles de Colmar ou de Ribeauvillé. Dans un autre courrier, il réitère l’ordre qu’il avait donné de démolir « les tours de votre ville pour en rendre l’avenue plus agréable et plus facile, et en même temps pour y établir la circulation de l’air, circulation qui est gênée par ces masses antiques ».
Pour la santé de la population, il faut de l’air et de la lumière, et tout ce qui en empêche la libre circulation, les portes et les remparts, ces murs « qui empêche(nt) même par sa (leur) hauteur énorme la salubrité de l’air.. » doit disparaître au plus tôt.
Le lecteur trouvera ci-après, un courrier adressé à la préfecture par 7 propriétaires qui demandent l’autorisation d’abattre le mur d’enceinte qui clôt leurs propriétés entre la porte Riss et le château : cette fois, ce sont donc des propriétaires qui en demandent la démolition et la raison invoquée est la sécurité des personnes et à nouveau la salubrité de l’air, que la hauteur du mur (plus de13 mètres) empêcherait de circuler. Notons tout de même qu’au pied de ce mur, il semblerait qu’il n’y avait pas eu d’habitation, mais on y trouvait des jardins, des vergers et de la vigne…
Rouffach, le 1er Ventôse 13ième (20 février 1805)
Monsieur le Préfet
Les soussignés, au nombre de sept, tous propriétaires dans la commune de Rouffach
Ont l’honneur de vous représenter qu’ils ont des propriétés dans l’enceinte de la Ville de Rouffach, attenante au mur interne de la Ville qui a près de quarante pieds de haut, (plus de 13 mètres) depuis la porte de la Ville dite Rissthor jusqu’au ci-devant château. Le mur ne servant à rien et par ce motif se trouvant depuis un siècle sans le moindre entretien, est dans un dépérissement marquant et ne représente qu’une masse de pierres qui expose ceux qui l’approchent à des accidents fâcheux; journellement les chutes, brisant les arbres, pieds de vignes et plantes des jardins des soussignés, en sont les preuves les plus convaincantes, démontrant le danger éminent auquel s’exposent ceux qui, dans le moment des travaux, l’approchent.
Dans ces circonstances, comme chaque individu a de l’intérêt à jouir de sa propriété en sûreté, les soussignés offrent de faire démolir ce mur qui empêche même par sa hauteur énorme la salubrité de l’air, à leurs frais pour les matériaux ou bien de les rendre à la Ville contre le remboursement des frais de démolition, à la hauteur de celle où cette démolition eut déjà lieu au même mur du côté de la porte de Cernay, ou bien à la hauteur qu’il vous plaira de faire fixer par un Ingénieur et le faire crépir sur la face de leur propriété.
L’offre de faire démolir à leurs frais est fondée sur l’attention et les soins que chaque propriétaire a intérêt de garantir sa propriété des dégâts que l’inattention et l’insouciance des ouvriers payés par la Ville détériorent, ainsi que le démontre l’exemple existant qui par la démolition d’une partie de la susdite porte, ont encombré la propriété d’un des soussignés et par là diminué la valeur au moins du quart.
Nous osons d’après ceci espérer, Monsieur, que vous daignerez accueillir notre demande et vu l’urgence par l’approche de la saison qui requiert la main d’œuvre dans les jardins, ordonner que dans le délai le plus bref la hauteur de la démolition demandée sera fixée.
En attendant votre décision, nous avons l’honneur d’être avec le respect le plus distingué,
Monsieur le Préfet,
votre humble et très obéissant serviteur.
Nithard, Brandscheid, et des signatures illisibles
Sebastian Münster vue de Rouffach en 1548
exemplaire de la Bibliothèque humaniste de Sélestat
Mais on ne pouvait pas démolir toutes les murailles de la ville : on voit encore aujourd’hui, depuis la promenade des remparts, que beaucoup d’habitations anciennes sont adossées à ce rempart qui en constitue l'un des murs. Dans ce même premier quart de siècle, on verra se multiplier les demandes de riverains pour la création d’ouvertures, portes et fenêtres, dans ce mur d'enceinte, motivées par le besoin d’air et de lumière, des demandes de travaux qui, bien souvent, seront adressées à la mairie ou à la préfecture bien après que ces ouvertures eurent été percées... Un article ultérieur traitera de ce sujet.
Gérard Michel